Magazine Journal intime

“Sur la route de Memphis”

Publié le 28 septembre 2007 par Jlhuss

Par Makhno 

Paisible cyclotouriste quinquagénaire, je me promenais cet été sur une petite route charmante (un jour, je vous raconterai ça aussi),   comme on en trouve encore aux abords des collines d’Artois, du côté de Vimy, Lorette, Monument Canadien et tout. 

Tranquille, décontracté, 25 Km/h au compteur, même pas mal. La belle vie quoi. 

Soudain (”tout d’un coup”, comme on dit chez nous), une camionnette bleue, coup de deux tons, geste péremptoire, je me gare, en langage technique, j’obtempère. 

- B’jour M’sieur, Gendarmerie Nationale. (En vérité, j’avais “retapissé” tout de suite les gugusses, j’suis assez physionomiste, mais bon, c’est pas le moment de chipoter). 

- Et la piste cyclable ? Hum ? 

- Ah oui, la piste ! (Réponds je hypocritement,  avec l’air étonné  de celui qui découvre “la piste”).
Mais elle est pleine de tessons de bouteilles, de toutes sortes de saloperies, la piste et moi, je roule pas là dessus ! 

- Hum ! Z’avez vos papiers ?   (un cyclo avec des papiers, il descend de quelle planète ce gonze ?) 

- Non Chef ! (J’ai “fait l’armée”, trois sardines, c’est Chef, avec  majuscule dans l’intonation bien entendu), mais si vous voulez je peux monter dans le car. 

Là, j’avoue, je croyais la “jouer fine”. Je me disais, monter dans le car, la main courante et tout, il va sans doute hésiter (se déballonner) et m’inviter à continuer ma route “en faisant bien attention surtout”.  

J’t'en fous ! Voilà pas mon pandore qui ouvre la porte du véhicule et m’invite (avec le sourire, soyons juste) à monter. 

- Oui mais, mon vélo ?
- Montez dans le véhicule ! 

Là, c’est moi qui avais plus du tout envie de sourire, mais alors plus du tout. Non mais ! Un “tout carbone”, qui m’a coûté des cents et des mille, l’abandonner comme ça au milieu de nulle part , offert à la convoitise du premier “sauvageon” de banlieue qui passe !!! Et pi, après j’irai porter plainte à la gendarmerie du lieu dans doute ? J’ai dit non, c’est non. 

D’une jeunesse un peu “active”, j’ai gardé quelques souvenirs et un “tilt” qui se déclenche automatiquement en présence des “guignols” quand des embrouilles se pointent à l’horizon. Comme un signe avant coureur que les emmerdes sont pas loin. 

Arrivé retraité quinqua (grâce aux régimes spéciaux), on a parfois du mal à “entraver” qu’au détour d’un brave et bucolique chemin de campagne, les “choses” puissent d’un coup se mettre à déraper à ce point.
“Refus d’obtempérer, outrage, voies de fait, tentative d’homicide sur la personne d’un gendarme”, “j’me voyais déjà en haut de l’affiche” de la Cour d’Assise de Douai

Ouf ! La maréchaussée concède. Je grimpe, avec mon vélo.
Bah ! Ils sont en train d’essayer de me la faire à l’estomac, ils vont me sortir du patelin et puis, “vas y Bobet ! Baisse la tête !” 

D’un coup, je sais pas pourquoi, les nerfs sans doute, une petite chanson dans la tête. Une de “Schmoll” (ben oui, Eddy quoi), mon idole préférée de quand j’avais 14 ans. “….dans la voiture qui me traînait….sur la route de Memphis” et puis un gros fou rire qui me monte à la tête, irrépressible (quoique dangereuse et mal placée) envie de me marrer. 

Le brigadier (une seule sardine çui là) qui jette un oeil dans son rétro…
Eh ben Jacquot ! La “quille” c’est pas pour tout de suite. 

Sans me vanter, j’ai fait un certain effet en arrivant à la brigade. Les “déposeurs de plainte pour vol de lapins nuitamment et en réunion” en croyaient pas leurs yeux.
Une course illégale ? Il a dépassé les limitations de vitesse ? Une affaire de dopage peut-être ? En tout cas, il a pas une tête de voleur de lapins. 

Je vous passe les détails. 

-L’adjudant va vous recevoir, asseyez vous là. 

Bon ben, l’adjudant mat’nant. Si ça se trouve, je vais finir la soirée chez le colonel, au rythme où ça va. 

- Bonjour Mon Adjudant (l’armée toujours. Oubliez jamais de dire “Mon”, quand vous parlez à l’Adjudant. Allez pas dire “Mon Chef” non pu, vous allez passer pour un con, ou pire : un planqué qu’a pas “fait l’armée”, un réformé) 

- T’as pas fini de nous faire c…., avec ta piste cyclable ?  

- J’vous demande pardon Mon Adjudant, je n’avais absolument pas l’intention d’importuner qui que ce soit, mais vos hommes … (à la place des points, vous mettez ce que vous voulez) 

Et puis, je plaide ma cause (avec un certain talent, je dois dire).
La piste qu’est dégueulasse, 35 ans fonctionnaire, au service de l’état et tout et tout. L’armée ? Mais Oui Mon Adjudant, dans les transmissions. Oui, oui, un excellent souvenir. 

Déjà, quand il m’avait tutoyé, je m’étais dit : “t’affole pas Jacquot, s’il te tutoie, c’est bon signe. Ton permis, tu vas le garder, Ouf !”
Un gendarme qui “gendarmise”, jamais il tutoie (tout le contraire des flics). 

- Chef ! Vous passerez un coup de fil à la Mairie qu’il voient si ils peuvent faire balayer la piste cyclable, paraît qu’elle est impraticable. Allez, bonne route ! Et faites bien attention ! 

Z’inquiétez pas Mon Adjudant, j’f'rai bien attention.  

Depuis, quand je repasse dans le coin, je fais très gaffe. 

- A la piste ? 

- Naannn ! Aux flics ! 


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