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Le toit est par-dessous le ciel

Publié le 25 avril 2009 par Gborjay

C'est à un moment où Gustave Borjay n'a pas envie d'écrire qu'il prend, comme il sait si bien le faire, son destin en main et combat son envie de vagabonder à des occupations vaines ou futiles. Il écrit donc cet article, sublime et insolent, pour dénoncer les défauts qui, de bénins et occasionnels, peuvent devenir sempiternels et dangereux, faisant avorter dans l'oeuf le projet esthétique de l'artiste. (Le titre de cet article s'explique alors : au lieu de se fixer sur le ciel, le but à atteindre, on se concentre désormais sur le toit, les obstacles à surmonter.)

Pour cela, dans un but pédagogique, Gustave Borjay adoptera une structure simple, à la portée de l'humble internaute moyen. Une idée, un exemple. Rien de plus. Après, vous saurez ce qu'il y a à savoir.

Tout d'abord, la paresse. Encore dénommée flemme, inertie oisive ou répugnance au travail, elle est la première à se dresser sur le long chemin de la création artistique. Elle attend, perfide, cachée dans l'ombre, que l'enthousiasme initial s'essouffle, et, au moment qu'elle juge idoine, lui saute férocement à la gorge pour l'achever non sans la plus grande sauvagerie. Après, elle règne en maîtresse, bien décidée à instaurer une grève à durée indéterminée. Une seule solution à cela, le combat spirituel, une volonté de fer comme celle dont sait si bien témoigner Gustave Borjay. Ou autrement, le néant et l'oubli. Pensez notamment à toutes les oeuvres manquées de Raffarin, pourtant promis à un brillant avenir littéraire.

Second défaut, le manque d'inspiration. Là encore, on n'est pas dans une situation incurable. On est même dans le cas précédent, sauf qu'un prétexte a été trouvé pour justifier la paresse : l'échec temporaire de l'imagination. On se situe donc au niveau supérieur, où en plus de la flemme il faut vaincre l'hypocrisie. Un combat apparemment trop exigeant pour Richard Virenque, qui s'est vu forcé de remettre sa plume pour prendre le vélo.

« Rubeus Van Royster ne se le cachait pas, il allait devoir lutter. Il sentait déjà une torpeur languissante envahir de ses brumes son cerveau malade. Aurait-il assez de temps ? Insouciant, il s'était dit, contemplant les chapitres déjà écrits, et constatant qu'il ne lui en restait qu'un à coucher sur le papier, que le plus dur était fait. Mais maintenant, il se reprenait à douter, plongé dans la perplexité, presque découragé, défaitiste de l'instant. Les aventures du petit chiot Bidou prendraient-elles jamais fin ? Pourra-t-il retrouver la tasse manquante de son service à thé, ou même aura-t-il le temps de se coucher avant qu'il fasse nuit ? Van Royster sentait que tout se jouait là, en ce moment terrifiant où il se trouvait, seul, et nu, devant l'attraction séductrice du néant. Son imagination foisonnante aura-t-elle le droit de s'exprimer une dernière fois, pour achever l'oeuvre entreprise, l'oeuvre de toute une vie ?

Non, cela ne devait pas être ! Dans un ultime sursaut d'orgueil, Van Royster arracha sa plume à l'étreinte de l'encrier, et se mit à écrire d'une main fiévreuse quelques mots. Il fut alors pris soudainement d'un soubresaut terrible, qui lui fit renverser la table, puis chuter de sa chaise. Quelqu'un qui se fût trouvé là aurait pu, s'il avait la capacité de voir les choses au ralenti, à contre-jour également, ce quelqu'un aurait pu voir, une demi-seconde, au beau milieu de la chute, le regard soudain lucide, mais anéanti et désespéré, du créateur qui comprend que jamais son oeuvre ne serait achevée. Van Royster, l'écrivain, s'éteignit à l'âge de 82 ans, tombant de sa chaise et s'empalant sur sa plume, et laissant derrière-lui, inconsolable, Bidou le petit chiot. »

Le toit est par-dessous le ciel
Du même coup s'arrêtait l'histoire de Bidou.

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