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Envie de nouveauté? (MBBS)

Publié le 30 mai 2009 par Mbbs

« J’en ai marre de cette routine, envie d’espace et de nouveauté. » Voilà ce que m’a dit ma mère à l’aube de sa retraite. Moi, bonne fille, je lui ai proposé plein d’idées qu’elle a refusé les unes après les autres. Finalement, j’ai laissé tomber, après tout, c’était sa vie et pas la mienne qui était en jeu.

Six mois plus tard, la retraite sonnait le glas de sa vie professionnelle et le choc fut rude. Plus question d’échafauder des « plans sur la comète » l’esprit tranquille car ne disposant pas encore de la liberté convoitée ! La date butoir remettait tout en question et je me demandais comment elle allait planifier la suite de sa vie. Tout d’abord, m’a-t-elle dit, il fallait qu’elle fasse un peu d’ordre dans son appartement, qu’elle trie un certain nombre de choses, des papiers et surtout les photos de ma sœur et moi, de ses petits-enfants, travail qu’elle avait remis à des jours ultérieurs par manque de temps. Alors que je lui faisais remarquer que ce genre de tâches pouvaient se planifier lors de jours de pluie ou en hiver par temps très froid et que le printemps naissant invitait plus à sortir donc à explorer, visiter, découvrir, parcourir, sillonner des lieux, des espaces, elle me rétorqua que sachant ses tâches inachevées, elle ne pourrait jouir pleinement d’endroits nouveaux.

Au début de l’été, je revins à la charge mais des contraintes différentes étaient apparues.

- Maman, je ne comprends plus. Tu en avais marre de ta routine, tu rêvais d’espace et de nouveauté. Tu n’as plus d’horaires à respecter, tu es sans contrainte si ce n’est celle de t’occuper de toi, tu es libre de faire ce que tu veux quand tu veux, pourquoi rester coincée dans ton appartement, pourquoi t’échiner à faire les courses de ta voisine du dessus, à accompagner Mme Dupont chez son médecin et le ménage chez Monsieur Tavut qui pourrait tout aussi bien engager une femme de ménage ?

- Mais tu ne comprends pas, ces personnes comptent sur moi, elles n’ont que moi.

- Tu plaisantes j’espère ! Et leur famille, et les services sociaux, ils sont là pour ça.

- Ce n’est pas la même chose, moi je le fais volontiers et puis, ils ont de la peine à demander aux autres.

- Mais pas à toi, visiblement !

- Ils ne me demandent rien, c’est moi qui me propose.

- Ah ! intéressant, et c’est pour fuir quoi ?

- Pardon, je ne comprends pas.

- Oh ! que si, tu comprends très bien. Tu as la trouille !

- La trouille ? Mais de quoi ?

- De tout, de la nouveauté, de l’espace, des autres, de l’inconnu. Je ne te reconnais plus.

- Tu fais fausse route, j’ai bien le temps pour tout ça, je ne suis pas pressée, j’ai toute ma vie devant moi.

- La vie file maman, tu ne seras pas éternellement en bonne santé, profite, nom de tonnerre !

- Ah ! mais cela commence à bien faire. Occupe-toi de tes affaires, je ne t’ai rien demandé.

Nous étions comme deux mules l’une en face de l’autre, à nous jauger pour savoir qui allait reculer. Je me suis soudain vue de l’extérieur et j’ai trouvé la situation cocasse. J’insistais pour que ma mère mène sa vie autrement alors qu’elle avait toujours respecté ma façon de gérer la mienne et mes choix. Elle avait raison, je n’avais pas à me mêler de ses affaires. Je m’excusais donc et nous nous sommes quittées réconciliées.

Cinq jours plus tard, elle avait laissé un message sur mon répondeur. Elle s’était envolée pour un trek au Népal, cela avait été une décision de dernière minute, elle n’avait pas eu le temps de m’avertir, elle avait été très prise par les préparatifs, elle nous embrassait tous et nous enverrait des nouvelles dès qu’elle pourrait.


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