Magazine Journal intime

Ma chienne

Publié le 17 août 2009 par Dunia

La semi-grabataire s’émancipe

Jocaste m’oblige à retrousser la jupe

Depuis que ma chienne est tombée salement malade , ses promenades se font à pas d’escargot, sur le chemin goudronné, d’autant que Madame Quadrupède, sourde comme une carafe, n’entend pas le moindre mot prononcé à plus de cinq centimètres de son oreille. Les os saillants, le souffle court, les pattes arrières raides et tremblantes, Jocaste me suit à vingt mètres. A cause de son âge et de la surdité qui l’empêche d’entendre le plus basique des ordres comme “RETOUR” -par exemple-, j’avais décidé de la tenir en laisse mais elle semblait si malheureuse, marchait si désespérément lentement, que j’en suis revenue à la lâcher.

Aujourd’hui, afin d’exhiber ma désirable féminité habituellement cachée sous plusieurs couches de vêtements élimés comprenants pull, t-shirt, veste, bonnet, écharpe et souliers de marche montants, j’ai profité du radieux soleil pour sortir ma chienne habillée d’une longue robe étroite en lin, les pieds chaussés de sandales. Une ravissante tenue que je pourrais enfiler pour boire un rafraîchissement à la terrasse d’un café branché or, comme je ne bois des rafraîchissements que dans ma cuisine ou sur mon balcon, elle m’a paru de circonstance pour balader ma poilue sur de l’asphalte. Faut que je me fasse plaisir tout de suite, qui sait, une crise cardiaque pourrait m’occir d’ici demain.

Arrivée au bout du parcours, à l’endroit où en principe je reviens sur mes pas, j’ai rencontré un homme coiffé d’un bob qui promenait son yorkshire. Après le bref bonjour que les propriétaires de canidés échangeons systématiquement sur ce tracé, le monsieur a caressé ma chienne. Sans doute encouragé par mes irrésistibles charmes, il s’est lancé dans une conversation animalière.

-Elle est jeune non?

Fière telle une pendule neuchâteloise du 18ème siècle qui ne tomberait jamais en panne, j’ai commencé à expliquer que non, que ma chienne était très vieille et malade et blabli, et blabla et reblabli.

-Ah bon? Elle a pourtant un superbe poil!

Et hop, me voilà à neuf heures à sonner les douze coups de midi. Blabli elle vient de chez un très bon éleveur blabla ma fidèle compagne est une brave bête… blibli. Me voyant si occupée, juste au moment ou je disais au revoir au bonhomme déguisé en campeur, madame Chienne en a profité pour s’éclipser dans les hautes herbes pour aller se perdre dans le bois. Dès que je l’ai vue prendre cette direction, je l’ai aussitôt rappelée. Enveloppée dans sa pratique surdité, elle a poursuivi son objectif sans se préoccuper de mon avis. Sgreugneugneu! Je l’ai attendue… puis attendue… puis j’ai fait trois fois l’aller-retour de notre promenade habituelle -je marche vite- au cas ou elle serait réapparue en amont … RIEN! Au bout d’une demi-heure, j’ai relevé jusqu’aux cuisses ma robe de top model. Malgré ma cheville qui déconne, sur laquelle je tiens mal -en principe je devrais la faire opérer mais je n’ai pas encore décidé si oui ou non je laisserai quiconque me charcuter- je suis descendue le talus de hautes herbes mouillées -ben oui à la Tchaux il faudrait qu’il fasse 30° durant un mois pour que l’herbe soit sèche le matin-. Au bout de vingt mètres à éviter de me casser une jambe, ma chienne est apparue d’un bosquet pour me passer sous le nez à deux mètres, derrière un buisson. J’ai eu beau crier comme une dératée, elle a tranquillement continué sa promenade. Sgreugneugneu! Sgreugneugneu! Sgreugneugneu! Je l’ai suivie comme j’ai pu mais elle m’a vite devancé. L’athrose à beau raidir ses membres et son problème cardiaque l’obliger à tirer la langue, dans l’hostile nature ma chère Jocaste, campée sur quatre pattes qui s’accrochent à la terre grâce plusieurs paires de griffes, est nettement plus habile que moi sur deux jambes fouettées par les buissons, les petons à peine protégés par des sandales ouvertes sur des fougères détrempées, avec une jupe longue remontée au ras du slip qui empêche mes mains de rééquilibrer mon dos.

Je l’ai suivie à travers bois. Au bout de deux cents mètres, elle s’est arrêtée pour renifler un parfum à son goût. C’est là que -oh miracle- elle a daigné se retourner. Je lui ai fait le signe “stop”. Ravie par son escapade, les babines retroussées d’un sourire de chienne satisfaite, elle m’a -heureusement- attendue. Autant dire que ni une ni deux, elle a de nouveau goûté à la balade en laisse! Non mais!

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L’endroit où Jocaste a la fâcheuse manie de disparaître. Depuis qu’elle a failli mourir ce genre de tour de passe-passe est devenu très angoissant.

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Après une demie-heure de vaine attente, je me suis résolue à partir à sa recherche malgré le terrain accidenté, l’herbe mouillée et ma tenue inadaptée.

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Plusieurs fois j’ai aperçu ma chienne, mais totalement sourde elle n’entendait pas mes appels. Ci-dessus on peut l’apercevoir au centre de l’image. La photo est floue mais c’est normal! C’est du vrai reportage pris sur le vif!

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Enfin elle m’a vue!

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Et en plus elle se marre! Sgreugneugneu!


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