Magazine Journal intime

Auguste

Publié le 06 août 2009 par Lephauste

Encore une fois le miracle s'accomplit, la ville a cessé de vivre sans s'arrêter de fonctionner, peu à peu le corps tendre des esclaves se dissout au loin. Tous ou presque s'en sont allés visiter les frontières de la cage. Les plages de l'Ouest, du Sud, du Nord pour les impécunieux, regorgent de leurs corps brulés, tendrement huilés, les macro ondes de la radiodiffusion éructent des chansons où il n'est question que de s'aimer, à n'importe quel prix s'aimer, soi d'abord, s'adorer en dieux d'une Olympe exotique comme les pays où parait-il il fait toujours chaud, si chaud que l'on a rien d'autre à y faire qu'à s'entre-tuer pour le pouvoir de dire oui, toujours oui. C'est si doux de dire oui. C'est si bon le bon air, le bonheur du bon ordre en paréo, à l'ombre des paillotes du club.

La ville fonctionne, a gardé en son sein quelques vigiles, quelques vendeuses, quelques sans papiers qui eux ne partent pas, ne veulent pas partir. Pourquoi partir, on est si bien à briquer les tours désertes, à Paris au mois d'août. Et puis le monde entier est là, est venu voir la ville en sa livrée monumentale de belle poule pas chienne. La nuit au Sacré Coeur, les amoureux s'accrochent au toboggan des marches en buvant le vin tièdis de la Passion. Le matin les bus panoramiques les attendent pour un fameux tour du propriétaire. Le lumpen dépolitisé des banlieues y vient aussi à la ville, dans les éfluves de parfums de marques, sapé comme un milord par les vapeurs du haschich, et drague tout ce qui bouge. Le vrai parisien c'est lui. Avec son envie de vivre comme tout le monde, aux milieu des richesses illuminées de la ville

Les expatriés de la province sont repartis pour un temps, quelques semaines, dans la pesanteur familiale des campagnes qu'ils remplissent d'une vie d'artifices. Les places à nouveau vibrent d'odeurs traditionnelles, de beuveries électriques. Partout les saints de bois sortent des niches et font en chiens savants le tour des porte-monnaie. Partout on se souvient de ce que l'on a pas vécu et qui enfin nous appartient; La joie et la peine évidées de leurs cinq sens. Partout le monument où s'alignent les noms de jeunes gars qui sont mort pour ça. Pour que triomphe la culture du double ersatz. L'honneur perdu et ridicule du sillon droit, l'horreur retrouvée de la mémoire creuse. Delete.

Le miracle encore et toujours s'accomplit, même si nous n'y croyons pas, nous n'avons plus le choix. Durant un mois nous sommes sommés de faire comme si rien jamais ne s'était passé, avant que la ville ne devienne le gigantesque monument dédié à l'ennuie profitable. Profitons-en.


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