Magazine Humeur

# 62 — “un grand garÇon”

Publié le 18 avril 2009 par Didier T.
Puisqu'on m'a autorisé à poser des trucs ici, ceci est un essai. Les photos, on verra une autre fois.P't'être ça va merder grave, avec une bouse à la clé.Espérons au moins que ça ne va pas semer la zone dans tout le blog...Donc, pour ceux qui aiment, je poursuis là où ça s'est arrêté chez Cruella. Au même rythme.
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  J’étais tout gamin —4-5 ans, plausible.

  Ce jour-là, je n’étais ni chez moi ni à l’école... mais aucune idée de où, ni à quoi je vaquais. Stationné chez des gens, sans doute, où mes parents avaient dû m’emmener pour la journée, je suppose. À part la scène en elle-même, je ne me rappelle donc de rien.

# 62 — “UN GRAND GARÇON”

  Sûrement que j’avais dû aller évacuer mes grenadines, ou quelque chose d’approchant. Et comme c’est hélàs déjà arrivé à plein de loupiots un peu trop pressés de retourner jouer, en refermant ma braguette j’avais réussi à coincer la peau de mon zigouigoui dans la fermeture-éclair. Oui, ça fait toujours sourire quand ça arrive aux autres, d’ailleurs je vous imagine bien en train de vous réjouir de ma détresse de l’époque, bande de brutes. Pourtant il n’y a vraiment pas de quoi se marrer, le ‘lombric prisonnier’ c’est une des épreuves enfantines les moins drôles qui soient —ceux qui l’ont subi peuvent en témoigner.

  Une fois coincé, j’ai tenté de me libérer et... ça a aggravé mon cas. C’est terrible à cet âge-là, on se retrouve désemparé dans une angoisse dingue qui prend tout le corps. En plus donc je n’étais pas à domicile, il n’y avait pas ma maman pour me sauver. Alors je me suis encore un peu acharné mais ça me faisait de plus en plus mal. Sans parler de cette hantise de tout arracher pour me retrouver lisse comme une fille, l’horreur absolue pour un mec de 4-5 ans. J’étais donc très, très mal. Alors je suis sorti des vatères avec mon haricot pincé et j’ai cherché de l’aide. En milieu inconnu, c’est gênant.

  Ce dont je me souviens le plus ce sont ses énormes lunettes rondes. Quel âge elle pouvait avoir, ça... 16 ans?... 5o?... aucun moyen de savoir. Tout ce dont je suis sûr c’est que c’était une grande. Elle avait un visage rond, des cheveux bruns dans le cou, elle était plutôt du genre charnue, il me semble que c’était une asiatique. Pourquoi ce fut à elle que j’ai demandé assistance? J’étais dans la merde et elle m’avait semblé gentille, rassurante.

  Une fois que je lui ai exposé mon problème, j’ai vu son sourire à la fois amusé et désolé —ça ne m’a pas trop plu. Elle m’a dit de ne pas avoir peur. Alors je l’ai laissée faire, pas très flambard avec la peau de mon vermiceau pas mal coincée. Agenouillée, elle donnait de petits à-coups sur la glissière en me tenant le corps du cylindre par l’autre main. Avec une inconnue, même à 4-5 ans c’est embarrassant comme situation. Je voyais bien qu’elle se retenait de rire, ça me vexait un peu. Et ça durait, ça durait. Elle me tripotait de ci, de là, elle reprenait mon p’tit bout un peu en-dessous, puis un peu au-dessus, elle essayait, elle tordait un peu, elle tirait doucement sur tout ça, ça n’en finissait pas, elle devait avoir peur de me faire mal, que je me mette à brailler comme un goret. Et c’est vrai que j’étais à deux doigts d’ouvrir les vannes des yeux, envoyer la sirène —mais je tentais de rester fort.

  Elle était tout contre moi et elle sentait très bon, elle sentait la madame parfumée. Alors forcément, est arrivé ce qui devait arriver avec ses longs doigts tout chauds qui farfouillaient dans ces parages où d’ordinaire j’étais le seul à accéder pour faire la vidange et point final. Que mon tuyau du pipi se mette d’un coup à durcir tout seul comme ça, quel choc ça m’a occasionné. Et son rire à la madame... un petit rire de fée clochette. Et ses yeux derrière ses énormes lunettes rondes, ses yeux tout pétillants alors que moi je ne savais plus quoi faire, quoi penser de cette surprenante nouveauté qui venait d’éclore entre ses doigts. Surtout quand elle a dit:

 — “Voilà déjà un grand garçon...”

  Puis elle a réussi à déloger cette foutue fermeture-éclair —peut-être la récente rigidité avait aidé à conclure. Elle avait enfin atteint notre but commun sans que ça lui reste entre les mains, c’était le principal. Sauvé, aujourd’hui je ne deviendrai pas une fille. Ensuite elle a regardé s’il n’y avait pas de dégâts dans les ‘forces vives’ du futur, passant plusieurs fois son pouce sur l’épiderme qui avait un peu souffert et énormément eu peur —et ce massage m’a fait trop beaucoup de bien, je ne pigeais rien. Oh, il y avait sûrement des choses à creuser de ce côté. On verrait ça plus tard.

  Et puis je me suis rebraguetté avec moult précautions, complètement ahuri, barré à 6ooo mètres d’altitude, mégaperplexité. En même temps je voyais bien qu’elle n’était pas fâchée contre moi. Sûr, je n’avais rien commis de mal... J’en arrivais à me dire que j’avais peut-être même réussi quelque chose de bien. Mais quoi? À 4-5 ans, comment arriver à tirer un rapport entre un minigourdin et les douces mains de cette femme qui venait de me tirer d’une trop sale affaire?

 — “Merci madame.”

  Ce visage attendri que j’ai reçu en retour... de la nutella, du miel, de la confiture de fraises. Tout cela était fort étrange, pas mal perturbant.

  Comme j’allais repartir j’ai regardé ma sauveuse une dernière fois, ça me dépassait trop —en arriver à bien aimer une expérience qui aurait dû s’avérer très mauvaise, c’est incroyable. Et dans ce dernier regard quelque chose m’a frappé chez elle. Parce qu’elle me fixait d’une drôle de façon. Personne ne m’avait jamais regardé ainsi, c’était troublant, comme si j’étais... mangeable. L’expression de son visage, l’intensité de ses yeux, un drôle de mouvement de sa bouche... ça m’a percuté en pleine tronche. Total ébahissement. Sables mouvants.

  Il a ensuite fallu quelques années avant que je revois une lueur de ce genre dans les yeux d’une fille, un beau jour d’été dans un camping de la baie de Douarnenez. Cet épisode de la braguette tragique qui tourne au magique, je l’avais oublié. Il m’est d’un bloc revenu en tête dans ce camping, alors que cette fois-là c’était mes doigts à moi qui bossaient sur une que j’aurais dès lors bien vu porter d’énormes lunettes rondes.

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Le 15 mai, “comme une fleur qui peut tuer”.


Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu

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