Magazine Humeur

Dégainons nos pistolets !

Publié le 26 mai 2009 par Ekilio

Il parait qu'un blog n'est vivant qu'à partir du moment où son propriétaire y écrit tous les jours... J'ai peur d'être un mauvais bloggeur dans ce cas :) Mais essayons quand même. Et pour me rattraper, je vous propose aujourd'hui une petite analyse d'une vidéo assez instructive sur la façon dont les jeux vidéos et l'internet sont perçus par les médias dominants. Je n'ai pas la date de publication de la vidéo, apparement ce serait vers la mi-mai / fin mai, je vous laisse admirer :

Donc, allons-y gaiment. D'abord, remettons les choses en place : je n'accuse pas les journalistes de ne pas connaitre le jeu vidéo. C'est leur droit et c'est normal de ne pas tout connaitre. Non, ce dont je les accusent c'est d'avoir volontairement manipulé les images et les actions des gens afin de faire croire certaines choses aux personnes qui visionneraient cette vidéo. Allons-y pour un décryptage.

Je passe sur la phrase d'accroche, elle n'est pas en entier. Le "oui on peut dire que je suis accro" est probablement une phrase d'accroche, je le leur laisse aussi. Entrons maintenant dans le vif du sujet.

00:12 : On commence très fort. 70% des enfants jouent aux jeux vidéos ? Pourquoi pas, des sources seraient interessantes mais admettons. En revanche, ayant travaillé dans le milieu scolaire (y compris avec des enfants qui jouent à des jeux vidéos très addictifs comme World Of Warcraft), j'affirme que je n'ai vu aucun d'entre eux y jouer "jusqu'à la boulimie". Alors soit j'ai eu beaucoup de chance (Mon école avait environ 300 enfants, j'imagine donc que les 700 autres enfants des alentours sont boulimiques aux jeux vidéos ?) soit cette phrase est fausse. Je pense pour la seconde hypotèse.

00:18 : Le sujet de conflit numéro 1... A nouveau, j'aimerais des chiffres. Parce que à nouveau j'ai vu beaucoup de conflits dans les familles des enfants que je gardaient, mais à l'exception d'un cas (un enfant, une fois, avait joué avec un de ses copains qu'il avait invité au lieu de faire ses devoirs) aucun ne concernait le jeu vidéo.

00:41 : Je passerais sur cette vague caricature de journaliste. Je retiendrais mes commentaires méchants envers ceux qui ont pu s'abaisser autant dans la désinformation. Alors, disons-le directement : messieurs les journalistes, cette vidéo est un faux. Une blague. Un montage. Bref, rien de tout ce que vous montrez ou de ce qui en découle n'est réel. Elle a effectivement fait le tour d'internet, mais en la mettant en tant que "preuve", c'est comme avancer une photo de souche d'arbre pour prouver l'existence du monstre du Loch Ness : une mystification. Pas de chances, mais vous vous êtes faits avoir.

02:02 : Donc, en gros, on vous explique que jouer à l'ordinateur, pendant ses vacances, est dangereux... J'aurais tendance à dire qu'on peut trouver pire. Quand à l'explication, juste avant, parlant de l'enfant privé de clavier : lorsque j'étais enfant, mes parents m'ont privé de livres (en m'interdisant de lire des livres au collège ou à la maison hors certaines plages horaires), parce que je lisais trop. Est-ce que le livre est une drogue à laquelle il faut faire attention ?

02:20 : 472 heures en six mois. C'est une bonne moyenne, effectivement ; 78 heures par mois. J'aimerais tout de même plus d'informations : combien pendant les vacances scolaires ? Combien les week-ends ? Tous ces moments qui sont des moments de loisirs ? D'une manière générale, en quoi cela empiète sur sa vie "hors des jeux", c'est à dire ses résultats en cours, etc. ? Car ne l'oublions pas : les jeux vidéos restent, quoi qu'en disent certains parents, un loisir. Un loisir qui ne plait peut-être pas à tout le monde (c'est votre droit le plus strict), mais en quoi cela vous donne-t-il le droit d'imposer vos gouts à d'autres ? Tant que cela reste un loisir, il n'y a pas danger et vous n'avez pas votre mot à dire sur les gouts des autres. Pour rappel, un cyber-café est en général ouvert 16 heures par jours (10h-2h), et encore les jours de "nocturnes" uniquement pour certains (donc celui-ci visiblement). Donc si il viens sur la journée, il lui reste 3 heures hors de cette journée là, soit presque rien (surtout si il n'a pas d'ordinateur personnel chez lui)...

02:27 : 4818 heures par mois. Notons d'abord qu'il n'y en a visiblement qu'un seul. Et ensuite, et surtout, faisons un peu de mathématiques : 4818 heures en six mois, ça représente un peu plus de 26 heures... par jour. J'aimerais savoir comment ils ont fait (deux heures de plus m'arrangerait également). Bref, un exemple type de chiffre tiré de son contexte et sans signification, vu qu'il n'y a pas de periode de référence. Je ne nie pas le fait que cela représente un temps de jeu bien trop grand, attention ! Simplement que c'est un chiffre à vide qui n'a pas d'autre but que d'effrayer.

02:49 : "Oui, on peut dire que je suis accro". C'est la phrase clef d'une bonne partie du reportage. Ma foi, c'est possible : certaines personnes sont effectivement accros aux jeux vidéo. Néanmoins, j'aimerais préciser une chose : si la dépendance aux jeux existe, c'est une maladie très rare et elle doit être diagnostiquée par un médecin et pas par un ado occupé en plein pvp ! Cela dit, comme c'est dit, tout peut être une drogue. Mais remettons au mot drogue sa définition : le jeu vidéo ne devient "drogue" que dans de très rares cas et à priori, cet ado n'en fait (à mes yeux de non spécialiste, attention ! Je ne suis pas plus spécialiste que lui !) pas partie. Ma source (qui sera ma source également à d'autres moments) : Internet sans craintes, le site représentant de la France au projet Européen Safer Internet Plus, précisément dédié à ce genre de troubles.

03:24 : "Aucun rapport ne prouve que le jeu rend dépendant, mais une étude récente montre que X milles français seraient accros" : Donc, aucune étude prouve qu'il y a danger mais une étude prouve qu'il y a danger ?

03:30 : C'est un petit peu mesquin, mais... Le rayon filmé au début est le bon (jeux en réseau, entre parenthèse tout au fond de la boutique), par contre le rayon suivant sur lequel la caméra passe lentement n'est pas un rayon dédié aux jeux de rôles en réseau.

03:50 : Les jeux en réseau, le produit le plus vendu ? Regardez le rayon derrière le vendeur : le seul MMO présent est WoTLK, l'extention de World of Warcraft (quatrième ligne, à gauche). Tous les autres sont des jeux solos, et le premier reste les Sims. Ce reportage serait-il basé sur un mauvais calcul ? Ou un mensonge (involontaire ?)...

04:12 : Juste une chose à dire sur ce cas... Sauf une chose. Apparemment, il explique qu'il jouait sur une console. Alors pourquoi cette diabolisation des MMORPG juste avant, sachant qu'ils ne se jouent presque que sur pc ? Pour être exact, la xbox (sa console, d'après la manette qu'il a à un moment) ne propose qu'un seul et unique MMORPG (Final Fantasy XI), et celui-ci est très très loin dans la liste des jeux les plus joués... même si il est clair qu'il a des joueurs, je ne le nie pas.

04:25 : Ah si, là quand même. 20h par jour de jeux... Ca laisse 4 heures pour manger / dormir (je zappe l'hygiène, c'est souvent secondaire). Je connais un bon paquet de no-lifes, Peut-être pas à son point certes... Mais quand ils passent 20 heures à jouer, ils dorment plus que 4 heures pas nuit ensuite. Mais bon, pourquoi pas.

04:43 : Et voici ce qui m'a interpelé le plus dans ce reportage, et qu'on retrouve de façon quasi-systématique lorsqu'on parle (ou entends parler) du jeu vidéo. "Cette violence est omni-présente dans les jeux les plus populaires". Alors là, c'est juste un cliché. D'abord, le jeu le plus populaire de la planète à l'heure actuelle, ce sont les incomparables Sims, et bien que leur but devienne bien souvent "comment tuer mes sims", ce n'est clairement pas un jeu violent. Et pour étayer un peu ceci, prenons donc quelques classements :

Classement des meilleures ventes d'Amazon dans le domaine du jeu vidéo (mis à jour chaque heure, classement à l'heure où j'écris ces lignes)

  1. Premier actuellement, Pokémon version Platine. Un jeu où les combats entre humains n'existent pas, remplacés par des batailles entre des petits monstres mignons qui peuvent être soignés en passant dix secondes sur une table. Lesquels combats sont des jets d'œufs ou des coup de langue. Une violence insoutenable.
  2. Second, UFC undisputed. Un jeu de combat très violent, rien à dire. Sauf peut-être qu'il est classé selon le classement PEGI "16 ans et plus", et que donc si un enfant se mettait à y jouer ce serait lié à une volonté des parents. A partir de là, comment peuvent-ils se plaindre de la violence des jeux ?
  3. Troisième, Les sims. J'ai déjà dit ce que j'en pensais : personne de serieux ne peux oser dire que les sims sont un jeu violent.

On trouve ensuite une autre version d'UFC undisputed, une figurine de pokémon, une autre version des sims... et pèle-mèle, un jeu de sports, un jeu d'énigmes, un jeu de course... Et effectivement un autre jeu de combat (très violent également). Bref, sur les 10 premiers articles du classement, trois sont violents, sept non-violents... Omni-présence contestable. Et ajoutons à cela que aucun n'est "en ligne" et ne rentre donc dans la description donnée par le début du reportage.

Classement des meilleurs ventes de la FNAC

  1. Premier, Les sims 3. Pré-commande (donc le jeu n'est même pas sorti !) et déjà premier, ça dit bien ce qu'il en est de la popularité des jeux non-violents...
  2. Second, Pokémon version platine.
  3. Troisième, Mario Kart (là non plus, les courses de voiture, niveau violence...)
  4. Quatrième, Professeur Layton et l'Etrange Village, un jeu d'énigmes dans un univers de bande dessinée
  5. Cinquième, Worms : L'odyssée Spatiale. Un jeu de guerre ultra-violent impliquant des combats entre des... vers de terre. Franchement, qui de sérieux pourrait trouver ça violent ?

Pour info, dans ce classement, le premier jeu "violent" (au sens des jeux montrés dans les images du reportage) est Dark Sector, interdit aux moins de 18 ans et 26ieme au classement.

Bref... La popularité de la violente des jeux est une légende urbaine et clairement se retrouve faussée par la réalité et les chiffres. Des chiffres que des journalistes agissant avec professionnalisme aurait pris le temps de vérifier, mais visiblement la désinformation est plus intéressante aux yeux des auteurs de ce reportage.

05:01 : Regardez bien la chambre de l'adolescent. Il parle de jeux violents et en serait fan... et en fait, sur les quatres posters présent dans sa chambre, deux sont sur le personnage de mario, qui est généralement comique et pas violent (à moins que sauter sur des champignon ne soit violent...).

05:52 : "Aujourd'hui il ne joue plus ... mais la situation est encore très tendue avec sa mère". Je ne poserais qu'une question : si il ne joue plus mais que les conflits persistent, est-ce que ce ne serait pas le signe que les conflits sont liés à autre chose que le jeu ?

06:56 : Encore une remarque qui me choque un peu... "Nous on se réveillais la nuit avec le bruit on pouvait plus dormir, c'était infernal". Ce n'est là qu'une opinion personnelle mais... Si la seule nuisance dans le jeu vidéo, c'était le bruit, il n'y aurait pas de problèmes. Ah, et... Il a une oreillette portable, comme ils pouvaient se reveiller ?

07:09 : Une phrase est coupée ici, sa justification à lui. Dommage, ça aurait été intéressant.

07:18 : On revient ici aux jeux en réseau. Notez qu'il jouait sur console : les MMORPGS y sont présents certes - il en existe, comme je l'ai dit, un et un seul, d'après le site http://www.live360.fr. J'imagine que c'est donc celui auquel il jouait. Sur un peu plus de 120 jeux disponibles sur fnac.com, c'est tout de même léger faire une montagne d'une souris

09:57 : "Un refuge, un peu ? Ouais." Notez bien cette phrase. On la retrouve également dans le descriptif du projet "Internet sans Craintes" sous une autre forme. Le jeux vidéo lorsqu'il devient addiction est un refuge, une fuite de la réalité. Lorsqu'on fuit un lion dans le désert, on ne met pas un piège pour faire trébucher le fuyard, on endors le lion. Là, c'est l'inverse : on veux forcer l'adolescent à retourner face aux problèmes tout en refusant de reconnaitre qu'il y a problème, en affirmant que le seul problème est le jeu vidéo. Je ne connais pas cet ado ni ses parents, mais à mon avis, si ils veulent régler leurs problèmes de familles, le jeu n'est pas la cible à viser (même si il a pu en causer d'autres bien sûr).

10:21 : "Ca nous est arrivé une fois". Une seule et unique fois il a fallu aller jusqu'à une hospitalisation courte pour aider à décrocher du jeu vidéo. Et sur cette unique fois, on nous fait un montagne de risque...

10:29 : Notez ce qu'il dit : le jeu vidéo n'est pas le problème, c'est le contrôle de la durée de jeu qui est le problème. Là je suis parfaitement d'accord avec lui.

11:10 : Rien à dire, c'est un film créé pour apprendre les choses aux enfants, et il me semble bien fait pour ma part.

12:47 : Là, c'est nettement mieux. Je suis peut-être partial dans mon commentaire... Mais la conclusion me semble beaucoup plus neutre que le reste du reportage - pour donner une impression de neutralité au reste ?

Et ma propre conclusion... Le jeu vidéo est un loisir, un divertissement. Comme tous les loisirs, certains en abusent, d'autres au contraire en vivent (oui, il existe des joueurs professionnels de jeux vidéos). Mais contrairement aux autres loisirs, les jeux vidéos sont diabolisés, ils provoqueraient l'addiction, la folie, la violence... Dans la réalité, statistiquement c'est faux. Les jeux vidéos sont majoritairement peu violents (particulièrement ceux qui se vendent bien), même si les exemples violents "choquent" et donc se retiennent bien. Les jeux violents sont toujours indiqués par un label PEGI (qui est généralement très strict), leur utilisation par des enfants (à l'age de 12 ou 13 ans comme montré dans le reportage) est donc en théorie impossible, sauf avec la complicité des parents. Le phénomène des no-lifes est rare, et ce n'est pas lié aux jeux-vidéos, mais à d'autres problèmes. Si vous voulez réglez les problèmes, faites-le vraiment : cela implique de vous régler aussi les problèmes qui font des enfants de no-lifes et les poussent à se réfugier dans le jeu. Arrêtons de diaboliser le jeu vidéo, ça ne sert à rien si ce n'est à engendrer plus de conflits. Et enfin une chose : le jeu vidéo est un loisir. Même si beaucoup de parents n'aiment pas ce loisir, il est vain et contre-productif de vouloir l'interdire : ça ne fait pas de mal de jouer à un jeu tant qu'on sait s'arrêter et qu'on le voit comme un loisir. Imaginez la situation inverse : vous êtes chez vous, tranquille, vous avez fait ce que vous aviez à faire, viens le moment de vous reposer. Vous sortez ce livre génial que vous lisez et où vous êtes à un moment palpitant... et là, on viens vous voir et on vous prends le livre en vous disant "non, c'est mauvais pour la santé, va faire du sport". Franchement, comment réagiriez-vous ?


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