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Syngue Sabour d'Atiq Rahimi

Publié le 11 août 2009 par Wawaa

Ma découverte de Syngue Sabour ne s'est pas faite par une trouvaille inopinée à la bibliothèque ou un achat spontané à la librairie. C'est lors de l'avant-première du Marathon des Mots 2009 à Auch que j'ai eu l'occasion d'entrer dans ce sublime roman pour la première fois... En effet, des extraits de Syngue Sabour y avaient été lus par Fanny Cottençon. Avant sa lecture, la comédienne a précisé que l'auteur, Atiq Rahimi, avait lui-même choisi les passages lus et que la fin ne nous serait pas révélées.

Quelques minutes pour se plonger à l'eau, après quelques bafouillages, l'actrice est devenue une formidable conteuse, vivante, époustouflante à tel point qu'on croyait voir en elle le personnage de la femme qui soigne son mari, allongé, à l'état de légume... elle se confie, s'exprime sur sa condition, sa vie de femme en Afghanistan ...

Comment après une telle prestation ne pas avoir envie de lire le livre entièrement ? J'avais depuis ce temps oublié mon désir de me plonger dans les pages de Syngue Sabour... C'est que la vie m'occupe à tellement de choses !

J'étais montée rapporter mes livres à la bibliothèque, il y a quinze jours. J'avais plus d'une semaine de retard ! Ce n'était pas vraiment intentionnel à vrai dire. Je devais y monter le 16 Juillet mais ma crise de spasmophilie impromptue m'a empêchée de le faire. Et malheureusement ou pas, au moment où je suis montée à la bibliothèque, elle était fermée, car l'été, elle n'est ouverte que le matin et il était 14h30. Malheureusement et heureusement ! Je n'ai pas pu emprunter d'autres livres, hélas, même si j'ai pu au moins déposer ceux que je devais rendre au plus vite. Mais, après un passage par le musée d'Auch pour aller y voir une amie, je suis remontée flâner en ville et je suis entrée dans la nouvelle librairie de la rue Dessoles. J'y ai fait un petit tour. J'aime me promener entre tous ces livres. Ces milliards de mots, de phrases, toutes ces histoires. J'y ai trouvé deux petits livres sur le Gers, puis j'ai fureté autour du coin jeunesse pour en revenir au premier étal où j'ai vu Syngue Sabour, bien en évidence avec son écharpe de papier bleu " Prix Goncourt 2008 ". Je me suis souvenue de l'émotion procurée par la lecture qu'en avait faite Fanny Cottençon. Alors je me le suis offert.

Syngue Sabour d'Atiq Rahimi

Je l'ai lu en quelques jours. Pas que ce soit un pavé, mais je suis lente à lire et puis j'ai eu envie d'aller jusqu'au bout certains soirs, tellement le récit est prenant, mais comme vous le savez, au-delà de 21h, mes facultés intellectuelles sont amoindries (déjà que...) et je n'aurais pas pu soutirer toute l'essence du récit.

Bref, après ces considérations un peu trop personnelles, venons-en enfin à Syngue Sabour. Le livre raconte donc l'histoire d'une femme, afghane sans doute, soumise aux lois de l'Islam intégriste.... Elle s'occupe patiemment de son mari ,allongé , dans le coma, et remplit chaque jour sa poche de survie, compte et recompte chacun de ses souffles en égrainant son chapelet, priant, suppliant Allah. Mais plus le temps passe, et plus elle lui confit ses blessures, ses tourments, ses douleurs, ses frustrations. Elle ne peut pas s'en empêcher. Le mari devient alors une Syngue Sabour, la Syngue Sabour de la femme.

Syngue Sabour ? Cela signifie " Pierre de Patience " en Perse. Dans la mythologie Perse, comme le précise la quatrième de couverture, c'est " une pierre magique que l'on pose devant soi pour déverser sur elle ses malheurs, ses souffrances, ses misères [...] jusqu'à ce qu'un beau jour, elle éclate... et ce jour là, on est délivré. "

Je ne vais pas là révéler tout le récit. Je ne peux que fortement vous en conseiller la lecture. Mais pour autant, je peux tout de même tenter de vous faire part de mes propres analyses.

Plusieurs choses m'ont frappée, et ce dès les premières pages. Tout d'abord, le style. Très bref. D'une grande simplicité. Par phrases courtes. Par morceaux de phrases, même. On se sent étouffés, comme si on était à la place de l'homme. Comme si le récit prenait le rythme de ses respirations. Comme si on étouffait comme la femme étouffe dans sa condition, prête à tout dévoiler ais n'osant pas. Le style en dit tellement. Il évolue pourtant au fil du livre. Plus les monologues de la femme prennent de place, et plus le style se libère avec elle...

Il y a également cette troublante " généralisation ". En effet, les personnages ne sont jamais nommés, prénommés, désignés autrement que par " l'homme ", " la femme ", " la petite fille ". Les lieux ne sont pas précisés autrement que par des expressions comme " la ville " sauf à la première page et encore. " Quelque part en Afghanistan ou ailleurs ". " Quelque part ", " Ailleurs ", " L'homme ", " La Femme ", qui sont-ils, où sont-ils ? Le livre prévient que cette histoire peut avoir lieu n'importe où, arriver à n'importe quelle femme, n'importe quel homme.

Le livre est un hymne à la libération de l'humain. De la femme surtout de celle trop soumise, frustrée, manipulée, violentée par les siens, de celle qui a tout à dire, tout à vivre : une véritable lutte pour être libre est lancée car en déversant ses tourments causés par les hommes, sa famille, elle se libère et devient elle, une femme libre de penser. L'homme est lui aussi libéré en quelques sortes : son rôle de Syngue Sabour le libère de son ignorance, et lui met en évidence sa propre aliénation à des traditions lointaines...

Quant à la fin, étant donné que je ne veux pas vous la révéler, je ne peux que dire qu'elle est à la fois énigmatique, surprenante et qu'elle est peut-être l'issu fatale pour être enfin libéré(e).

J'oubliais. C'est un homme qui a écrit le livre. Il avec avec tant de force et de conviction la conditions des femmes de ses contrées, qu'il est lui-même un très bel exemple de libération des esprits.

Syngue Sabour d'Atiq Rahimi

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