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Les mots hantés

Publié le 06 avril 2009 par Cameron

Pourquoi oublie-t-on doucement, sans même s’en apercevoir, les mots d’autrefois, et ceux qui les ont prononcés, et la manière dont leur voix résonnait en le faisant ? Pourquoi le ton des choses s’aplanit-il dans notre mémoire comme si ce qui s’y gravait devait prendre le relief sinueux de notre esprit, et perdre celui du souvenir ?

Car il y a un ton des choses, oui. Pas une vérité, pas une acception définitive, mais un certain ton, indéfinissable et tendre souvent, un murmure de voix plus important que les mots eux-mêmes. Nous ne nous en rappelons pas. Nous écoutons seulement l’instant, jamais la durée.

La musique a cet effet aussi, mais la musique ne grave pas jusqu’au tréfonds du cœur. Elle lézarde la surface, rien d’autre. Seuls les mots forent assez loin pour provoquer en soi non pas l’exact ressenti de la première fois où nous les avons entendus, juste le regret d’avoir  perdu cet instant d’écoute durant lesquels ils résonnaient dans une voix.

A moins que ce ne soit finalement la voix que je regrette le plus. La voix qui incarne. Celle que j’entendais autrefois, avec une netteté de tambour dans les plus forts moments d’émotion, comme une caresse face à la nuit à l’instant d’affronter le sommeil. Celle qui se confondait pour moi avec les mots, et qui n’est plus rien qu’un regret.

Mais j’ai engrangé tant de phrases, tant de courts échanges comme gribouillés au coin de ma mémoire pour que continuent de vivre en moi, en nous peut-être, entre nous, les mots. Et ceci avait été dit, et cela encore, et tous ces petits riens qui sont entassés dans ce coin, je m’en souviens. Montagne d’échos sans son, n’est-ce pas étrange ? Montagne d’échos morts. Que fait-on de cadavres entassés lorsque la vie nous change ?


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