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Kyoto, 1: où on voit et on ne sait pas ce qu’on voit

Publié le 18 juin 2009 par Alainlecomte

En voyage, ce qui compte ce sont les toutes premières visions des choses, les secondes déjà nous emplissent d’un sentiment de déjà vu et, quand on a vu ces choses plus de deux fois, on ne sait même plus revenir à son premier sentiment de découverte.

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Vue depuis le Shinkansen, la campagne défile, pylônes après pylônes et rizières sur rizières. En se tordant le cou (car dès qu’un détail est perçu, il faut regarder loin en arrière pour le saisir et l’identifier), on arrive parfois à entr’apercevoir une repiqueuse à l’œuvre. Nicolas Bouvier dit quelque part (p. 216 exactement) qu’au Japon, il n’y a pas de très beaux paysages : « L’ennui au Japon, c’est que le paysage ne se lance jamais et quand d’aventure, il s’y risque vous avez vite fait de découvrir la camionnette rouillée, les trois feuilles de tôle abandonnées dans un champ, le détail qui vient tout foutre en l’air ». C’est bien ce que l’on ressent à scruter pendant deux heures vingt la plaine qui s’étend – souvent en bordure de mer – entre Tokyo et Kyoto.

Mais au lieu du grandiose, on a l’infime, la miniature, le chef d’œuvre d’antiquaire. Et puis le premier temple venu est une aventure : on entend des sons de flûte, on se dirige à l’oreille et on tombe sur une cérémonie funèbre – ou du moins ce qu’on croit être tel -  La famille recueillie est installée sur des chaises et un prêtre de noir et de gris vêtu rythme les entrées et sorties de ses comparses : un dignitaire religieux escorté de deux autres, plus jeunes qui  s’assoient au sol et disent leurs litanies. Chants graves ponctués de silences brefs. On allume les bâtonnets d’encens et chaque membre du groupe familial doit tour à tour venir au premier rang s’accroupir et touiller la cendre. Dure épreuve pour la plus vieille qui doit se sentir la plus concernée car qui sait quel kami viendra d’ici peu la chercher ? Ce n’est que lorsqu’elle menace réellement de s’étaler qu’une autre personne âgée, son mari sans doute, se lève pour la soutenir.

Gion est le cœur de la ville ancienne. Près de la station de bus, on ne peut rater un portail orange : sanctuaire plein de babioles énigmatiques, planchettes de bois dessinées et peintes, cylindres qu’on agite et d’où finit par sortir une tige de bois, rubans à mettre dans les arbres et mille autres choses auxquels on ne sait donner une destination. Ce temple est un lieu très fréquenté, on s’y fait prendre en photo tirant sur une grosse corde. Tous ces objets sont manifestement pour la divination.

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Mais l’essentiel de Gion n’est pas là, nous n’allons pas tarder à l’apprendre. Une rue piétonne magnifique, bordée de maisons basses, et là, massés à quelques virages, des gens postés en attente, le télé-objectif en bataille comme s’ils attendaient le passage d’une course cycliste, sauf que là, il ne s’agit pas de venir crier « vas-y Nanard » à un quelconque Thévenet en rage de victoire. Non, les objets de cette attente fébrile… ce sont les GEISHAS, car c’est justement (entre17h et 18h) leur heure de sortie (ou d’entrée, cela dépend du sens dans lequel on voit les choses). Par hasard, nous tombons sur l’une d’elles à un coin de rue, juchée sur ses sabots de bois, ce qui ne l’empêche nullement d’activer le pas, et escortée de son aide privée. Plus tard, d’autres feront leur arrivée pendant que les limousines luxueuses déposent des invités de marques auprès des maisons de thé de luxe (zashikis).

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Pontocho est un autre endroit de plaisirs : petite rue longeant la rivière, chaque maison est un restaurant. Les « hommes arrivés », qui ont la cinquantaine replète, y viennent en général escortés d’une « jeunesse » élégante à la coiffure en plumeau.

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Kennin-ji

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Intérieur d’une ryokan


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