Magazine Journal intime

La robe chinoise

Publié le 12 juin 2009 par Anaïs N.
LA ROBE CHINOISE Je ne me souviens plus très bien, mais lui, si. J'ai oublié si elle était grise avec des motifs rouges ou rouge avec des motifs gris, mais lui a encore le regard qui brille quand il évoque le souvenir de ce café pris sur la Place d'Italie et de cette petite robe chinoise glanée sur un marché pour une poignée de monnaie...
Il en avait parlé avec délice, ce soir là, comme souvent pour me faire rougir entre amis. Nous étions quelques uns réunis chez un copain pour fêter une victoire. Pas n'importe quelle victoire, celle d'une femme sur une terrible maladie, la leucémie. Sa greffe de la moelle osseuse l'avait doucement ramenée sur les rives de la vraie vie. C'était une époque, où lui et moi arrivions chacun de notre côté mais concertés. Lui avec la bouteille de Chinon, moi avec les fleurs pour la Maîtresse de Maison... Mais qui ce soir là aurait été dupe, alors qu'il parlait avec éloquence de ma petite robe chinoise...
Hervé était à ma droite et il était parti de ce gand rire qui lui allait si bien. Il avait posé sa main sur mon bras et m'avait dit "Toi aussi, tu as eu ta période Mao ?". J'avais répondu, oui et nous avions tous ri. C'était une époque heureuse mais nous ne le savions pas... Pas encore...
Cet après midi, l'Alter Ego m'a passé un coup de fil, non pas pour se souvenir de ma robe chinoise... bien que récemment, il me l'ait encore rappelée.... Non, pour m'apprendre que notre ami Hervé venait d'être terrassé par un terrible AVC. Je suis restée stupéfaite, ahurie, interloquée... écoeurée par cette vie qui nous entraine là où on ne voudrait pas aller. L'Alter Ego m'a dit qu'il allait aller lui rendre visite et tenter de lui parler à travers la muraille derrière laquelle cette effroyable accident l'a enfermé à tout jamais, privé de parole et de motricité. Alors, qu'il me racontait comment il avait appris cette terrible nouvelle, les images défilaient sur l'écran de ma mémoire. Mais l'Alter Ego, sans dire un mot me renvoyait mon propre écho... Il pensait tout comme moi que si nous ne sommes pas encore des vétérans, les grands chênes commencent trop tôt, à tomber tout autour de nous car Hervé n'est pas le premier à s'effondrer... Que l'Alter Ego et moi sommes dans cette tourmente deux dynosaures rescapés d'une époque engloutie du temps d'avant et même encore d'avant... Et quand il a raccroché, j'ai entendu dans son "bisous" tout ce que nous nous sommes toujours interdits de dire et qu'il a écrit sur un SMS, l'autre jour tard dans la nuit... Je t'aime... Il lui aura fallu dix ans pour dire une telle connerie... J'ai le droit de le croire.

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