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S. Thomas d'Aquin, Commentaire sur Jean 6 (13)

Publié le 14 août 2009 par Walterman

AMEN, AMEN, JE VOUS LE DIS: QUI CROIT EN MOI A LA VIE ÉTERNELLE.

Son propos est de montrer qu’il est le pain de vie. Or, pour que le pain vivifie, il faut en prendre; et il est évident que celui qui croit en le Christ le prend au-dedans de lui-même: Que le Christ habite en vos coeurs par la foi. Si donc celui qui croit en le Christ a la vie, il est manifeste que c’est en mangeant ce pain qu’il est vivifié: Ce pain est donc le pain de vie. Et c’est ce qu’il dit: AMEN, AMEN, JE VOUS LE DIS: QUI CROIT EN MOI, à savoir d’une foi formée, qui rend parfaite non seulement l’intelligence, mais aussi la volonté aimante (en effet, on ne tend vers la réalité en laquelle on croit que si on l’aime), A LA VIE ETERNELLE.

Or le Christ est en nous de deux manières: dans l’intelligence par la foi, dans la mesure où il y a foi, et dans la volonté par la charité qui informe la foi: Celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu, et Dieu en lui. Qui donc croit dans le Christ de telle sorte qu’il tende vers lui, le possède dans la volonté et l’intelligence. Et si nous ajoutons que le Christ est la vie éternelle, ainsi qu’il est dit: (...) afin que nous soyons dans le véritable, dans son Fils Jésus-Christ; celui-ci est le Dieu véritable et la vie éternelle; et plus haut: En lui était la vie, nous pouvons inférer que quiconque croit en le Christ a la vie éternelle. Il l’a, dis-je, dès ici-bas, dans sa cause et en espérance; et un jour il l’aura dans sa réalité plénière.

JE SUIS LE PAIN DE VIE.

Une fois son propos manifesté, il infère ce qu’il veut montrer en disant: MOI JE SUIS LE PAIN DE VIE, c’est-à-dire qui donne la vie, ainsi qu’il découle clairement des prémisses. De ce pain, il est dit: Aser, son pain est riche; il donnera leurs délices, c’est-à-dire celles de la vie éternelle, aux rois.

VOS PÈRES ONT MANGÉ LA MANNE DANS LE DÉSERT ET ILS SONT MORTS. TEL EST LE PAIN QUI DESCEND DU CIEL: SI QUELQU’UN EN MANGE, IL NE MEURT PAS.

En disant ces paroles, le Christ pose la majeure, c’est-à-dire que donner la vie est l’effet du pain qui descend du ciel. Il met d’abord son propos en lumière avant de l’exposer.

VOS PÈRES ONT MANGÉ LA MANNE DANS LE DÉSERT ET ILS SONT MORTS.

Il met son propos en lumière par son contraire. On a dit en effet plus haut que Moïse n’a pas donné aux Juifs le pain du ciel, sauf si par ciel on entend les airs; or tout pain qui n’est pas du ciel véritable ne peut donner une vie suffisante: il est donc propre au pain du ciel de donner la vie. Et c’est pourquoi le pain de Moïse dont vous vous enorgueillissez ne donne pas la vie. Il le prouve en disant: VOS PERES ONT MANGE LA MANNE DANS LE DESERT ET ILS SONT MORTS.

Ici, il leur reproche d’abord leur vice en disant: VOS PERES. En effet, vous en êtes les fils non seulement selon l’origine de la chair, mais aussi par l’imitation des oeuvres, puisque vous êtes de la race de ceux qui murmurent, comme eux-mêmes murmurèrent sous leurs tentes et c’est pourquoi il leur disait: Vous mettez un comble à la mesure de vos pères Aussi saint Augustin dit-il qu’en aucune chose le peuple n’a plus offensé Dieu qu’en murmurant contre lui.

En second lieu, il laisse entendre que le laps de temps fut bref, lorsqu’il dit DANS LE DESERT En effet il ne dura pas, le temps pendant lequel la manne leur fut donnée: pro diguée au désert, elle ne leur fut plus donnée après leur entrée en terre promise, comme le dit le livre de Josué. Ce pain-là, par contre, maintient en vie et restaure pour l’éternité ceux qui le mangent.

Il manifeste enfin les limites de cette nourriture: elle ne maintient pas la vie indéfiniment. C’est pour cela qu’il dit: ET ILS SONT MORTS. De fait, selon le livre de Josué, tous ceux qui, à l’exception de Josué et de Caleb, avaient murmuré, moururent au désert. Telle fut la cause de la seconde circoncision: tout le peuple qui était sorti d’Egypte était mort au désert, comme le dit le livre de Josué.

Mais on peut se demander de quelle mort Dieu parle ici. En effet, s’il parle de la mort corporelle, il n’y aura aucune différence entre le pain du désert et notre pain qui descend du ciel, parce que même les chrétiens qui prennent ce pain connaissent la mort physique. Mais s’il parle de la mort spirituelle, il est clair que dans les deux cas, certains meurent spirituellement, d’autres pas. En effet, Moïse et la foule de ceux qui plurent au Seigneur échappèrent à la mort, alors que d’autres la connurent. De même, ceux qui prennent ce pain indignement meurent spirituellement: Quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement (...), c’est sa propre condamnation qu’il mange et boit.

A cela il faut répondre que la nourriture prodiguée au désert possède un point commun avec notre nourriture spirituelle, en tant que les deux signifient la même réalité: en effet l’une et l’autre signifient le Christ. C’est pour cela qu’on dit qu’elles sont la même nourriture: Tous ont mangé la même nourriture spirituelle et tous ont bu la même boisson spirituelle — ils buvaient en effet à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher était le Christ. Il dit la même parce que l’une et l’autre sont la figure de la nourriture spirituelle. Mais elles diffèrent parce que la manne la figurait seulement, tandis que ce pain con tient ce qu’il figure, c’est-à-dire le Christ lui-même.

Il faut donc dire que dans l’un et l’autre cas, on peut se nourrir de deux manières. Ou bien on prend la nourriture en regardant matériellement le signe, c’est-à-dire qu’on en use comme d’une simple nourriture terrestre sans en saisir la signification, et prise ainsi elle ne supprime ni la mort spi rituelle, ni la mort physique. Ou bien on la prend sous ses deux aspects de signe et de signifié, c’est-à-dire que l’on prend la nourriture visible de telle sorte que l’on saisisse la nourriture spirituelle, qu’on la goûte spirituellement pour être spirituellement rassasié. Ainsi ceux qui ont mangé la manne spirituellement ne sont pas morts spirituellement. Mais ceux qui mangent l’Eucharistie spirituellement, c’est-à-dire sans péché, vivent spirituellement maintenant, et vivront avec leurs corps pour l’éternité. Notre nourriture a donc ceci de plus que la leur: elle contient en elle ce qu’elle figure.


TEL EST LE PAIN QUI DESCEND DU CIEL: SI QUELQU’UN EN MANGE, IL NE MEURT PAS.

Son propos étant manifesté, le Christ infère ici ce qu’il veut montrer. Et selon la Glose, il dit TEL en se désignant lui-même. Mais ce n’est pas là la pensée du Seigneur, car en ajoutant aussitôt: MOI JE SUIS LE PAIN VIVANT QUI SUIS DESCENDU DU CIEL, il ne ferait que se répéter.

Il faut donc dire que l’intention du Seigneur est la suivante: descend du ciel le pain qui peut donner la vie; or moi, je suis tel; donc, je suis LE PAIN QUI DESCEND DU CIEL. Et si LE PAIN QUI DESCEND DU CIEL donne la vie sans fin, c’est parce que tout aliment nourrit selon la propriété de sa nature. Or les réalités célestes sont incorruptibles; donc cette nourriture, étant céleste, ne se corrompt pas, et par conséquent vivifie aussi longtemps qu’elle demeure. Celui donc qui en aura mangé ne mourra pas. De même que si une nourriture corporelle ne se corrompait jamais, en nourrissant elle ne cesserait de vivifier. Voilà pourquoi ce pain a été signifié par l’arbre de vie qui, au milieu du paradis, donnait d’une certaine manière la vie pour toujours: Et maintenant, il ne faudrait pas qu’Adam avance la main et qu’il prenne aussi de l’arbre de vie, qu'il en mange et vive à jamais. Si l’effet de ce pain est que celui qui en mange ne meure pas, moi aussi je suis tel, et donc…




A propos du verset suivant, il développe deux aspects. Il parle d’abord de lui-même d’une manière générale puis de manière précise à propos de son corps. A son sujet, il souligne deux aspects: il conclut d’abord quant à sa propre origine puis il dévoile sa puissance.

moururent au désert. Telle fut la cause de la seconde circoncision: tout le peuple qui était sorti d’Egypte était mort au désert, comme le dit le livre de Josué

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