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L'enfant à la Jaguar (MBBS)

Publié le 22 juillet 2009 par Mbbs
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Il fait déjà nuit noir à la rue de l’Orient, un homme à l’allure jeune se faufile entre les voitures en stationnement. Soudain, il s’immobilise près d’une Jaguar, jette un œil autour de lui et, rassuré par la rue déserte, sort un fin outil de sa poche et commence à travailler la portière. Quand son père lui avait enseigné le métier, l’électronique n’avait pas encore fait son apparition et la profession s’était pas mal compliquée depuis. Finalement, il s’était spécialisé dans les voitures de collections, plus facile à voler. C’était un marché lucratif car il y avait toujours des amateurs avertis capable de débourser quelques milliers d’euros sans poser trop de questions sur la validité du no de châssis du véhicule.

Au loin une sirène le stoppe net dans son labeur. Il se redresse, aux aguets mais finalement, le bruit s’éloigne. Fausse alerte ! Finalement, il ouvre la portière, se glisse sur le siège conducteur, attrape les fils sous le volant et démarre la voiture. Un doux ronronnement propre aux Jaguar vient enchanter ses oreilles. Il enclenche la vitesse, appuie délicatement sur la pédale et la voiture se met en route tout en douceur. Ah ! ces voitures de luxe, quel plaisir, queldélice dans la conduite…il décide de se faire une petite joie et de rouler un peu avant d’aller l’amener chez Henri pour la maquiller. Il emprunte donc la rue Girard et petit à petit, les lumières se font rare, les habitations également et bientôt, ses phares deviennent les seuls points lumineux dans la nuit noire.

- T’es qui?

Cette voix venue de nulle part le fait sursauter et donner un coup de volant qui manque l’envoyer dans le fossé. Il plante sur les freins, se retourne et voit deux yeux briller dans la nuit. Il allume le plafonnier et découvre une petite fille d’environ 8-10 ans, les cheveux en bataille, le visage ensommeillé, fripé et marqué par la couverture sur laquelle elle était couchée. « Merde, se dit-il, qu’est qu’elle fout là ! »

La petite se redresse et repose sa question.

- T’es qui ? Et où est mon père ?

« Voler une voiture avec une môme dedans, fallait le faire. Quel con je suis ! », se lamente Fred. « Trouver une réponse et vite pour me tirer de ce pétrin ».

- Je suis un copain de ton père, il m’a téléphoné pour que j’amène la voiture à réparer, elle a un problème.

L’enfant se glisse sur le siège passager, attache sa ceinture et le regarde attentivement.

- C’est pas vrai, je t’ai jamais vu et mon père m’a dit qu’il redescendait tout de suite, qu’il devait juste prendre un truc. T’es un voleur.

- Bon puisque tu es si maline et que tu sais tout, tu veux que je fasse quoi de toi ? Au fait t’as quel âge ?

- J’ai 10 ans et demi et t’as qu’à m’emmener avec toi. Je dirai rien, je trouve ça rigolo.

Un silence s’installe. Fred se demande quoi faire. Plus question d’aller chez Henri, le mieux serait de ramener la voiture à sa place et se tirer. C’est vrai quoi, la môme elle serait pas capable de le décrire, dans la nuit, ses traits se voient mal…ouais, ce serait la meilleure solution et tant pis pour la caisse, elle aurait pu lui rapporter gros mais un kidnapping, c’est pas bon pour son avenir... Il décide donc de revenir en ville et reprend la direction du centre.

- Tu t’appelles comment ? demande l’enfant.

- Jules, répond Fred.

- Je te crois pas, c’est trop nul, tu veux pas me dire ton nom, c’est ça hein ? Moi je m’appelle Amandine.

- C’est joli.

- Et on va où maintenant ?

- Je te ramène chez toi et on va se quitter. Tu diras à ton père qu’il se débrouille, qu’il amènera la voiture lui-même chez son garagiste.

- Tu sais pourquoi je sais que t’es un voleur ?

- Non mais tu vas me le dire.

- Mon père est garagiste et c’est lui qui réparer les voitures, donc t’es un menteur.

Fred ne répond rien, il fallait qu’il tombe sur une futée, pas bon pour la suite ! Il ne voit qu’une solution, parquer la voiture près d’une station service, dire à la gamine qu’il va acheter quelque chose à boire et s’esquiver le plus vite possible. A un moment donné, il y a bien quelqu’un qui va réagir avec cette gamine dans la Jaguar à moins qu’elle-même se décide à demander de l’aide. Elle est sympa cette môme et débrouillarde, il en est sûr, ça va aller.

Et c’est ce qu’il fait. Il lui dit de rester bien tranquille dans la voiture, de bien verrouiller les portières et de n’ouvrir à personne, puis pénètre dans la station service et sort par une porte arrière. Un sentiment de mal-être le suit et l’empêche de trop s’éloigner. Il se poste à l’abri d’une porte cochère qui lui donne une bonne vue sur la Jaguar. Il n’a pas à attendre longtemps avant de voir la gamine allumer le plafonnier et sortir un téléphone portable de sa poche et le mettre à son oreille. Il avait raison, elle est dégourdie !

Rassuré il s’éloigne et se disant qu’il va se mettre au vert un petit moment, s’accorder des vacances histoire de se faire oublier. C’est la saison où tous les amoureux de voitures anciennes sortent leur petit bijou du garage où il est planqué tout l’hiver, un petit tour sur la côte serait une bonne idée, peut-être qu’il arrivera à trouver cette fameuse Triumph 1957 qu’il cherche depuis si longtemps.

Une silhouette à l’allure jeune se fond dans la nuit de ce 22 juillet et disparait au loin.


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