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Destin (gballand)

Publié le 28 mai 2009 par Mbbs

pagenas4Dans son rêve, il y avait toujours cet oiseau au long cou. Elle n’en avait jamais parlé à personne. Puis ces têtes, étranges, ni d’ici, ni d’ailleurs, qui envahissaient ses nuits. Tout l’inquiétait, mais elle ne voulait pas voir un psychologue juste pour un rêve. Sa vie allait son cours, ni mieux, ni plus mal, sauf que son patron se faisait de plus en plus pressant et que sa mère la harcelait de coups de téléphone pour qu’elle quitte son travail.

- Il va finir par avoir ta peau, avait-elle  coutume de lui dire.

Ce lundi-là, elle arriva au bureau beaucoup plus tôt qu’à l’habitude, son rêve l’avait fait tomber du lit. Elle erra dans les bureaux déserts, puis finit par entrer dans celui de son patron. Elle s’en voulut. Ses yeux glissèrent sur les meubles et les tableaux, mais ne s’arrêtèrent sur rien, à part le secrétaire. Un à un, les tiroirs en furent ouverts et fermés, mais le dernier tiroir du bas, à droite,  la laissa interdite. Il contenait un collage : elle eut l’étrange sensation d’y voir assemblé le rêve qu’elle faisait  nuit,  après nuit, comme si l’objectif d’un appareil photo avait pénétré l’intérieur de son cerveau pour lui en donner un cliché exact.

- Je ne vous dérange pas ?

Elle referma aussitôt le tiroir et rougit. C’était lui. Elle essaya de trouver quelque chose qui aurait pu expliquer sa présence dans son bureau, mais rien ne lui vint. De toutes façons, ses yeux inquisiteurs fouillaient déjà son âme.

- Vous cherchiez quelque chose, peut-être ?
- Non, enfin si, balbutia-t-elle.

Ses yeux bleus, dont la pâleur l’avait souvent inquiétée,  inspectaient les moindres recoins de son cerveau à la recherche d’une pensée suspecte.


- Vous regardiez ce collage, n’est-ce pas ?

Elle ne répondit rien.

- C’est un collage de ma femme. Elle l’a fait la veille de sa mort.
- Votre femme est morte ?
- Epargnez-moi votre compassion, je ne l’aimais plus depuis longtemps.

Elle sentit ses jambes se dérober sous elle. Il dût s’en apercevoir car il lui proposa une chaise qu’elle accepta. Puis il se tut et le silence devint oppressant. Elle finit par dire, comme à regret.


- Ce collage est intéressant, sa symbolique je veux dire.
- Oui, ma femme disait que c’était l’intérieur de son cerveau. Elle était folle, on vous l’a peut-être dit.

Quand il s’approcha de la chaise où elle était assise et qu’il lui mit la main sur l’épaule, tout son corps trembla. Puis il se plaça derrière elle et son souffle vint caresser son cou.

- Mais vous, vous n’êtes pas tout à fait comme ma femme, lui susurra-t-il à l’oreille.


Elle sentit sa bouche sur sa peau, juste derrière son lobe. Une bouche chaude qui semblait vouloir l’aspirer comme on le fait d’un liquide avec une paille. Que pouvait-elle faire ? Elle n’ignorait pas qu’un jour ou l’autre tout se terminerait ainsi ; dans son rêve elle avait vu le visage de la mort.


- Pourquoi moi ? Anonna-t-elle presque à bout de force. C’est à cause de mon rêve ?
- Je t’ai choisie, chuchota-t-il, et j’ai choisi ton rêve. J’aime les rêves de femmes. Leurs rêves sont comme des augures, le tien m’a plu. Mais maintenant, tu dois disparaître.

Il sortit de sa poche un foulard vert qu’il passa prestement autour de son cou qui palpitait encore sous la chaleur de sa bouche. A aucun moment elle ne bougea.

PS : texte écrit à partir du "collage" gentiment prêté par Pagenas du blog sucrebleu.


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