Magazine Journal intime

Home At Home.

Publié le 06 juin 2009 par Mélina Loupia
Si Roger Federer s'était pas sorti les doigts dans le 4ème set, je serais pas restée scotchée sur France2 à 19h50.
C'est que je voulais voir mon chouchou, Juan Martin Del Potro, lui filer sa praline.
C'est que je voulais enchaîner avec Pekin Express aussi.
C'est que je voulais surtout m'endormir avant la 1ère salve de pub, 6 minutes après le début.

"Bon, on fout la 6, y a Malcolm.
-T'es pas un peu névrosée du vendredi soir toi, y a Home sur France2.
-Et depuis quand tu préfères le Service Public à tes tapettes de Wow toi?
-C'est que je fais partie des 88 000 collaborateurs de PPR, le partenaire officiel mondial de Home, tu comprends.
-Ah oui c'est vrai, mécénat, ça rime avec suppressions d'emploi chez PPR, oui je vois.
-C'est quoi maman Home?
-C'est E.T.
-Mais non, home, ça veut dire maison en anglais.
-Et alors on va voir un film sur une maison? D&Co?
-Bon à table, les nouilles sont prêtes depuis hier les enfants."

Et alors on les a mangées froides, les nouilles ratées.
Et alors on a laissé nos fourchettes juste aux portes de nos bouches, dès la 1ère seconde du générique.
Et alors les questions n'ont même pas fusé, pour une fois.

Et on s'est tous entassés sur le canapé, pour une fois, personne n'a revendiqué sa place, sa superficie réservée pour les pieds sur la table basse, son bout de plaid, son oreiller et son genou qui se plante en plein travers de l'écran.

Et pour une fois, j'ai béni le conjugué d'avoir insisté pour investir dans du matos de son que Unighted à côté, c'est La lettre à Elise en sourdine et en mono.

La voix de Yann Arthus Bertrand, calibrée, apaisante, sans une once de parti pris sur les constats vus du ciel, elle a mis tout le monde d'accord, à travers les 126 pays où Home a été diffusé.

Les chiffres, personne n'a osé les contester, bien qu'ils nous ont tous fait soupirer, frémir et finalement espérer.

L'optimisme a finalement pris le pas sur son opposé du début.

Et personne ne s'est endormi, malgré l'absence de cascades, de courses-poursuites, de rafales de balles et d'effets spéciaux des grands studios américains.

Tout le monde sur le canapé PPRien a vibré à l'unisson, laissé sa bouche béer à l'image de ces gens qui survivent sur les montagnes d'ordures, ou du puzzle géant de la banquise disloquée, cette maman ours blanche et ses 2 petits, alertés par les pâles de l'hélicoptère, semblant dire " t'as vu tout ton bordel, t'es content de toi?"

Et puis le débat, après, on a tous refusé de le regarder.
Non pas parce qu'on avait estimé avoir accompli notre geste pour la planète en ayant regardé Home.
Non pas parce qu'il était tard et qu'on avait tous envie de dormir.

Mais plutôt parce qu'on avait un peu la trouille que le politique ne devienne incorrect et ne vienne polluer le message initial.

Alors on a éteint la télé.

Et le débat on se l'est fait dans le cellier.

On était tous d'accord sur le fait d'en avoir pris plein les yeux et les oreilles.
On était tous d'accord qu'on avait été un peu trop loin et un peu trop vite.
On était tous d'accord qu'on avait pas idée du désastre.
On était tous d'accord qu'on se demandait ce qu'on allait bien pouvoir faire pour sauver et préserver ou faire fructifier ce qu'il nous reste de beau, de propre et d'espéré.

Mais on était tous un peu effrayés.

"Maman, tu vois, c'est bizarre de trouver très beau ces couleurs, l'eau des glaciers qui dévale, les cercles blancs des champs arrondis asséchés, mais ça fait peur parce que même si c'est beau, c'est catastrophique. Comment on peut trouver beau quelque chose de laid?"

"Et tous ces pays qui se sont décidés enfin à se tourner vers les énergies renouvelables, des voisins souvent, alors que j'ai pas entendu que la France a fait quoi que ce soit de concret."

"Et pourquoi on fait pas des panneaux solaires à la place des vignes arrachées maman? Et pourquoi on a plein de vent qui souffle fort tous les jours chez nous maman et qu'on s'en sert pas?"

"Et pourquoi TF1 a pas diffusé le film? Pourquoi c'est pas comme le Téléthon?"

Home at home, c'est finalement plein de questions, peut-être trop pour nous.


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