Magazine Nouvelles

aller vouer à saint Yves-de-la-vérité

Publié le 26 avril 2009 par Contesetmerveilles
L'ADJURATION A SAINT YVES
Faisant une exploration archéologique dans le pays de Tréguier j'ai rencontré une ancienne femme qui a bien voulu me dire qu'autrefois elle avait fait un pèlerinage à Saint Yves de Vérité, pour prier le saint de reporter sur son ennemi la quantité exacte de mal que cet ennemi lui avait fait. Elle fit trois fois le tour de la chapelle, et trempa trois petits pains dans le bénitier. (Il m'a été impossible d'obtenir plus de détails.) Le clergé ne pouvant arriver à détruire cette superstition de vengeance, a fait raser totalement la chapelle.
Source : FRA DEUNI [pseudonyme pour François DUINE], Revue des Traditions populaires, t. 27-1912, p. 139
*
*   *
aller vouer à saint Yves-de-la-vérité Lorsque deux individus ont une contestation pour une chose grave et qu'ils ne peuvent se mettre d'accord, l'un d'eux jette un sou par terre devant l'autre, pour l'ajourner, devant saint Yves de Vérité. Celui qui a menti ou qui a tort meurt dans l'année. Cet ajournement est encore usité assez fréquemment. (P.)
"Dans quelques cantons des Côtes-du-Nord, les personnes qui ont à se plaindre d'un débiteur font dire une messe à saint Yves. Par ce moyen, leur argent leur est, disent-ils, rendu dans l'année ou le débiteur meurt." (Habasque, t. 1, p. 88.)
"En l'adjurant avec certaines formules, dans sa mystérieuse chapelle de Saint-Yves-de-Vérité, contre un ennemi dont on est victime, en lui disant : "Tu étais juste de ton vivant ; montre que tu l'es encore", on est sûr que l'ennemi mourra dans l'année." (Renan, Souvenirs d'enfance, dans la Revue des Deux-Mondes, 15 mars 1876, p. 244.)
Source : Paul SEBILLOT, Coutumes Populaires de la Haute-Bretagne.1886 (Maisonneuve & Larose. 1967), p. 190 *
*   * ADJURATION A SAINT YVES AU XIIè siècle
"Nous mettons presque entre les Sorciers ceux qui d'une hayne enfiellée, bien loin d'aymer leurs ennemis,... vont abuser des pèlerinages, et prier Saint Yves ou quelque autre sainct, de venger leurs propres passions, et faire périr de mâle mort ceux contre lesquels ils sont indignez..." (Statuts de Saint-Malo. Edition de 1620. Page 486 et suiv.).
Source : H. DE KERBEUZEC [pseudonyme pour François DUINE], Revue des Traditions populaires, t. 27-1912, p. 139
*
*   *
En face du quai de Tréguier, de l'autre côlé du Jaudy, sur une gracieuse éminence tapissée d'ajonc et de bruyère, s'élevait naguère une petite chapelle sous le vocable de saint Sul. Elle appartenait aux seigneurs du Verger, de la famille de Clisson, qui lui adjoignirent vers la fin du XVIIIe siècle un ossuaire en granit. La chapelle tomba en ruine, mais l'ossuaire lui survécut. On y entassa les statues de saints demeurées sans abri. Parmi elles, se trouvaient deux images de saint Yves, dont l'une, très ancienne, passait aux yeux du peuple pour être plus particulièrement celle de saint Yves-de-la-Vérité. Saint Yves-de-la-Vérité devint peu à peu, à l'exclusion de tout autre thaumaturge, le patron de cet ossuaire, transformé en oratoire. C'est là qu'on alla désormais invoquer sa justice.
Aujourd'hui, l'ossuaire même a disparu. Il n'était déjà plus debout en 1882 ; à cette époque, un cultivateur, resté célèbre dans la région sous le nom de "crucifié" de Hengoat, fut trouvé assassiné et suspendu en croix aux brancards d'une charrette. Ses assassins, qui étaient, croyait-on, ses beaux-frères, avaient tenté d'abord de se débarrasser de lui sans effusion de sang en le faisant vouer à saint Yves. Mais la vieille femme qu'on avait chargée de cette mission objecta que la chapelle étaient démolie et que la saint Yves n'y était plus.
Le recteur de Trédarzec, dans la paroisse duquel était situé l'oratoire, avait enlevé la statue et l'avait reléguée dans la cour de son presbytère, parce que "son sacristain ayant été voué lui-même avait, par suite d'une coïncidence singulière, succombé quelque temps après". Le recteur espérait sans doute par ce moyen radical couper court à la superstition. Il n'en fut rien. On continua d'aller s'agenouiller sur l'emplacement de l'ossuaire. Les plus audacieux ne craignirent pas de frapper à la porte même du recteur, pour lui demander de voir le saint. Le recteur les éconduisit d'abord, avec des ménagements ; plus tard, sa patience se lassant, il y mit, dit-on, quelque brutalité. Des pèlerins qu'il avait fait jeter hors de sa maison l'assignèrent au tribunal de saint Yves. Et, s'il faut en croire la légende, ce jour-là même, qui était un dimanche, à l'issue de la grand'messe, il mourut (Voir p. 207, une des versions de cette légende. Cf. Au pays des pardons, pp. 22-25).
Quant à la superstition, elle est aussi vivace que jamais. Au mois d'août 1891, on m'a montré du doigt une femme atteinte d'une maladie de langueur, en me disant : "Voyez celle-là ! c'est un tel qui l'a vouée. Elle n'attend plus que son terme".
À la moindre contestation qui tourne à l'aigre, on menace encore l'adversaire de l'aller vouer à saint Yves. Et la menace produit toujours son effet. Les renseignements que je donne sur ce culte homicide sont de provenances diverses. Mais je les ai plus particulièrement recueillies à Penvénan, de la bouche de Pierre Simon et de celle de Perrine Le Moal. On a vu plus haut, d'autre part, que l'autel en pierre de saint Yves-de-la-Vérité avait été acheté par Mme Ambroise Thomas et que c'est lui qu'elle a fait instaurer dans le petit oratoire privé attenant à sa maison de Ziliek, en Penvénan. Le bruit public voulait qu'elle eût également donné refuge à la statue du saint, et l'île Ziliek devint pendant quelque temps le but d'un pèlerinage suspect. Mais, d'après la version la plus récente, cette statue, à la suite de nombreuses vicissitudes, aurait émigré à Guingamp où elle aurait été acquise par M. G. de Kerguézec, député des Côtes-du-Nord.
Sur l'histoire de la chapelle et de la légende, voir P. Hémon, "Saint Yves-de-la-Vérité", Annales de Bretagne, t. XXV, pp. 20-46. Cf. Le Fureteur breton, t. IV, p. 128 ; t. V, p. 53, et aussi L. Jobbé-Duval, "L'adjuration à saint Yves-de-la-Vérité", Nouvelle revue historique de droit français et étranger, t. XXXIII, pp. 550,722, qui étudia la légende du point de vue juridique.
Voici la formule en breton :
Te eo Zantik ar Virione. Me a westl dit heman. Me a man ar gwir a du gant-han, condaon ac'hanon. Mes, marman ar gwir a du ganin, gra d'ez-han merwel a-berz ann termenn rik.
En Cornwall, pour vouer quelqu'un à la mort, on récite le psaume 109 en appliquant ses malédictions à la personne qui a tort (W. Bottrell, Traditions and hearthside stories, 2nd series, p. 229)
Source : Anatole LE BRAZ, La Légende de la mort, t. I, (1899), rééd. Terre de Brume 1997, p. 214

Accéder au site officiel de Jean-Pierre MATHIAS, conteur breton professionnel


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Contesetmerveilles 859 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines