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Redressement singe-homo-humain

Publié le 01 avril 2009 par Collectif Des 12 Singes

Redressement : rétrécissement du bassin féminin alors qu’augmentation du volume du cerveau : accouchement prématuré pour faire passer un corps et un crâne plus gros par un vagin plus étroit. Le petit humain est le moins développé des nourrissons, il apprendra au fur et à mesure, mais est encore plus dépendante de sa mère qu’un autre animal

À l'origine des temps, l'existence de l'humain préhistorique était régie par les besoins biologiques immédiats : l'instinct sexuel était réglé selon une périodicité organique déclenchée par le signal des menstruations de la femelle auquel répondait la réaction instantanée du mâle, réponse arrêtée en l'absence du signal de l’œstrus. La vie et les conduites répliquaient la domination du principe du signe et du signal, c'était le temps de l'ère anale régie par le primat de l'odorat. Déposant, activement ou passivement, des traces odorantes, pisse ou merde, marquant son territoire, l'humain animal jouait et rejouait une scène immémoriale essentielle dans sa lutte pour la vie ou sa survie. Ainsi, il affirmait son indépendance à l'égard de l'Autre et, l'agressant olfactivement, dissuadait ses congénères rivaux de pénétrer sur son territoire en les faisant fuir, préservant l'économie d'un combat et épargnant une lutte à mort ; ou, au contraire, il invitait ses congénères en signalant sa présence, offrant des indices de sa disponibilité pour perpétuer l'espèce. De cette période anale et animale nous trouvons le témoignage chez l'enfant : il ne présente pas la moindre trace de l'orgueil qui par la suite pousse l'humain civilisé adulte à séparer sa propre nature de tout le reste du règne animal par une ligne de démarcation tranchée. Reconnaissant sans inhibitions ses besoins, l’enfant se sent davantage parent de l'animal que de l'adulte, qui est vraisemblablement énigmatique pour lui.

C’est au cours des deuxième et troisième années que l’enfant entre dans le stade anal, composé de processus psychiques mis en jeu par la découverte des zones érogènes anales.

L’esprit humain, qui a son siège au cerveau, doit être troublé et imprégné par des vapeurs issues des facultés inférieures pour abreuver d'eau l'invention et la féconder

L’humain se redressa quand il destitua son odorat au profit du regard et du visuel, quand ses bruits, ses cris, firent appel à l'Autre.

Le traumatisme spécifique de l'hominisation réside dans la catastrophe du renoncement anal, une des interdictions les plus puissantes de l'humanité, matrice immémoriale du refoulement. Lorsque l’humain se dressa pour la première fois au-dessus de la Terre-Mère, l’évolution a affecté l'attitude de la race humaine vis-à-vis des excréments.

Ce noyau organique du refoulement s’exprima à travers les phases successives de redressement, de station debout permanente, d’atrophie de l'odorat, de diminution des sensations olfactives, pour finir par le dégoût envers l’analité. En effet, de même que nous détournons avec dégoût notre organe sensuel (tête et nez) devant les objets puants, de même le préconscient et notre perception consciente se détournent du souvenir anal. C'est ce qu'on nomme refoulement, enfouissement psychique des pulsions animales de défécation.

L’interdit fut conçu comme l'effet d'un commandement originaire ouvrant à la culture et à l'Autre, par renoncement à la confusion anale. Ainsi se définit le passage d'une sexualité animale, régie par le cycle biologique des instincts (notamment l’œstrus, phénomène de fécondité et de reproduction limité dans le temps), à une sexualité humaine soumise à la permanence de la pulsion et régulée par la représentation dans le rapport à l'autre.

Or la Culture ou, plus exactement, le procès culturel, dans sa marche en avant vers le haut (les Superos), dans ses avancées sur les terres conquises sur le pulsionnel, les terres du bas (Achérontia), celles du sauvage, du primitif, obéissent à une autre loi, celle de la cumulation; et si cette avancée se présente comme un progrès, progrès de la civilisation, elle représente et matérialise aussi une menace, celle d'être cumulativement abstraite et cumulativement stérilisante.

Tout refoulement aurait un noyau organique dans la substitution, en quoi il consisterait, de sensations agréables en des sensations désagréables. Toutefois, les facteurs psychiques ne jouent pas encore de rôle dans ces refoulements organiques. Ainsi le refoulement organique ne suffit pas à répondre à la question du pas de l'hominisation, à saisir quelque chose de cet « acte fatal ». La raison de cette décision, ou plus précisément de cette contrainte au redressement, bref sa cause, c'est le commandement auquel « Ça » dût répondre pour se réaliser en tant qu'humain nouveau car redressé. Ce commandement de la culture était vécu comme le grand commandement individuel et collectif de l'existence humaine, seul passage par lequel son existence puisse être ordonnée, juridiquement et esthétiquement : c'est le commandement de la nécessité, l'Anankè, plus contraignant encore que les exigences d'Éros. Celui-ci retire une part du pouvoir créatif de l'individu pour le remettre aux mains de l'espèce.

Pour sortir de son existence animale (il serait plus juste de dire, pour y prendre pied) en se dressant au-dessus des autres, l’humain dut accepter de perdre une partie de lui-même, d'abord anale. Il répondit ainsi, sans qu'il ne puisse le comprendre au départ, à un protocole fixé ailleurs que dans son corps. À partir de là, il put percevoir ou éprouver les signes de reconnaissance ou de rejet venant du dehors lui permettant (ou non, ou dans la difficulté d'épreuves toujours recommencées) de s'identifier ou de s'exclure de ces règles et de ces rites qui signent l'adhésion à la culture. Cette perte c'est le prix à payer, une partie de la dette, pour entrer dans la culture humaine selon la Loi de l'espèce et de son Histoire.

Freud prévoyait déjà que la civilisation se dirige vers le primat de l'intellect et l'atrophie du sexuel. Ferenczi avait prévenu le sujet de la civilisation que "l'homme n'atteint à l'intelligence pure que par la mort ou, du moins, en devenant psychiquement insensible". Voulant éradiquer la violence, atrophier le pulsionnel, tout au moins dans l'affirmation manifeste de ses buts et de ses idéaux, l'action de la Culture ne serait-elle pas en passe de "naturaliser" l'Interdit, exigeant "ce qui serait de l'ordre" d'une aversion naturelle pour les choses proscrites, et de vouloir faire disparaître de la surface de la Terre, où qu'il se trouve, l'homme pulsionnel primitif, reconnu sous les traits de l'étranger, du barbare, du spadassin du Mal ou du terroriste... au profit de l'homme "civilisé" qui, faisant l'économie de la mise en tension du sauvage et de l'éduqué, comme s'il lui était donné de faire l'économie du refoulement originaire, n'aurait qu'un rapport pacifié au "Bien" puisqu'il n'y aurait, pour lui, plus de Mal à refouler, pour lui, l'homme désormais lobotomisé de son inscription dans l'Histoire, lobotomisé de son inconscient; cet "individu est pacifié" de sa coupure d'avec sa nature animale, de son rejet du primitif, de son surmontement de son ancienne position d'homme, ce sont des stades dépassés... Jusqu'à leur retour inattendu, mais violent, dans le Réel (comme l'histoire actuelle, malheureusement, le met en scène), violence brutale et non réfrénée, non régulée comme réponse à un Idéal, ou une contrainte trop dure et trop cruelle, celle des Volontés du Bien, vanité des Vanités

Les humains restent de misérables chiens toujours conduits par l'analité

Le stade anal est un concept de psychanalyse décrivant la deuxième phase de l'évolution affective d'un bébé humain. Il succède au stade oral et se caractérise par une focalisation de l'enfant sur la région rectale. Cette période se joue de 1 à 3 ans en moyenne. L'enfant découvre le plaisir que lui procure le fait de retenir les matières fécales (rétention) ou de les expulser (défécation). Rappelons que c'est aussi, à cet âge, la période d'opposition. Dans le stade anal, la perte des excréments est assimilée, par le jeune enfant, à la perte d'une partie de son corps; l'enfant peut en être angoissé. Le "fruit social" de ce stade anal est l'autonomie dans l'espace.

Vers deux ans, l'enfant commence à maîtriser ses sphincters, et l'anus devient une zone érogène sous l'influence de l'exigence de propreté exprimée par les parents. L'anus, zone de passage entre l'intérieur du corps et le monde extérieur, est soumis à la volonté de l'enfant qui s'aperçoit qu'il peut empêcher l'expulsion et en retire donc un plaisir de rétention découlant de l'application de sa volonté. Il prend progressivement conscience du soulagement lié au fait de laisser sortir : c'est la découverte du plaisir d'expulsion. Il est fréquent que l'enfant s'intéresse à ses selles et les manipule, les explore ou les exhibe (comme il le fait également avec ses jouets).

Le boudin fécal stimule la zone érogène, et est perçu par l'enfant comme une partie de son corps qu'il perd. Cette partie est valorisée et peut donc servir de monnaie d'échange. Aimer signifie à ce stade donner et garder, la possessivité est l'un des aspects dominants du stade anal. L'enfant peut satisfaire sa mère en laissant sortir à l'endroit et au moment où celle-ci le souhaite. Il peut également s'opposer à elle en retenant, c'est le développement d'un sentiment de toute puissance chez l'enfant. C'est la mère qui imprimera la notion de saleté et le sentiment de dégoût, créant chez l'enfant l'assimilation de ses rejets à un plaisir défendu, à l'interdit. L'enfant peut concevoir la rétention comme une opposition à la mère. L'expulsion est une expression de l'agressivité.

C'est une transition vers un niveau affectif plus complexe durant laquelle l'enfant passe de l'expérimentation du clivage (succession / alternance de sentiments opposés vis-à-vis d'un même objet) à celle de l'ambivalence (mélange de sentiments opposés ressentis simultanément de manière entremêlée).

Abraham divise le stade sadique-anal, marquant nettement la différence entre le plaisir de déféquer, et celui de la rétention propre à l'enfant après apprentissage de la propreté. Il nommera le premier stade d'expulsion et le second stade de rétention. Ces deux sous-organisations du développement libidinal infantile seront fortement liées à l'aspect de destructivité inhérent au sadisme qui est le second penchant de ce stade

L 'archaïque le plus fondamental est celui de l'animal, celui de l'instinct et l'homme aura toujours le plus grand mal à supporter son origine animale; il la rejettera, la niera et la déniera pour la projeter sur l'autre pour mieux la combattre ou la détruire; comme Freud l'avait très bien repéré, toujours dans le "Malaise", "en dépit de tous les progrès accomplis par l'homme au cours de son développement, l'odeur de ses propres excréments ne le choque guère, alors que seule le choque celle des excréments d'autrui.

À la naissance, le petit possède des capacités olfactives et gustatives d’une grande finesse. Il reconnaît l’odeur de sa mère

Le noyau de l'Inconscient désigne ce que l'enfant porte déjà en naissant, c'est à dire un savoir instinctif, en grande partie sexuel, sorte d'activité mentale primitive. La sexualité comme moteur central de la constitution du psychisme est universelle, tout comme l’universalité du polymorphisme sexuel infantile (même si les différentes manifestations de ce polymorphisme sont dues aux particularités culturelles) et celle de la sexualité préœdipienne et œdipienne (même si les personnages entrant en jeu divergent, avec les mécanismes de défense qui s’y rattachent). La sexualité est importante dans la participation à la constitution du Surmoi (la transmission de la tradition culturelle), dans les mécanismes de défense du Moi (couche psychique du présent, du conjoncturel, de l'accidentel) et dans la structuration du système tensionnel du Ça (hérédité biologique et évolution génétique), sachant que ce sont les facteurs d’ordre culturel qui structurent différemment le système tensionnel du Ça

Dans ce que l'autre nous donne à partager, on trouve la fantaisie et le mythe comme précipités de l'histoire culturelle des humains. Ces fantaisies primitives nous pouvons les appréhender comme une matière, ou un matériau transitionnel, trouvé/créé par le sujet dans la matrice immémoriale et qu'il module sans en être l'origine

Édification des forces psychiques qui se dresseront plus tard comme des obstacles sur la voie de la pulsion sexuelle et qui, telles des digues, resserreront son cours (le dégoût, la pudeur, les aspirations idéales esthétiques et morales). L’édification de ces digues est l'œuvre de l'éducation, et il est certain que l'éducation y contribue largement Cette évolution fut organiquement déterminée, héréditairement fixée et s'effectua sans le moindre concours de l'éducation, donc de l’humain culturel et actif.

Nous autres humains prenons pied dans notre nature animale, nous ne pourrons jamais devenir semblables aux Dieux... les obstacles se trouvent dans la constitution pulsionnelle et dans les intérêts de l'humanité", et rien ne serait plus destructeur que de se croire chargé d'une mission confié par ces "Superos", chargé de croisade..., sous le motif d'une croyance dans l'élévation culturelle qui s'aveugle sur l'illusion qu'elle représente, celle de ne plus rien avoir de commun avec l'autre présenté comme primitif et animal. On sait ce qu'il en advint d'Orphée lorsqu'il prétendit détenir le pouvoir de pacifier les bêtes sauvages... sous le mythe pacificateur, sous l'affirmation d'un idéal de paix, s'exprime une volonté perverse d'une extrême violence, celle de vouloir réduire l'autre à son propre désir, de lui refuser sa différence, et à ne lui permettre de survivre qu'en tant qu'appendice anal de soi-même

Derrière l'interdit œdipien une autre cause à la difficulté d'être Homme; cette cause il me semble la comprendre comme relevant du temps du refoulement premier, originaire, et liée au traitement de la question anale; elle naît de ce moment fondateur où viennent s'affronter le "Commandement" de la disposition à la culture (comme quand dans l'armée, pourquoi pas, par exemple, on se retrouve à la disposition d'un chef incontesté)

Et l'attachement à l'érotisme anal dans la jouissance de la confusion; conflit originaire entre deux positions ou dispositions psychiques: l'investissement de la vie de l'esprit et l'animalité résiduelle, l'analité. Et c'est d'ailleurs en rapport avec ce conflit premier qu'il me semble rencontrer, et comprendre quelque chose de la pulsion de mort comme révolte contre l'assujettissement au code de la culture et de la langue.

L’hominisation s’explique par le mythe, mythe concernant l'origine d'interdits fondateurs, postulés comme interdits réels à l'origine de l'espèce et se retransmettant de générations en générations.

Parmi ces interdictions, citons l'endogamie, liée au refoulement organique contemporain du redressement du singe vers l’humain. En effet, se redresser c'est se relever, se séparer de la Terre-Mère, trace du père primitif qui castrait ses fils.

Ainsi, pour raconter le passage à l'hominisation Freud invente un mythe articulant et nouant le redressement et l'Œdipe, l'interdit de l'inceste métaphorisé par la séparation d'avec la Terre-Mère, et

La phase prégénitale anale, une fois acquis le choix de l’objet d’amour définitif par l’accès à la génitalité. Une fois l’Œdipe résolu, les manifestations psychiques (traits de caractère, comportements, structure…), regroupées sous le vocable “analité”, qui relèvent de l’orientation du développement psychosexuel et de celle de la relation d’objet (relation du sujet avec ses objets, dont lui-même), développées au stade anal ?

La pulsion (2) ? Sa source, ou zone érogène partielle, est ici constituée non seulement par la muqueuse ano-rectale mais aussi par l’ensemble du tube digestif participant à la fonction d’exonération, qui est totalement investi de libido, tant au niveau orificiel que dans son intériorité. Son objet est la mère, qui sera manipulée comme les matières fécales, mais aussi ces matières mêmes, qui auront une fonction symbolique riche et structurante qu’il convient d’essayer de définir à grands traits :

– La selle est d’abord une excitante source de plaisir. La détente ressentie après une exonération satisfaisante est un avatar de l’érotisme anal.

Elle représente aussi une partie du corps qu’il est possible de garder ou de rejeter. C’est à ce titre que la domination de la fonction sphinctérienne constitue une étape fondamentale dans la constitution de la personnalité infantile. Elle correspond à l’élaboration d’un Moi indépendant en même temps qu’à la possibilité de communiquer avec l’entourage :

Donner et retenir s’exprime métaphoriquement par le contrôle de la fonction d’excrétion. Mais, au-delà de la communication, l’exonération fonde le concept de perte par l’abandon de ce “quelque chose” qui est une partie de soi rejetée à l’extérieur, faisant de l’angoisse anale la peur d’être vidé, dépossédé de son corps. De plus, conserver à l’intérieur ou rejeter au dehors permet l’acquisition essentielle de la distinction entre objet interne et objet externe.

– La selle représente, enfin, une monnaie d’échange entre l’enfant et la mère, puis le monde adulte (d’où l’analogie avec le cadeau, l’argent).

But de la pulsion anale : Une phase expulsive, caractérisée par un auto-érotisme narcissique et un aspect sadique : objet détruit et abandonné, la selle expulsée “vectorise” le détachement agressif vis-à-vis du monde extérieur.

– Une phase rétentive, caractérisée par un auto-érotisme masochiste actif une fois acquise la capacité de retenir. La sémantique défécatoire s’enrichit dès lors d’un nouveau champ d’expression métaphorique : expulsée, la selle peut être offerte comme cadeau ou marquer la défiance ; retenue, elle peut aiguiser le narcissisme ou supporter un geste d’hostilité.

Voyons maintenant en quoi l’érotisme anal modèle la relation d’objet, c’est-à-dire en quoi et de quelle manière ce “mythe de communication (3)” fonde tel ou tel type de comportement vis-à-vis du sujet lui-même mais aussi de son monde extérieur, à savoir l’autre. Avant d’aller plus avant, il faut souligner une caractéristique essentielle de cette relation d’objet : l’existence de couples d’opposition

– Le sadisme et le masochisme. M. Houser (1) définit le sadisme comme “une agression chargée de plaisir contre un objet”, et le masochisme comme “le but passif d’arriver au plaisir par des expériences douloureuses.”Détruire l’objet extérieur ou le garder pour exercer sur lui un contrôle témoigne de la double possibilité d’expression de l’érotisme anal et de son agressivité. Par ce double exercice, l’enfant découvre le pouvoir qu’il a vis-à-vis des autres. Il s’ensuit l’émergence d’un sentiment de toute-puissance : l’enfant peut maîtriser et donc posséder ; libre à lui de disposer comme il l’entend de cette richesse.

L’ambivalence relève du vécu paradoxal que le sujet a vis-à-vis de ses matières, tantôt repoussées avec dégoût, tantôt conservées comme un bien précieux. On rejoint le “mythe de communication”, la selle étant alors un modèle des rapports à l’autre que l’on peut agresser – “je t’emmerde” – ou, à l’inverse, choyer, remercier. Le cadeau “matières” peut ainsi prendre un sens négatif ou positif

– La bisexualité est un déterminant d’ordre anal (5), l’ano-rectum étant susceptible d’excitations actives masculines et passives féminines. À ce titre, elle est un composant commun à tous les hétérosexuels dont la “métabolisation” dépendra de l’histoire de chacun.

– Les couples d’opposition sont caractéristiques de l’analité: l’opposition activité-passivité mais aussi – toujours dans le cadre de la communication – les oppositions “gentil-méchant,beau-laid, grand-petit et, par-delà, subjuguer-être subjugué, dominer-être dominé (1)”.

– Reste une dernière caractéristique de l’érotisme anal : le narcissisme, conséquence de l’auto-érotisme. Une fois établie de façon définitive, la vie génitale, les motions pulsionnelles de l’érotisme anal auront à s’effacer devant le primat des organes génitaux et survivront par le biais des mécanismes de refoulement ou de sublimation. Leurs expressions, pour variables qu’elles soient, participent à définir une autre modalité d’être de l’analité.

En tant que productions de l’inconscient, les concepts d’excréments, d’enfant et de pénis sont traités comme équivalents. L’enfant, comme la selle, est “quelque chose” qui se sépare du corps.

L’expression “donner un enfant” renvoie au cadeau qu’est l’excrément que l’enfant peut “céder” en tant qu’objet d’amour. Quant au pénis, il est, comme “la verge d’excrément ”et l’enfant, un corps solide qui excite, en y pénétrant ou en s’en retirant, un conduit de membrane muqueuse. La représentation fantasmatique “pénis-selle” et “vagin-intestin”

Formations réactionnelles contre des motions érotico-anales et sadiques : obsession de lavage et de pureté, mesures préventives contre des préjudices que les autres auraient à redouter

Relations entre la selle et le fantasme de castration – équivalence entre bol fécal et pénis –, si bien que l’abandon de la selle en arrive à symboliser la castration. Ainsi, “l’amour narcissique que chacun a pour son pénis n’est pas sans recevoir une contribution de l’érotisme anal

Les caractères ordonnés, économe et obstiné relèvent de la composante érotique anale. Ces particularités de comportement proviennent des excitations anales prégénitales qui, détournées de leurs buts sexuels prégénitaux après la fin de l’Œdipe, se dirigent vers d’autres buts (non sexuels) par sublimation. Ainsi, l’attention à la propreté corporelle, la scrupulosité (être ordonné), le sens de la thésaurisation, l’amour de l’argent, voire l’avarice (être économe), la tendance à l’emportement (être entêté) sont l’expression, après sublimation, du détournement des pulsions érotiques anales. Dans d’autres cas, la défense contre les excitations anales s’exprimera sous la forme de formations réactionnelles comme la honte, le dégoût, le moralisme.

En conclusion, nous avons vu que le développement de la libido passe par une organisation prégénitale structurante et maturante au cours de laquelle s’édifient des modalités de relation à soi et aux autres. Une fois l’enfance passée, ces particularités connaîtront un destin variable que Freud (8) schématise ainsi : une partie seulement des excitations anales servira à la vie sexuelle, une autre partie sera dirigée vers des buts désexualisés par sublimation, une dernière partie sera l’objet de formations réactionnelles.

Besoin de savoir par soi-même.

Ainsi peuvent-ils s’approprier des connaissances rares, mus par le refus d’acquérir les savoirs officiels, leur souci de se démarquer des goûts de leurs parents et assez souvent une curiosité insatiable née à leur insu des secrets de famille et des énigmes que recèlent leurs histoires familiales.

Le secret, mot qui apparaît au XVIe siècle dans la langue française, désignait aussi les lieux d’aisance (segreta) et l’on sait qu’étymologiquement il dérive du latin « cerno » qui désignait l’opération du tamisage du grain que l’on retrouve aussi par exemple dans discernement. Ex-cerno signifiait évacuer par criblage et a donné le mot français excrément... peut-on mieux définir la proximité du secret et de l’analité ?

Le secret a aussi comme effet de générer l’inhibition intellectuelle et l’impossibilité de savoir, « inhibition, symptôme et secret » pourrait-on dire. Cette entrave intellectuelle se traduit fréquemment par l’échec scolaire, l’enfant mettant son intelligence en veilleuse par mesure de protection.

Réaliser un désir d’enfant est la condition du bonheur de l’adulte

Le besoin de savoir débouche sur une intellectualisation non créatrice de la pulsion d’emprise

Chez d’autres on a l’impression d’avoir affaire à une authentique sublimation de la Bewaltigung (désir de maîtrise); pour le dire autrement plus que du côté du sexuel phallique, le destin de la pulsion épistémophillique ne nous renvoie-t-il pas plutôt aux avatars de l’analité ?

Je vous mange tous, je vous emmerde tous. Et maintenant tu me laisses tranquille. Il faut que j'aille vomir

Dans le développement de la personnalité, le déclin du complexe

D’Œdipe marque, entre autres choses fondamentales (comme la constitution des différentes instances intrapersonnelles:Moi, Surmoi, Idéal de Moi…), l’installation du primat de la zone génitale, divisant ainsi l’évolution de la libido en deux grandes étapes : une organisation prégénitale (définie par les stades oral, anal et phallique), puis une organisation génitale.

Érotisme anal : excrément=argent=cadeau=enfant=pénis

Fréquence des thèmes ressortissant à l'analité, découvre l'importance du coït anal

Contrairement à la vulve et au vagin, l’anus et le rectum ne sécrètent pas de lubrification naturelle facilitant le rapport sexuel. Cependant, l'anus est une partie du corps, pour les hommes comme pour les femmes, particulièrement innervé, dont la sensibilité est similaire à celle des parties génitales [réf. nécessaire], source d'un possible plaisir pour le receveur. La sensation de va-et-vient chez la femme et la prostate chez l'homme peuvent conduire à l'orgasme pour le partenaire passif

La sodomie peut également être une alternative à la pénétration vaginale pour ne pas rompre l’hymen de la femme avant le mariage ou éviter la fécondation, où elle a longtemps été fortement recommandée comme un moyen de contrôler les naissances

Pratique considérée comme déviante puisque ne menant pas à la reproduction, entourée des tabous liés aux fonctions excrétrices (l’anus étant concerné), surtout dans les civilisations où ces fonctions naturelles sont jugées honteuses

On a relevé l'existence de la sodomie chez certains animaux, notamment chez des primates comme les chimpanzés ou les bonobos, les chiens

Le fixé anal, c'est-à-dire celui dont l'analité n'a pas été complètement intégrée et reste le facteur prédominant de sa structure. Cette prépondérance, c'est-à-dire la disproportion entre ses investissements énergétiques et libidinaux proprement dits, deviendra la source d'une distorsion radicale du sens de la réalité et conflictualisera dans la même mesure sa position.

Il en résultera un certain sentiment d'insécurité que l'anal compensera par l'appui qu'il prendra sur ses relations sociales, sur la société comme telle. (L'agressivité témoignera dans ce cas d'un échec partiel de cette compensation.) L'anal choisit spontanément cette mesure de compensation car la nature de sa relation dominante l'y prédispose d'emblée.

Il ne cherchera pas à aimer et à être aimé, mais à dominer et à être dominé. Il s'insérera d'autant plus facilement dans la collectivité qu'il n’investira pas sa propre essence qui pourrait souligner son unicité et l'isoler des autres, mais déplacera le poids de ses investissements sur le facteur énergétique, élément éminemment impersonnel, qui lui ouvre, précisément pour cette raison-là, le chemin vers les autres relevant de la même orientation énergétique que lui.

Au lieu de se sentir affaibli par sa position conflictualisée en tant qu'individu, il sentira sa force et sa sécurité décuplées par le fait de ressembler sur ce point capital aux autres auxquels il s'additionne ainsi en quelque sorte. L'opération - apparemment arithmétique - possède d'ailleurs les caractéristiques d'une progression géométrique (vue confirmée par certaines lois électorales qui offrent une prime au parti le plus fort).

Le fait qu'il ignore les valeurs liées au contenu et n'investit que les facteurs énergétiques nous explique, par ailleurs, pourquoi l'anal s'entendra plus facilement avec un autre anal à tendance (idéologique) différente, voire opposée, qu'avec quelqu'un qui poursuit le même but que lui mais sur un mode qui tient davantage compte des investissements libidinaux et narcissiques.

L'insertion de l'anal dans la société ou dans n'importe quel groupe organisé fera de l'anal la base même de cette organisation, sa structure étant la seule qui investisse électivement l'organisation en tant que telle, indépendamment de son contenu (il organisera et dirigera avec le même plaisir un bureau de statistiques qu'un magasin de chaussures), toute organisation étant avant tout un mode de maîtrise.

Cette insertion dans l'organisation sera toujours basée sur une hiérarchie de plus en plus poussée, étant donné que la relation objectale anale - comme nous venons de le voir - est construite, par définition, sur un système d'oppositions, unique dans le couple, mais devenant une chaîne de couples d'oppositions dans la pyramide hiérarchique.

Le caractère complémentaire des couples d'oppositions, et qu'on retrouve - multiplié - dans la chaîne, prête à la pyramide hiérarchique une très grande solidité (c'est pourquoi tout élan de rénovation, sociale ou autre, commence par la volonté d'effacer les discriminations, mais se révèle utopique par la suite et cède fatalement la place, une fois l'organisation mise en place, à une hiérarchisation de plus en plus poussée).

La hiérarchie comprendra donc des membres à maîtrise à la fois positive et négative ou active et passive, chacun étant en même temps le supérieur et l'inférieur de quelqu'un jusqu'au membre assis sur la pointe de la pyramide (l'image n'est pas gratuite), qui lui-même admettra d'être soumis à une force ou instance suprême quelconque, expression de la maîtrise ou de la toute-puissance absolue (Dieu, ou autre idée mystique).

Comme cependant l'anal a besoin d'un ennemi absolu, propre à recevoir ses projections, il y aura toujours dans les sociétés strictement organisées une catégorie d'objets qui occupera la base de la pyramide, inférieure à toutes les autres et traitée en paria, c'est-à-dire en excrément. (Dans le système hindou de castes, les individus appartenant à cette catégorie inférieure sont appelés - probablement pour cette raison-là - les « intouchables », leur contact étant considéré comme une souillure.)

Cette double orientation (être à la fois supérieur et inférieur ou, dans le registre de la perversion, « victime et bourreau », comme le souhaitait Baudelaire) satisfait à la fois la maîtrise négative et positive du sujet et consolide sa place et sa sécurité dans le système. Il s'identifie d'ailleurs, en outre, aux autres éléments de la hiérarchie jusqu'au principe même de la maîtrise absolue, personnifiée par la divinité ou le « chef charismatique ».

Une certaine déformation caricaturale du système a été appelée par les Allemands « tempéraments de cycliste », le dernier terme désignant la position de ceux qui, exagérant cette double dépendance, courbent la nuque devant leurs supérieurs et donnent des coups de pied à ceux qui se trouvent en dessous d'eux.

Car, il ne faut pas l'oublier, qui dit analité dit ambivalence et si, d'une part - en fonction de l'enchaînement des couples d'opposition actif et passif - l'anal est le soutien et le ciment de la société, les collectivités fortement organisées sont le siège de tensions inter-organismiques et interindividuelles, surtout si le besoin de maîtrise active (et passive) ne trouve pas l'occasion d'être abréagi sur un mode collectif. Si, sur un certain plan, les anaux sont égaux, « il y en a toujours » - comme disait Alphonse Allais - « qui sont encore plus égaux ». Et voici comment ce processus glisse vers la détérioration à laquelle je viens de faire allusion. Une société anale peut se comparer à une ruche laborieuse bien organisée et fonctionnant selon des règles strictes autant qu'implacables.

Les crises de l'analité peuvent également profiter de cette comparaison, mais dans ce cas il s'agit d'une ruche affolée. L'analité liée par toute la structuration de la ruche jusqu'à sa substance même, par son organisation, par l'activité ordonnée de ses habitants et par la discipline même qu’ils subissent et imposent à la fois, se libère et se retourne contre eux, parce qu'ils n'ont jamais appris à l'intégrer sur un mode authentique et personnel, ni à la sublimer.

C'est donc la panique, la débandade et la lutte aveugle de tous contre tous. L'anal - à ce moment-là - perd son sentiment de sécurité, ne collabore plus ; il voit au contraire son ennemi en tous et partout : « Es-tu avec moi, ou bien dois-je te détruire, te couvrir d'ordure et te piétiner? » (Brandys). On comprend qu'assistant à un spectacle quelque peu analogue lors de l'écroulement de la monarchie austro-hongroise après la guerre de 1914-18, Freud ait pu être tenté par l'idée d'un « instinct de mort.

Le but que je me suis assigné dans ce travail était de quitter le domaine de la pulsion pour celui de la relation objectale dont la pulsion est en quelque sorte la base et le support biologique. J'espère que la délimitation de ce concept contribuera à préciser les notions qui découlent également de l'analité, comme l'érotisme et le caractère anal, le masochisme et le sadisme, et surtout la haine et l'agressivité.


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