Magazine Humeur

jaune?

Publié le 30 avril 2009 par Cecileportier
"Plus je veux être Moi, plus j'ai le sentiment d'un vide. Plus je m'exprime, plus je me taris. Plus je me cours après, plus je suis fatiguée. Je tiens, tu tiens, nous tenons notre Moi comme un guichet fastidieux. Nous sommes devenus les représentants de nous-mêmes. - cet étrange commerce, les garants d'une personnalisation qui a tout l'air, à la fin, d'une amputation. Nous assurons jusqu'à la ruine avec une maladresse plus ou moins déguisée.
En attendant, je gère. La quête de soi, mon blog, mon appart, les dernières conneries à la mode, les histoires de couple, de cul... Ce qu'il faut de prothèses pour faire tenir un Moi! Si "la société" n'était pas devenue cette abstraction définitive, elle désignerait l'ensemble de ses béquilles que l'on me tend pour me permettre de me trainer encore, l'ensemble des dépendances que j'ai contractées pour prix de mon identité".
p13-14

"Le Moi n'est pas ce qui chez nous est en crise, mais la forme que l'on cherche à nous imprimer. On veut faire de nous des Moi bien délimités, bien séparés, classables et recensables par qualités, bref : contrôlables, quand nous sommes créatures parmi les créatures, singularités parmi les semblables, chair vivante tissant la chair du monde. Contrairement à ce que l'on nous repète depuis l'enfance, l'intelligence, ce n'est pas de savoir s'adapter - ou si c'est une intelligence, c'est celle des esclaves. Notre inadaptation, notre fatigue, ne sont des problèmes que pour qui veut nous soumettre. Elles indiquent plutôt un point de départ, un point de jonction pour des complicités inédites"
p17-18

Oui, comme le propose François Bon, comme d'autres l'ont déjà fait, je peux signer, je signe ces deux pages de L'insurrection qui vient, et j'aurais voulu en signer bien d'autres encore, fortes, mettant en mouvement de nombreuses questions nécessaires.
Mais ce serait être bien légère que de dire que je cosigne le livre entier. Bien léger de ne pas voir tout ce qui en moi, dans mon style de vie, participe à ce que ce livre dénonce. Je fais partie des inclus, et dans ce monde qui certainement court à sa perte j'ai la mauvaise conscience de beaucoup, celle de savoir que j'en mange encore les meilleures miettes. Je fais partie de cette petite bourgeoisie décrite dans le livre qui voudrait bien vivre son petit bonheur familial en dehors des fracas de l'histoire, je fréquente des "graphistes en pull artisanal" qui boivent des cocktail de fruits avant d'alller bêcher un bout de terre dans un jardin partagé, je me mobilise sur des tas de causes, "pourvu qu'elles soient perdues", je fais partie de divers "milieux " qu'il est préconisé de fuir, même si ce n'est pas là que j'y puise ma recherche de sens. En outre, je ne fuis pas la visibilité, comme cela est aussi préconisé, et cette "mobilisation" à la revendication de quelques lignes de ce texte, est de toute façon contraire à la méthode inssurectionnelle que ce livre propose.
 
Et surtout, surtout, je suis extrêmement rétive à cette idée qu'un jour il faudra se compter, placer les lignes, "trouver  les jaunes". Et pour quoi en faire? Les passer par l'épée? Les pendre?
Ce sera sans moi, jusqu'à plus ample réflexion.
Le monde a besoin de tièdes, et d'idées dont on meurt de mort lente.Et même la fin d'une civilisation ne me paraît pas un bon prétexte pour appeler à la violence.

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