Magazine Journal intime

8 Mai 1945

Publié le 08 mai 2009 par Lephauste

Dans la chambre à coucher de ma grand mère maternelle, il était impossible d'ouvrir un tiroir, de soulever une pile de draps, d'ouvrir la penderie sans que dans la seconde vous tombe sur le coin de la margoulette, l'éfigie jaunie d'un vieillard aux grosses moustaches blanches et au képi étoilé. On ne posait pas la question : Qui c'est Mémé ? On tentait après des suées de bandit en herbe, de replacer l'objet à peu près dans son ordre ancien. Ni vu ni connu que je t'embrouille ! Comme elle aurait dit en souriant.

"Je fais don de ma personne à la France !"

Maréchal nous voilà ... Chez moi l'engagement politique ne sentait pas la rose, la faucille servait aux moissons et le marteau à fixer la volige des châssis où l'on faisait du plant. On avait donner du sang dans la Marne, à Verdun et le rouge était la couleur du pantalon d'infanterie et des carrés de légions (varété de dalhia à la fleur sombre et incandescente). Point à la ligne, passez votre chemin. Mon grand père avait manié le bourdon à la Concorde. Le pacifisme battait de l'aile dans les rangs des poilus ce pendant que là-haut, dans les allées ratissées du pouvoir discrétionnaire, le comité des forges signait de forts bons contrats avec l'industrie allemande renaissante. Hitler, pour le plus grand bénéfice des grands patrons était en train de résoudre le délicat problème de la lutte des classes, les anarchistes, les démocrates, les communistes, les malades mentaux, les homosexuels peuplaient les camps, les juifs, les résistants suivraient et l'Europe, bonne fille à soldat, s'offrait à qui voulait l'unifier sous des airs de grande cocotte affranchman. Et tout ça, ça fait d'excellents français, d'excellents soldats qui marchent au pas ! Chantait le grand Maurice de Ménilmuche.

- Ici mon p'tit gars, on ne fait pas de politique ! De Gaulle est un déserteur, le Maréchal nous sauvait d'une guerre longue, le parlementarisme est une plaie et ton front populaire tu peux te le... Je devenais le premier contorsionniste psycho-rigide. Et Mémé avait des larmes dans les yeux. Ces vieux on peut jamais rien leur dire ! C'est vrai, on ne pouvait pas leur prouver que ce qu'ils avaient vécu, n'avait jamais existé. La France en moins d'une semaine avait été livrée à la Wermarcht, clés en main par ceux là même qui aujourd'hui fleurissent les monuments au nom de l'idéal capitaliste en singeant pour la gallerie l'attachement à cette patrie qu'ils démontent pièce par pièce pour la foutre à la ferraille. Non pas que je sois nationaliste mais comme la seule internationale qui fonctionne c'est celle de la banque et de l'actionnariat, je me demande un peu où se trouve ce point d'équilibre en deça duquel nous chûtons, invariablement du côté de la misère?

Le 8 Mai 1945, après que l'URSS nous ait débarassé du nazisme, nous nous sommes retrouvés avec de petits drapeaux américains à mâcher du chewing gum en roulant des patins aux G I's. Et depuis, j'avoue, j'ai la langue un peu endolorie et ça fait belle lurette que j'ai décidé de ne pas collaborer avec un patron, quelqu'il soit, fut-il de gôche. Patron de gôche !??? Les côtes m'en tordent.

Extrait d'une conversation que je viens d'avoir avec un ami, au téléphone :

- Tu fais quoi de beau ?

- Oh rien, j'écris. A propos du 8 Mai 45 ...

- Tiens au fait, tu sais ce qu'il s'est passé le 8 Mai 45 ?

- ...

- Le massacre de Setif...


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