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Blanc et noir, l’histoire est à revoir !

Publié le 09 avril 2009 par Dalyna

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Quand j’étais en CP et CE1, j’avais une maîtresse raciste. Evidemment, quand t’es petit, tu ne comprends pas. Tu ne connais pas ce mot « racisme ». Tu sais juste un truc, c’est que quoi que tu fasses, quoi que tu dises, la maîtresse est toujours en colère après toi. Elle te déteste, c’est comme ça. Alors, tu commences à te demander si t’as pas fait quelque chose de mal, mais tu ne trouves pas. Tu te compares aux autres. A comportement égal, pas le même traitement, pas la même chose. Du haut de tes 6 ans, tu finis par conclure qu’elle te déteste parce que. Et tu encaisses.

En grandissant, les choses deviennent plus claires. Le racisme n’est plus qu’une « impression ». La répétition de cette colère parce que fait qu’on ne l’appréhende plus comme une surprise ou un choc, mais comme un fait avec lequel il faut apprendre à s’accommoder. C’est comme ça. On comprend donc pourquoi la maitresse était toujours en colère après nous. Ce n’est pas pour ce qu’on a fait, mais pour ce qu’on est. Et contre ça, tu ne peux rien.

Si je raconte ça, ce n’est pas pour faire pleurer dans les chaumières. Certes, ces expériences sont indélébiles, et j’en garderai toute ma vie une profonde indignation face au racisme. Pour autant, cela n’a pas engendré chez moi une haine des français dits « de souche ». Cela n’a pas entraîné non plus une généralisation, ni une quelconque envie de me venger. Cette maitresse-là était une pauvre ignare qui a raté sa voie, et même si elle n’est pas la seule à agir ainsi, tout le monde n’est pas comme elle, fort heureusement.

En ce moment, une vidéo tourne en boucle sur le web et dans les médias. Celle d’un jeune français qui se fait frapper par des jeunes dont on devine les origines « colorées ». Ce jeune « blanc », pour reprendre les termes que je lis sur la blogosphère, se fait frapper sans raison par plusieurs jeunes, qui lui auraient dit « sale français » avant de lui voler son portable il me semble. J’emploie le conditionnel car je n’ai pas été passionnée par cette vidéo au point de zoomer, monter le son, et écouter qui a prononcé quoi. J’aurais pu en plus puisqu’elle est même passée au JT de 20 h de France 2 hier soir dans son intégralité. Si cette vidéo fait polémique sur ces satanés « arabes » et « noirs » qui foutent la merde en France, je pense à ce jeune garçon qui, en plus de s’être fait agressé, doit désormais revivre son agression au JT de France 2 devant des millions de téléspectateurs. Sympa. Je vais passer aussi sur l’incroyable hasard de cette vidéo qui déboule en plein débat sur les bandes suite à l’affaire de Gagny. Quelle coïncidence, mais passons. Ce que je veux dire avant tout, c’est que de la même manière que je ne généralise pas à tous les français « blancs » quand des faits de racisme et de violence me sont arrivés, j’aimerais bien qu’en retour, ce soit la même chose, et qu’on ne se sente pas obligé, au moindre fait divers de stigmatiser et d’englober toute une population.

Or, sur la blogosphère, c’est l’effervescence. De toute manière, comme à chaque fois qu’un évènement de ce type se produit. Y’a des gens comme ça dont on a l’impression que c’est presque un métier, en tout cas une vraie vocation : Etre à l’affût de ce genre « d’opportunités » pour relancer des débats au ras des pâquerettes et hors sujet de type : « intégration », « violence », « cités », « arabe », « noir » « basket à 1000 balles » « taffe pas »… etc. etc. Toujours la même chose.

En clair, quand un arabe ou un noir fait quelque chose, cela ne peut jamais être juste un fait divers comme les autres, il faut toujours qu’il soit renvoyé à son origine ethnique et/ou à sa culture/religion, histoire d’en profiter pour tirer des milliers de conclusions, toutes plus profondes les unes que les autres. En général, il suffit de vider le message de sa teneur en colère et passion pour se retrouver avec un message creux, sans argumentation aucune, et qui ne repose que sur une vision fantasmée et forcément partisane de la réalité puisque ne s’appuyant que sur le vécu personnel ou ce qu’on a vu à la télé.

Hier, je découvre un blog dont j’aime l’esprit. C’est celui de Crêpe Georgette. J’ai lu quelques articles et je suis d’accord avec ce qu’elle écrit. Elle est revenue sur l’affaire de la vidéo. Et s’en est suivi un débat avec un Resh, Max, Suzanne et d’autres. Ce qui est dit dans cet article par Resh et Max, c’est exactement ce que je dis plus haut. C’est-à-dire que tout de suite, on cherche sur un fait divers à faire de grandes théories sur « les racailles des cités ». D’ailleurs, je lis beaucoup de « ils », « eux », mais nul ne sait qui se cachent derrière ce pronom. Je me demande ce qu’on met dans ce « ils ». Les arabes ? Les racailles ? Ou les 2 puisque forcément arabes = racailles ? C’est qui « eux » ? A l’évidence, c’est une « race » spécifique, puisqu’ils n’appartiennent apparemment plus à notre communauté nationale. Pourtant, que ça plaise ou non, les meurtriers, violeurs, tueurs en série font malgré tout partie de notre société. Et contrairement à ce que ce « ils » sous-entend, on ne naît pas délinquant, on le devient.

Le café des commerces

Le problème majeur pour moi dans ces débats est le manque de connaissance évidente du sujet par ceux qui veulent donner leur point de vue. Il n’y a aucune condescendance dans mes propos, simplement un constat. On est toujours face à une succession de lieux communs et une vision manichéenne de la situation. C’est toujours les bons contre les méchants. Les fachos face aux bobos gauchistes. Le reste du temps, ce sont des suites de « La violence, c’est pas beau, y’a pas à l’excuser ». Comme si, quelqu’un en doutait dans cette pièce. Comme si, le fait de vouloir expliquer signifiait excuser ou accepter les choses. Je n’accepte pas la violence, comme tout le monde, mais une fois qu’on a dit ça, on ne fait pas avancer le débat. Il faudrait que certains comme Resh acceptent donc de laisser de côté leur colère pour essayer de comprendre la situation, avec raison et sérénité, plutôt que s’adonner à la violence verbale (« ce sont des sous-merdes », « des connards »). Enfin… bien évidemment, je recommande tout ça si on a vraiment envie de comprendre quelque chose à la situation et qu’on veut faire évoluer positivement sa colère. Si on a envie de rester dans une colère vaine et destructrice, après c’est chacun qui voit.

Mais ce qui est dommage, c’est le manque de profondeur des messages. La majorité des propos tenus sont des témoignages qui ne reposent donc que sur le vécu personnel de leurs auteurs. Ces apports peuvent avoir un intérêt pour mettre en relation nos expériences, mais cet intérêt demeure très limité car sans rattachement à un état des lieux général réalisé par des scientifiques avec de vraies données, cela vire très vite au café des commerces. Surtout que pour ce sujet là, oulalaa… Que de témoignages ne lit-on pas sur le web ! Alors que dans la vie réelle, très peu de personnes n’osent dire qu’elles viennent du sulfureux 9.3., sur le net ? Wah, c’est simple y’a que ça. Toute la France est 9.3 sur le net. Tout le monde, pour légitimer des positions extrémistes, a soudainement un cousin d’un ami d’un voisin qui vivait en 1804 dans le 9.3. Et bien évidemment, ceci est le passeport pour pouvoir dire tout et n’importe quoi sur le sujet. Un jour, t’as été t’acheter du pain dans une boulangerie du 9.3 ? Ou t’as la mère de ta collègue qui y a fait un stage de 2 jours ? Ok, c’est bon alors, tu connais toi, t’as le droit de parler alors !

C’est le cas de Resh, à qui je demande s’il a déjà vécu en cité et qui me répond quoi ? Qu’il a fait ses études dans une cité universitaire en face des tours à Saint-Denis. Or, je n’ai pas demandé si tu étais voisin des cités, mais si tu y vivais, rien à voir. Je la connais bien la fac de Saint-Denis, j’y ai fais une partie de mes études, et je vois très bien de quelle cité universitaire tu parles. Jusqu’à présent, une cité U n’est pas une cité à proprement parler. Etre en cité U est transitoire. Vivre dans une cité HLM, c’est pour beaucoup pour la VIE. De plus, tu ne t’es pas construit là-dedans, tu t’es retrouvé à Saint-Denis en qualité d’étudiant, alors que tu étais déjà grand et construit. D’où sans doute ta difficulté ensuite à comprendre la situation. Ton expérience n’a en tout cas rien à voir avec le sujet pour des jeunes qui sont nés et/ou ont du se construire avec les codes de la cité. Encore une fois, cela montre une volonté qui n’est pas propre à Resh, mais que j’avais lu ailleurs, de vouloir prouver qu’on sait de quoi on parle, alors qu’il n’y a qu’à lire ce qui est dit pour comprendre que ce n’est pas du tout le cas.

De plus, si la thématique de « cité » et autre « karcherisation » passionnent les foules à en voir le nombre de commentaires (j’ai explosé mon score de visites lorsque j’ai abordé le racisme ici), quand il s’agit de se renseigner avec sérieux, sortir de la culture médiatique pour se faire une VRAIE culture en lisant des vrais livres sur le sujet écrits par des sociologues émérites, là curieusement, il n’y a plus personne. C’est quand même paradoxal… d’un côté on est plus que loquace pour aller sur les quotidiens en ligne déverser sa haine en tenant des propos xénophobes. Mais de l’autre, on est comme atteint d’une flemme légendaire pour approfondir le sujet en se plongeant dans des livres, écrits par des scientifiques, qui ont analysé la situation avec le recul et la science dont ces commentateurs manquent cruellement. Et quand on lit ces livres, eh bien étrangement, on a droit à un tout autre discours. Jamais vous ne lirez des sociologues dignes de ce nom, qui ont enquêté, dire les conneries comme celles qu’on lit sur le web par les commentateurs haineux. Tout est plus complexe. Tout est contexte. Tout est recherche. Chaque mot est pesé, et chaque situation est le fruit d’un ensemble d’évènements et de l’Histoire, la psychologie… Des propos qui n’apparaissent hélas jamais dans les commentaires. A la place de ça, on a droit aux mêmes propos idiots de ceux qui ont volontairement cédé à la facilité de la haine, de ceux qui voudraient constamment diviser ce monde entre les blanches colombes et les diablotins. Mais quoiqu’ils en disent, la vie, c’est tout sauf noir ou blanc.

Je ne saurais que conseiller l’excellent livre du sociologue et prof à la Sorbonne Didier LaPeyronnie « Ghetto urbain, ségrégation, violence, pauvreté en France aujourd’hui » chez Robert Laffont. Une enquête de terrain sur l’un des 25 quartiers classés les plus dangereux de France. Un pavé de 600 pages, mais je vous assure qu’après, vous ne verrez plus les choses de la même manière. Pour avoir personnellement vécu en cité, je peux dire que je valide à 100% la description du mode de vie qui en est faite.


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