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Un homme affable 5.

Publié le 20 juin 2009 par Sophielucide

Fabien avait profité de la pause pour se faire faxer  le livret de famille de Charles Massier ; son premier mariage datait du 14 novembre 1984. Le divorce avait été prononcé trois ans plus tard.   Cette information nous semblait dérisoire à présent, en regard de la performance de la partie civile.
À l’affût d’une vérité qui ne se dévoilait jamais, cette affaire  le  tenait. Moi, j’étais la nouvelle venue, jouant le rôle de candide tandis que lui, Fabien, trempait depuis des mois dans cette histoire, totalement imprégné, habité par sa mission…Je me demandai  maintenant  s’il n’était pas un peu amoureux de Clotilde.  Il l’avait visitée en prison, des liens s’étaient crées, forcément. Il était clair que ce garçon avait d’excellentes raisons de porter toute son attention sur cette jeune fille au teint de pêche et au regard assassin.  Il était clair aussi qu’il projetait sur la victime la même haine que lui avait portée sa cliente, il prenait en charge la part de son fardeau et je trouvais ça plutôt beau.
«  Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Oui, je sais, cette info tomberait à plat, pas question de l’utiliser aujourd’hui, en tout cas, pas dans ces conditions.  Quelle plaidoirie, n’est-ce pas ? Madame Monique Massier a pu bénéficier de son quart d’heure de célébrité même si le juge n’a pas semblé apprécier ce conseil de laisser tomber. Quelle audace, la veuve ! Mais c’est excellent pour nous, si on continue comme cela, c’est cool…
-    Je vais prendre de larges extraits de son intervention pour mon article ; j’ai noté cette belle complicité avec son avocat, c’est donc ça le b.a.ba de ce métier ?

-    Tu as vu ? Elle est décédée six mois après son divorce ». Il avait prononcé cette phrase d’une voix atone  mais ses yeux cillaient lorsqu’il ajouta  « Elle avait vingt deux ans, l’âge de… ».
Il stoppa net et me fixa bizarrement. «  C’est pas croyable…. »
Prostré, son fax à la main, il me fixa bizarrement puis me tendit le papier que je parcourus sans comprendre vraiment ce qui le mettait dans cet état.
«  Se marier si jeune, oui, c’est ce qui te choque, je suppose. Peut-être qu’elle était malade, qui sait ?
-    Tu n’y es pas, regarde le nom de sa femme
-    Mina, c’est joli, ça ; merde, elle s’appelait Nevers, comme…
-    On y est, quelle coïncidence, non ?
-    C’est un nom somme toute courant, ne t’emballe pas.
-    Je ne m’emballe pas, je constate ; bon, j’ai plus qu’à refaire le même boulot pour avoir l’extrait d’acte de naissance de  Clotilde ; pourquoi n’a-t-elle rien dit ? Je comprends pas là… »
Je trouvais incroyable qu’un fait tangible aussi simple à trouver n’ait pas été repéré plus tôt, alors je supposais que ce nom de famille que partageaient l’accusée et la première femme du macchabée ne révélerait rien de plus qu’un malheureux hasard. Dans le cas contraire, il forcerait l’accusée à parler, enfin. A s’expliquer sur le silence dont elle s’était revêtue, comme les femmes que je croisais dans les rues ces derniers temps, ces femmes portant le voile que l’on qualifiait d’intégral dans les médias à l’affût du moindre bon mot.
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