Magazine Journal intime

Ma soeur, cette folle

Publié le 23 avril 2009 par Boo
Ma soeur, cette folle Ma sœur (l'aînée) (j'en ai trois) est une personne étrange. D'aucuns diraient "dérangée". Mais c'est parce qu'ils ne la comprennent pas.
De temps en temps, il lui prend des lubies. En fait, pour être totalement honnête, disons plutôt que de temps en temps, elle arrive à échapper à ses lubies. Mais pas très souvent.

Par exemple, rien ne lui fait plus de peine que la solitude d'autrui.
Un chien abandonné, un vieux papi qui fait ses courses de célibataire, un pauvre oiseau dans sa cage...
Normal, me direz-vous. N'importe quelle personne un minimum empathique serait touché par ces images d'une solitude poignante.
Là où, en revanche, ma sœur sort de la conception "normale" de la chose pour rejoindre les rivages brumeux du mentalement suspect, c'est dans le champ d'application de cette empathie.
Le maïs en boîte, par exemple. Elle ne jettera jamais une boîte de conserve de maïs contenant encore un seul et pauvre grain collé à la paroi d'alu comme une moule sur son rocher. S'il en était resté trois grains, ou même deux, passe encore. Mais un ! C'est hors de question ! Parce que – je cite – "tu comprends, il va se sentir tout seul !".
Idem avec le grain de riz au fond de la passoire. La coquillette sur le bord de l'assiette. Chez elle, la salière n'est jamais très loin de la poivrière, et les chaussettes esseulées entraînent une campagne d'investigation qui n'a rien à envier aux méthodes du FBI : il est absolument impensable qu'une chaussette puisse passer une nuit autrement que rouler en boule avec sa moitié.
Ma soeur, cette folle
Ce week-end, ma sœur est allée se balader du côté des Calanques, avec son chéri. Son chéri est un garçon gentil, attentionné, et légèrement tête en l'air.
Tellement tête en l'air qu'il regarde rarement ses pieds. Quand on marche dans les calanques, ça peut être embêtant. Surtout si on marche en téléphonant.
Une aspérité, un pas trébuchant, une main qui s'ouvre pour se rattraper, et c'est le drame : plouf ! Direct dans une flaque, le portable. Et impossible de le récupérer, niché qu'il est entre deux rochers bien serrés.
Ils ont beaucoup essayé, quand même. Tenté de faire un crochet avec des bouts de bois, esquinté leurs doigts dans la fine lézarde.
Et puis, voyant que tout espoir de repêche était vain, ma sœur a fini par prendre la seule résolution qui s'imposait : elle a jeté son propre portable dans la même crevasse.
Pour que celui de son chéri ne se sente pas trop tout seul.

Illustration : Sophie Leblanc pour La Marelle en Papier

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