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Pippo l'iconoclaste

Publié le 04 août 2009 par Jlk


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La Paura, dernier film de l'invité d’honneur du Festival de Locarno, réalisé avec un téléphone mobile, suscite toutes les curiosités
Quand Pippo Delbono dégaine sa caméra de poche, le carabiniere de l’ère Berlusconi se pointe et lui dit de circuler : rien à voir ! Le « rien », c’est juste la mort d’un petit Africain qu’on enterre, massacré par les tenanciers d’un kiosque milanais où il venait de faucher un paquet de biscuits. Un « rien » dont Pippo le révolté voulait témoigner, comme il l’a fait depuis vingt ans au théâtre et au cinéma, dans la lignée du Pasolini le plus sauvage: le « rien » des victimes oubliées des dictatures latino-américaines, dans Le Temps des assassins, qui marqua les débuts de sa compagnie en 1987. Le « rien » du sort occulté des ouvriers cramés dans l’incendie de l’usine ThyssenKrupp de Turin, en 1997, qui lui inspira Le mensonge. Ou, dans La paura, le « rien » plus grotesque d’une émission de télé sur l’obésité des enfants gavés, rappelant les gorillages d’un Fellini, ou le « rien » plus banal de la chasse aux Roms et aux exclus, entre autres manifestations omniprésentes du racisme et de la violence sociale.
À cinquante ans, avec le mordant d’un Michael Moore, en beaucoup plus inventif quant aux formes et en plus aigu dans son regard sur le monde (il a cuit dans le même bouillon de contre-culture qu’un Nanni Moretti, autre empêcheur de penser en rond qui régala Locarno l’an dernier), Pippo Delbono reste un jeune homme en colère d’un dynamisme créateur étonnant. Pour lui, le théâtre et le cinéma relèvent du cri plus que du discours. L’artiste ne s’exprime pas tant, selon lui « avec le cerveau, mais avec le cœur et les tripes – avec les yeux d’un enfant. Et de préciser : « Nous vivons dans un monde de confusion où il est de plus en plus difficile de saisir la vérité, et d’autant que même la religion perd toute spiritualité. Dans cette perspective, j’essaie de montrer une autre forme de relations entre les êtres, avec des acteurs marqués par des expériences extrêmes ». De fait, à l’écart du star system, Pippo Delbono travaille de préférence avec des cabossés de la vie, comme son fameux complice Bobo rescapé de la psychiatrie.
L’aventure artistique de Pippo Delbono est viscéralement nouée à sa vie. Le grain de La Paura, reproduisant sur grand écran la trame un peu grêlée des images de nos « mobiles », traduit cette implication intime et fragile à la fois dont il disait : « Lier l’art avec la vie, c’était pour moi la seule manière d’en faire». Or, en complément de ses films et d’une rencontre avec le public, l’iconoclaste Pippo interprétera son monologue Récits de juin (2006) illustrant ses dons multiples de créateur et de comédien pétri d’humanité.
La Paura sera présentée en première internationale les 9, 10 et 11 août. Le journal quotidien du festival, Pardo News, donne tous les détails utiles sur les lieux de projection, également accessibles sur le site de la manifestation : http://www.pardo.ch
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Sur la Piaza Grande

Vitrine de prestige et foyer convivial du festival, la Piazza Grande sera très glamour ce soir, à 21h.30, avec la projection de (500) days of Summer de Marc Webb et les présences irradiantes de Zooey Deschanel et Joseph Gordon-Lewitt. En seconde partie: La guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres, d'Amos Gitaï, version cinématographique du spectacle théâtral présenté en juillet en Avignon, avec Jeanne Moreau. Autre production américaine grand public à découvrir jeudi 7 août à 21h.30 : le dernier film de Nick Cassavetes, avec Cameron Diaz et Jason Patric, Ma vie pour la tienne (My sister’s keeper), drame familial opposant une avocate et sa fille de 13 ans qui réclame en justice son émancipation…


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