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Edouard Pluta, le passionné

Publié le 25 avril 2009 par Fbaillot

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Edouard Pluta, et ses moustaches,

en compagnie de quelques-uns des siens,

au sommet de la Croix Jubaru, “son” col.

Les beaux jours reviennent, et invariablement avec eux l’appel des grands espaces. Et tous les ans à pareille époque, je repense à Edouard.
Tout le monde connaissait Edouard Pluta. Je veux dire, tout Templemars, mais aussi tous ceux qui dans la région vouent tout ou partie de leurs loisirs à la randonnée cycliste. Ceux qu’on appelle les “cyclos”.
Un beau jour, Edouard avait décidé de consacrer sa vie au vélo. Et Edouard faisait rarement les choses à moitié. Il était donc plongé dedans, vraiment.
De sa maison de la rue du 14 juillet, Edouard administrait l’Urfa, LE club cyclo régional. A ce titre, Edouard organisait notamment Lille-Hardelot, l’échappée belle vers la mer. Aux alentours du mois d’avril, la salle à manger devenait une ruche bourdonnante. Les inscriptions arrivaient par gros paquets, et Edouard les reportait consciencieusement, à la main, sur son cahier, mais aussi sur les fiches qu’il renvoyait aux candidats, en râlant, mais avec tellement de désintéressement. Organiser la migration de quelques milliers de cyclos sur près de 200 km, ce n’est pas une mince affaire. Et l’occasion se répétait plusieurs fois dans l’année : les monts de Flandre, la randonnée Flandre-Artois, et les multiples occasions de se rencontrer autour de la peite reine. Edouard était au centre de cette entreprise, et il récitait invariablement son credo : le sport, c’est tenter de se dépasser soi-même, sans se préoccuper de classement, mais en respectant les règles, la politesse, le code de la route, et son propre corps.
Après des accidents de la vie sur lesquels il ne souhaitait pas s’étendre, Edouard s’était fait l’apôtre d’une vie saine et sans alcool. Je me rappelle ainsi d’une anecdote : un responsable sportif avait voulu lui faire plaisir en lui offrant un magnifique cuissard. Edouard en était très heureux, jusqu’au moment où il s’était rendu compte que ses flancs vantaient une marque de bière. Adieu le cuissard, même après que nous lui ayions fait remarquer qu’il s’agissait d’une bière… sans alcool !
Rouler avec Edouard, c’était une aventure. Pas forcément par l’allure qu’il imposait, mais par les histoires incroyables qu’il se faisait un plaisir de distiller, surtout s’il sentait le public réceptif. Et un membre de la confrérie des Cent cols fourmille d’anecdotes, en général vécues, sur les pentes du Ventoux, en Bigorre, ou dans les Flandres. Edouard était quand même l’un des inventeurs du seul col septentrional : celui de la croix Jubaru, à quelques coups de pédale de Tournai. Parce que si vous l’ignorez, pauvres piétons, un col, ce n’est pas une butte, une bosse, ou un lève-cul. Un col, c’est un passage entre deux vallées…
Edouard ne nourrissait aucune illusion sur le sport dit de “haut niveau” et les performances “stupéfiantes” des forçats de la route. N’empêche, je le revois me raconter une rencontre avec Eddy Merckx, bien après que celui-ci ait raccroché son  guidon. Cinq tours de France, quelques Paris-Roubaix, j’en passe, même pas seulement à l’eau claire, ça force le respect…
Edouard était d’origine polonaise. Il en parlait la langue, ce qui lui avait valu d’être bombardé interprète dans quelques voyages, cyclotouristes bien sûr, vers l’Est. D’ailleurs, Irena, sa voisine de la rue du 14 juillet, polonaise comme son mari, en est devenue présidente de l’Urfa. Pour continuer la trace d’Edouard, et la veine templemaroise sans doute.
A Templemars, Edouard, c’était aussi les yeux et les oreilles : correspondant de la Voix du Nord, il était de toutes les manifestations, avec son carnet et son appareil photo. Sauf peut-être quand le vélo imposait qu’il s’absente.
Il est parti, sans trop faire de bruit. Solange, son épouse hésite toujours entre sa Savoie natale et le Nord de ses racines.
Sur sa tombe au cimetière de Templemars, Edouard est sur son vélo.


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