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Solipsisme...

Publié le 04 juin 2009 par Tazounette

Solipsisme...
Encore un petit billet sur mon nombril, après promis, je recommence à m'en éloigner...
J'ai entendu ce terme régulièrement ces derniers mois, sans parvenir vraiment à le comprendre. Je n’ai pas demandé d’explications et je n’en ai pas cherché non plus. Alors que chez moi j’ai un petit R*bert tout neuf, et une édition des Littrés plus toute jeune…

Il se trouve que je ne cherche pas les mots dans le dico. Je ne demande pas non plus, quand une définition me taraude comme si avouer son ignorance était quelque chose de honteux, Bref. J'attends donc d'en faire l’expérience. Et ainsi, d’instinct je comprends ce qu’il veut dire… Mais c’est une chose qui pose problème. A force d’attendre, parfois, on se satisfait de définitions erronées, voire approximatives.

Ce terme n’est autre que « Solipsisme »… Je crois que sur cette question, je l'ai toujours connu, en fait... J'ouvre juste les yeux sur ce qu'il en est... 

Pour comprendre comment j’y ai été confronté, il faudrait remonter facilement 20 ans en arrière…

Petite et plus jeune, refusant de rechercher le mot « féminité », refusant tout autant de poser à ma mère la question d’une telle définition, je me suis créée ma propre connotation. Erronée. Ô combien erronée ! Evidemment ce serait à refaire aujourd'hui, probablement que je chercherai plus assidûment les termes non compris... 

Elle était une image de perfection, de beauté, de corps en parfaites proportions, donnant une aisance, une confiance et une assurance qui loin de rendre hautaine, rend juste libre... Hélas pour moi, elle suivait en droite ligne la taille et le bonnet d’un soutien-gorge ! Alors, j’attendais, impatiente, de voir se pointer ce qui indéniablement allait amener « le reste »…

C’est une chose bien ridicule et pourtant elle a provoqué tant de tempêtes intérieures…

A 14 ans bien tassés, même plutôt 15, alors que les copines avaient déjà, pour certaines, du monde au balcon, je souffrais déjà de ne voir pointer qu’une misère… Les règles ont débarqué, me prouvant que voilà, c’était fait, ce serait comme ça et pas plus !…

Malgré tout, ma mère me disait que la poitrine changeait au fil des ans, histoire de tenter de me rassurer. Et me faisant miroiter la maternité comme le moment où les petites poitrines en prennent et la gardent…

Je pense que dans ces années-là, j’ai compris qu’il y avait une barrière entre les avec et les sans. Une barrière entre la féminité et moi… Me croire féminine, serait comme usurper un titre que je ne "méritais" pas…

J’ai caché ma souffrance autant que j’ai pu. Je crois que c’est un truc que je fais très bien, surtout que mes parents n’essayaient pas de gratter, ils se contentaient de l’image qu’on leur livrait. J'en ai fait une idée fixe. M'auto-pourrissant l'existence et me résumant du même coup à la taille de mon soutif... Le reste était si peu important, je pensais... 

Je me suis laissée mettre une barre tellement haute en matière de féminité que je savais bien l'impossibilité d'y parvenir. Je me suis voilée la face et j'ai fait comme si c'était possible et je tentais vainement de devenir ce que je ne serais jamais. Pour ce faire, j’ai usé à loisir des push-up, qui hélas, ne mentaient jamais autant que désiré. Qui pushaient presque rien.
Un petit peu, de toute façon, c’était comme rien du tout en ce domaine ! Et j’ai continué mon bonhomme de chemin, en haïssant le reflet de la glace, en reniant mon profil, en enviant toute paire de seins au-delà du bonnet C. Détestant la plage, détestant ma nudité et faisant comme si tout allait bien…

Je me suis mise à travailler, sportivement parlant, mes fessiers autant que possible. Ca ne comblait pas le vide du décolleté, mais un avantage vaut toujours mieux qu’aucun…

Je détestais faire les magasinspour trouver des « hauts », qui ne faisaient que mettre en valeur ce manque… Alors, indéniablement j’achetais des pantalons à la place.

Une jeune femme dans un corps de gamine, traitée toujours comme une gamine alors qu'elle était femme dans sa tête, au plus profond d'elle-même, ça créait des distorsions incommensurables… Et une impossibilité de naître à cette féminité comme une porte verrouillée, contre laquelle je m’escrimerais à cogner à coups de poing. Sans jamais parvenir à l'ouvrir. Forcément. Aujourd'hui je sais bien que jamais je n'aurais pu ouvrir cette porte. La clé n'était pas de devenir une autre. C'était de m'accepter, telle que moi. Et qu'on m'accepte ainsi. La belle affaire. (Soupir)... 

Lorsque j’ai eu les économies suffisantes, lorsque aussi j’ai eu mes petites et que j’ai vite compris que ça n’arrangerait pas mes affaires, voire que c'était même pire, j’ai investi. Je me suis "achetée" une paire de seins. Celle que j’avais fantasmée depuis 15 ans…
Le problème délicat de ce remède réside dans le choix de la taille. Sur cette question, le chirurgien est en général de bon conseil et fin psychologue... Il propose une taille en-dessous de celle qu'il pense. Histoire, le jour J, au moment de la décision finale de vous laisser la liberté jouissive de lui dire "je souhaiterais la taille au-dessus". Sachant que c'est celle-ci finalement qu'il avait dans l'oeil au premier rendez-vous... Trop fort ! 
Ce n'est donc pas que l'on souhaite des obus, mais quelque soit la taille choisie, elle ne sera jamais en harmonie avec son fantasme intérieur... Il faut savoir que le résultat ne sera jamais conforme à l'idée qu'on s'était faite de ses nichons à soi... Jamais. Aussi réussi que soit le résultat. Aussi satisfaisant soit le profil par la suite, il ne sera jamais en adéquation avec ce que l'on avait rêvé si souvent, avec ce que l'on continue de voir ensuite, avec les "vrais" seins des autres...
 

Il m’a fallu deux ans pour apprivoiser mon nouveau profil, pour enfin le trouver adéquat avec mes souhaits de gamine, et pour enfin les sentir "miens". Pour enfin me trouver harmonieuse, pour enfin gommer ce déséquilibre criant de ma silhouette... 


J’ai pensé que ce serait suffisant pour gommer cette brisure, cette fêlure dans ma perception de moi-même…

Ce n’était qu’une illusion… On ne guérit jamais complètement. La barrière existe toujours, moins prononcée, plus estompée, mais il suffit d’un rien pour en reprendre conscience et se percevoir à nouveau comme appartenant à « l’autre rive ». Celle qui bave, celle qui envie, celle qui regarde, celle qui n'a pas…

J’ai compris que je serai toujours cette gamine piquant les soutifs de sa sœur et les remplissant de chaussettes pour avoir l’air d’être plus grande dans l'espoir si démesuré, de lui ressembler... Ou celle qui mettait des pamplemousses dans sa robe et faisait tellement rire son monde… Alors que  j’usais de dérision pour ne pas éclater  en sanglots ! Je cachais admirablement mes larmes sur la question, sûrement qu'on m'aurait traitée de futile, sûrement aussi que j'aurais écopé d'une bonne engueulade, histoire de me faire comprendre qu'il existe de bien meilleures raisons de pleurer que celle-là... 

Ce ne sont plus des chaussettes, ni des pamplemousses qui remplissent mes soutiens-gorge, désormais ! Mais dans mon fort intérieur, malgré mon ultime subterfuge, je suis toujours quelque part, cette petite-fille là… Comme si ces années tellement honnies étaient encore tout près, juste à côté de moi…

C'est ainsi que j'ai connu le solipsisme de l’être. Cette solitude dans sa propre façon de percevoir ou d'interpréter le monde. Et de continuer d'y croire, même lorsqu'on sait pertinemment qu'on se trompe... Ce qui fait que quoi qu'on me dise pour me rassurer, quoi que j'entende, ça reste un temps infime comme une vérité "à croire", et ça retombe en poussières tout de suite après, comme si de rien n'était...


Et j’ai compris, alors, que je ne guérirai jamais complètement. Que cette féminité jamais vraiment acquise, qui file comme de l'eau entre mes doigts qui voudraient tant la retenir, faisait partie de moi, parce que cette petite fille que j’ai été, avait donné à ce mot-là une définition tronquée qui de toute façon ne me contiendrait jamais, quoi que je fasse pour y remédier.

Et j’ai beau savoir que je fais erreur, que la féminité ne saurait se résumer à cela, je me sais suffisamment lucide pour ne jamais accepter complètement l'erreur qui me berne et qui me convainc qu'il doit bien y avoir un lien pour que ça ait causé tant de tourments.


Ce que dit Laurence Tardieu est tellement vrai... "On reste à jamais inconsolable". Certains peuvent tenter de vous consoler ou vous rassurer mais il s'agit d'un puits sans fond qu'on tente vainement de remplir... C'est ainsi... Il y a des choses dans la vie pour lesquels on est tout seul... Il faut vivre avec, éviter d'y regarder de trop près, éviter aussi de rendre inutilement les autres responsables de ses propres tourments.
Laisser la chose sous son mouchoir maintenant qu'on a fait le maximum pour en guérir...
 

Je n’accepterai jamais, je crois, cette injustice du génome, cette chienne que l’on appelle nature... Et pourtant,  elle m'a sacrément gâtée !...
Allez comprendre !

Solipsisme : « Attitude d'une personne qui, dans son expression, sa création, sa vision du monde, privilégie la solitude de sa subjectivité»


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