Magazine Journal intime

Chronique d'une salle d'attente aux urgences

Publié le 20 avril 2009 par Anaïs Valente

14 heures.  Arrivée aux urgences.  J'ai qu'une envie : m'enfuir en courant.  Je hais les hôpitaux.  Je hais encore plus les urgences.  Je hais cette ambiance, cette odeur.  Cette peur qui envahit tout.

C'est moche, les urgences.  C'est vieux, c'est sordide.  C'est pas comme à la télé.  Le personnel est réuni dans le local d'accueil, qui n'a d'accueillant que son nom, et bave devant un nouveau né tout mignon qu'une des leurs est venue présenter.  Areuh areuh.  Pendant ce temps, moi, j'attends.  Je l'ignore encore, mais je ne ferai que ça : attendre.

Ma présence est enfin repérée, après de longues secondes d'areuh areuh.  Je sens que je dérange, mais tant pis, faut ce qu'il faut.

Je suis orientée vers une salle fermée.  Attendre que d'autres examens aient lieu.  Des blouses blanchent passent en coup de vent, sans se présenter, sans un mot, ou presque.  Elles traversent les lieux, s'arrêtent un bref instant pour vérifier les constantes, puis disparaissent aussitôt.  Médecins ?  Infirmiers ?  Malades déguisés ?  Qui sait...

Départ pour des examens complémentaires, me voici rudement éjectée de la salle d'examen vers la salle d'attente : « faut pas rester là, maintenant que c'est vide, laissez la place à d'autres ».  Pointe d'exaspération.  Je dérange.

La salle d'attente est vide, ou presque, ça ne durera pas.

Les murs sont tapissés de posters angoissants à souhait.  Comme si e fait d'être là ne suffisait pas.  Faut en remettre une couche.  « Arrêtez de fumer », avec énumération détaillée des risques - ouf je ne fume pas.  « Vous avez des crampes, c'est peut être un risque cardiaque » - argh, j'ai sans cesse des crampes.   Cette salle n'est qu'une accumulation de posters culpabilisants et effrayants.  Clair que je vais ressortir de là atteinte de toutes les maladies possibles et imaginables, sacrebleu.

Deux petits vieux s'installent.  Pour patienter, il la recoiffe avec difficulté.  « Faudra aller chez le coiffeur, hein ».

Une maman et son bébé attendent des résultats d'examen.  Le petit va mieux, paraît-il.  Il est tout sourire, et me rend le mien pour un instant. 

Deux hommes pénètrent dans le local.  Ils semblent bien imbibés et parlent à voix ultra haute, alors que le silence religieux semble presque de rigueur ici.

Les sièges sont en plastique dur, et mes fesses commencent à rouspéter allégrement.  Oh, comme une salle d'attente meublée de sièges confortables et tapissée de coloris joyeux, le tout saupoudré d'une lumière tamisée, serait agréable.  Bon, faut cesser de fantasmer, le doc revient.

Les résultats sont pas fameux, faut faire d'autres examens.  Attendez encore.

Attendre.  Attendre.  Attendre.

Quelques tatoués font leur apparition.

Et moi j'observe tous ces gens, me demandant pourquoi ils sont là.  Une douleur ?  Une anxiété ?  Une fracture ?  Une rechute ?  Une maladie grave ?  Un décès imminent ?  Une maladie psychosomatique ?  Je cherche sur leur visage un signe.  J'imagine le pire.  J'espère le meilleur.

Les résultats arrivent, faut faire d'autres examens.  J'ai déjà entendu ça.

Et c'est parti dans le labyrinthe hospitalier, pour gagner un autre service.

Et attendre, attendre, attendre.

Un petit homme vert, enfin plutôt un grand homme vert, souriant et plein d'empathie, fait la conversation.  Qui il est ?  Ce qu'il fait là ?  Impossible de le savoir.  Mais, comme un ange gardien tombé du ciel, il fait tout pour rendre la vie plus facile.  Il passe et repasse, et repasse encore, tout sourire, tout compatissant, tout plein d'informations.  Enfin, des informations.

Les résultats arrivent, comme des pièces de puzzle.  Faut rejoindre un autre service.

A nouveau, dédale dans le labyrinthe hospitalier, pour gagner l'USI.  L'USI ?  Kekseksa ?  Unité de soins intensifs ma bonne dame.  Y'en a plein des USI, dans cet hôpital.  Et plein de gens, devant les USI, qui attendent l'ouverture des portes.  Ils ne font que ça depuis des jours : attendre, attendre, attendre.  Que les portes s'ouvrent.  Que les résultats tombent.  Que le patient soit transféré ailleurs, signe d'une amélioration.  Attendre, attendre, attendre.  Ils se connaissent tous, se donnent des nouvelles, discutent énormément, comme si le partage d'une même douleur, d'une même peur, rapprochait de façon incroyable.

Et moi, j'attends.  J'attends.  J'attends.

Il fait nuit maintenant.  Il faut quitter les lieux.  Les portes se referment sur l'USI.

Rentrer chez soi.  Et attendre.



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