Les enfants eux-mêmes sont sur le point de me faire signer une pétition me demandant de rallumer les chauffages, sous peine de devoir déféquer sous la table pour se chauffer à la fumée.
C'est dire si mon capital bonne-humeur a sévèrement morflé ces derniers jours.
Et comme un malheur n'arrive jamais seul, hier, je me suis enfin décidée à aller mater le courrier dans la boite aux lettres.
Qui dégueulait de papiers plus ou moins recyclés, d'enveloppes plus ou moins nominatives et de publicités plus ou moins attractives.
Et s'il y en avait bien une de sournoise, c'était celle adressée à mon nom, dans un bel emballage plastique transparent, bien épaisse, avec un échantillon, de quoi me mettre l'eau à la bouche, signifiant du bonheur pour mon pouvoir d'achat, cette ridicule notion vague et floue dont je suis sensée disposer derrière mon caddie.
C'était Monsieur Nestlé qui m'envoyait des sous.
Il aurait pu le faire via Paypal, mais je suppose qu'il veut préserver entre nous le lien épistolaire.
Donc Monsieur Nestlé, il me suggère de croquer la vie.
"Croquons la vie" qu'il m'écrit.
Je commence par déchirer le plastique et immédiatement, un relent nauséabond me saute à la gorge.
La vie, là, j'ai d'emblée envie de la gerber, mais ça, c'est une autre histoire, Gérard.
Le plastique, le pétrole, ça pue pas, ça tue l'oxygène. Mais j'ai hâte de tâter de la maille.
Et Monsieur Nestlé de prendre soin de moi, de mon bien-être ainsi que de celui de toute ma tribu dont il connaît le moindre détail intime, tu penses bien si Monsieur Nestlé ne fait pas du mailing dans le vent. Il s'appuie sur du concret, de l'imposable, du valorisable.
Force est de constater qu'il m'a bien cernée, Monsieur Nestlé.
Ah ça, on peut pas dire qu'il se mouche avec le dos du coude, Monsieur Nestlé, à mon endroit.
6.60€.
De quoi me faire un rail de Ricoré ou d'organiser un grand tirage au sort dans la famille pour savoir qui y aura droit dans son lait matinal.
Et une invitation au voyage, en compagnie de Mickey, Donald et pas moi, réduction valable pour 4, le 5ème prenant en charge le manque à gagner de la réduction.
Juste pour être sûre que je me fais bien endormir et border de tous les côtés, je prends au hasard les 60 centimes de réduction à valoir sur le Chocolat à pâtisser Nestlé Dessert.
Chez Intermarché, il est à 1.81€ la tablette. Soit 1.21€ après déduction de la valeur du bon de réduction de 60 cents.
Il se trouve que chez Intermarché, le chocolat à pâtisser que je prends et par souci d'économie mais également par goût, c'est le discount de la marque, le Top Budget ( avec les majuscules, ça fait presque une marque), à 0.54€.
Alors la réduction de Monsieur Nestlé, elle m'aurait en fait coûté 0.67€ si je m'étais faite embrumer.
Sans compter la petite Bible qui me remet dans le droit chemin de la forme, de la santé et du bien-être au quotidien.
C'est brillant, c'est coloré, surtout très vert, histoire de me faire avaler que j'acte en adéquation avec la préservation de la nature et surtout, mes prénom et nom sont partout.
Plus énervant encore, en dehors de tout ce déballage d'inutilités, le fascicule qui m'explique comment vivre, il m'indique aussi que je peux retrouver toutes les inepties sur le http://www.croquonslavie.fr/. En gros, Monsieur Nestlé, il sait remplir TOUTES les boites aux lettres. Tu le crois réel, il est aussi virtuel, il pollue la Toile. Adeptes du dicton selon lequel une femme au foyer en vaut 2, bienvenue chez Monsieur Nestlé.
C'est au moment où je peine à froisser le papier non recyclé ainsi que les fausses réductions et que je parviens à fourrer tout ça dans ma poubelle que le soleil sort.
Comme quoi, la nature, elle sait ce qu'elle fait.
Jeu de briques
Snake
Pacman
Bubble