Magazine Journal intime

La visite d'Alexandrie sur les pas de Nubis

Publié le 23 août 2009 par Araucaria

Aujourd'hui le navire va mouiller pour la journée entière dans le port d'Alexandrie. Là encore l'infrastructure est impressionnante. Mais pourquoi faut-il que les paroles d'une mélodie imbécile de la fin des années 70, viennent me polluer l'esprit...d'ailleurs, je ne vais entendre aucune sirène dans le port d'Alexandrie... N'était ce pas cette star populaire plutôt qui avait une voix de sirène? Je veux profiter de ma journée, ce premier contact avec l'Egypte est important, oublions les scies et les niaiseries...Le port est moderne, du dernier cri, très luxueux.
Lorsque nous voyageons nous essayons de rester au plus près de la vie des habitants. C'est ce que nous avons fait dans cette ville en parcourant des quartiers populaires (populaires, pas miséreux!).
En sortant du navire nous avons eu un aperçu de la flotte des taxis...des breaks 504 qui ont au moins 30 ans et un kilométrage certainement effrayant! Les véhicules bleus ont sans doute une licence pour entrer dans le port et véhiculer les touristes. A l'extérieur, ce seront des taxis noirs et jaunes, aussi déglingués! Nous avons fait affaire avec un sympathique égyptien natif d'Assouan, Nubis. Nous avons loué ses services pendant quatre heures et il nous a piloté dans la ville. Seul handicap...il ne parlait pas français...mais un peu anglais...comme "nous parlons" aussi un tout petit peu anglais nous avons réussi à nous comprendre pour l'essentiel. Nubis va nous faire faire un circuit touristique nous accompagnant même lorsqu'il le peut pendant la visite et commentant...Et surtout, il nous choisira un restaurant et y passera la commande...Pas facile en effet de déchiffrer l'égyptien moderne ( pas les hiéroglyphes) et de comprendre ce que nous allions manger...Il nous avancera aussi l'argent pour les visites et le restaurant (des Livres Egyptiennes), il acceptera volontiers un règlement de sa course en euros. Mon mari lui avait fait comprendre que nous voulions déjeuner dans un restaurant typique, pas un lieu pour touriste...Nous avons eu le choix entre poisson ou viande. Ils ne font pas les deux, et il n'y a ni entrée, ni légumes, ni dessert.
C'était copieux et délicieux : une soupe au genou de boeuf, de la panse ou de l'intestin de mouton farci, du riz avec des épices et du pain, et des légumes très forts en condiment conservés dans de la saumure.
Nous avons voulu inviter Nubis à partager notre repas, mais il ne pouvait pas. Il était obligé de surveiller son taxi...En fait, partout ou nous allions, il se garait là où il y avait de la place...et distribuait un bakchich aux policiers du quartier! pour être exacte, ce sont eux qui venaient réclamer.
Par la fenêtre du restaurant j'ai photographié la rue commerçante, en face une ruelle jonchée de détritus...Il y en a partout, et le réseau d'assainissement laisse à désirer.
Alexandrie est une ville animée, où il est très dangereux de circuler en voiture. Pour traverser les grandes artères, il faut aussi être plutôt sportif : pas de passages pour les piétons, pas de feux tricolores, des voitures qui s'engagent dans toutes les directions roulant même sur les voies du tram.
Après avoir quitté notre sympathique chauffeur, nous  circulerons longtemps dans des quartiers populaires, ou nous ne recontrerons aucun touriste. Nous étions les seuls européens, nous n'avons pas été ennuyés, pas même dévisagés. Nous n'avons pas vu de mendiants, j'appréhendais beaucoup cela...                          Mon mari regardait là encore pour s'acheter des chaussures, mais les prix en égyptien c'est coton aussi; il a renoncé assez vite.
Le matin, nous nous étions arrêtés au marché aux poissons. Des produits très frais, rien à dire de ce côté là...mais le marché en lui-même était un gigantesque cloaque qui épouvanterait tous les fonctionnaires des services d'hygiène...Même chose plus tard en voyant un boulanger qui faisait refroidir ses pains à même le capot d'une voiture.
Au tout début de la matinée, Nubis va nous faire visiter la Grande Mosquée. Elle a été construite à la fin du XVIIIème siècle.
Mon mari et moi entrons d'abord ensemble par une première porte. Nous nous déchaussons. Mon mari, naïf, veut laisser ses chaussures sur le trottoir (dialogue "il faut déposer nos chaussures à l'intérieur!" ..."Mais non penses-tu!!!" ??????...S'il a envie de rentrer en chaussettes le soir au bateau, il n'a qu'à s'obstiner!!! Dans un pays si pauvre, des chaussures peuvent attiser la convoitise...Nous les confions donc à un portier qui va demander un bakchich...Nous remettons nos chaussures pour nous rendre un peu plus loin, toujours dans la Mosquée...une entrée pour les hommes....une entrée pour les femmes...chaussures ôtées, et je retrouve mon mari à l'intérieur de l'édifice...C'est vaste...Bien sûr en sortant le nouveau gardien de chaussures va encore nous demander un pourboire...Des hommes sont couchés à l'intérieur de la Mosquée et dorment...Nubis va m'indiquer un dispensaire avec des médicaments à l'entrée de la porte pour femmes, et en dessous de la Mosquée une porte, c'est un dortoir qui accueille les nécessiteux. Je suppose qu'en Egypte il doit être très difficile de recevoir des soins et qu'il n'existe pas de structures pour les SDF, donc la Mosquée prend la relève. A méditer! Je me demande si certaines belles et riches paroisses (ou les gens sont super-bons chrétiens) Saint-Nicolas du Chardonnet par exemple, sont capables de s'investir dans ce sens... La religion est-ce l'apparat, les ors, la messe en latin, les paroissiens étriqués et les Bibles recouvertes du plus fin cuir ou est-ce le sens du partage, la main tendue à ceux qui sont dans le besoin?
En sortant de cet important lieu de culte nous visitons la ville pour touristes, celle qui offre ses ruines et ses musées, des parcs, de luxueux hôtels.
D'abord le Fort Qaït Bay, construit au XVème siècle à l'emplacement du célèbre phare d'Alexandrie, détruit par un tremblement de terre. Ce fort abrite un musée maritime, sur l'esplanade face à la mer se trouve aussi un très important aquarium. Faute de temps, nous n'avons pas visité ces lieux.
Ensuite, nous découvrons depuis la rue, les ruines d'un amphithéâtre romain. Ici, le problème est le même qu'en Italie ou en Grèce, dès que l'on creuse un peu pour effectuer des travaux, on découvre des ruines;
et puis nous nous dirigeons vers les Catacombes que nous visitons. Archéologiquement parlant cette visite est intéressante, elle va s'avérer aussi assez folklorique.
Nubis nous dépose devant l'entrée des Catacombes. Il ne peut nous accompagner, il doit veiller sur son taxi. Il nous remet des devises égyptiennes pour que nous puissions payer l'entrée. La caissière n'est pas très aimable (je pense à "La Postière" de Pierre Perret, version égyptienne bien sûr!). A l'entrée aussi, un homme en uniforme qui va se saisir de mon numérique et le déposer en consigne à la caisse. Je ne comprends vraiment pas pourquoi, il est interdit de prendre des photos, alors que j'ai pu le faire partout ailleurs, sans problème, sans me cacher...Je ne discute pas...Dans la cour des sarcophages, des sortes de chapelles. Nous avançons vers le fond de l'enclos où se trouve l'entrée. Un guide nous fait descendre très profond dans une sorte de puits. Il va commenter la visite en anglais. Ces Catacombes ont été un cimetière pendant différentes époques. Du temps des Egyptiens, on y préparait les momies, et les familles se réunissaient pour rendre un dernier hommage au défunt et pour y prendre un repas d'adieu. Puis à l'époque romaine, des corps y ont aussi été déposés. Le guide nous parle de l'empereur Caracalla, et nous montre les ossements de son cheval protégés dans une vitrine. Ce romain, brute sanguinaire, a surtout été l'auteur à Alexandrie d'un carnage . Etrangement, il n'a pas supplicié les chrétiens, mais le sang a coulé dans la ville et dans ces Catacombes. Notre anglais n'est pas assez bon pour que nous comprenions toute l'histoire rattachée à ces lieux. Notre guide fait  très honnêtement son travail, nous donnant le maximum d'explications. La campagne de  fouilles n'est pas achevée, il reste encore à découvrir et exhumer. Les momies découvertes ont été acheminées vers le Musée du Caire... La visite est terminée, le guide reçoit sa gratification et nous remontons à l'air libre. Nous sommes à peine sortis qu' un militaire nous hèle. Nous le rejoignons. Cet homme évoque la présence de catacombes "number 2"... Là notre anglais s'avère un peu léger. Je comprends que les lieux vont fermer dans 5 minutes, mon mari comprend lui que la visite durera 5 minutes...Nous échangeons un regard, et nous sommes d'accord l'un et l'autre pour continuer...! Le militaire est content! Il appelle un de ses collègues qui dormait, totalement avachi le béret sur le visage, sur deux chaises de jardin...Sa tenue n'est pas très réglementaire, il est négligé, fripé...Il se lève, en faisant un effort visible, et nous guide vers ce lieu qui attise notre convoitise : ces catacombes N° 2!!!
Le chemin est rétréci par de la végétation (on se croirait un peu dans le maquis) il repousse un buisson pour nous faire passer...Et nous arrivons devant nos catacombes, cela ressemble à l'entrée d'une grotte, d'un souterrain...L'allée est assez large, pas très carrossable et pentue...Hummm c'est étrange ce lieu, pas très touristique... De chaque côté, il y a des détritus, bouteilles d'eau vide, emballages balançés ça et là...Le site semble abandonné...Sur le côté gauche, un panneau déterré, jeté au sol attire mon attention...Oui, mais je ne peux le lire puisque les inscriptions sont en égyptien... (Je suis certaine maintenant, après visite, qu'il était écrit : Entrée interdite - Danger... enfin une information dans ce genre!). Sans entorse, ni chute, ni pierre reçue sur la tête, nous découvrons nos catacombes number 2!!!! Une grande pièce avec des niches numérotées sans les murailles...Et notre militaire-guide, nous présente les différents emplacements avec ce commentaire très intéressant, toujours le même, il n'y a que le numéro qui change : "Momie n° 1", "Momie n° 2"...! Nous sortons de là, bien plus instruits qu'en y entrant...Et il tend la main vers mon mari pour recevoir son bakchich!!! (rires, nous sommes encore tombés dans un attrape gogos, un piège à touristes!) Lorsque nous arrivons dans la rue, nous voyons notre gentil chauffeur, aux prises avec un policier...Il nous confirmera que ce fonctionnaire est allé vers lui, et lui a demandé un bakchich (pratique courante ou tu me donnes un billet, ou je te donne un PV!)...avec son bon sourire et sa philosophie, Nubis nous confiera "C'est l'Egypte!"...Il nous demandera alors si cela est un usage  en France, et je lui expliquerai qu'avec la crise ça se pratique de moins en moins, et que les "backchich" sont réservés à certains métiers...(je mentionnerai les taxis!).
La visite se poursuit, en compagnie de Nubis, à la Bibliothèque,  superbe bâtiment à l'architecture très contemporaine qui est un espace de conférences, un lieu d'expositions. Nous y découvrons des toiles modernes, des poteries contemporaines et aussi un musée des traditions arabes et arts populaires (bijoux, objets, vêtements)
C'est un lieu très agréable, luxueux, vaste et silencieux...
La dernière visite sera pour le Musée National, belle bâtisse occidentale, ancienne ambassade des Etats-Unis...Naturellement ce Musée est implanté dans les beaux quartiers. Là nous y verrons des sarcophages, des momies, des sculptures...
Cette escale à Alexandrie malgré le temps mitigé, a été très agréable et s'est avérée être notre destination préférée. Simplement parce que nous avions un chauffeur sympathique, et que nous nous sommes mêlés à la population égyptienne l'espace de quelques heures. Allant dans des quartiers où nous n'avons rencontré aucun européen (sauf quelques groupes de croisièristes justement au Musée), et dégustant un repas typique. Nous n'avons pas été regardés comme des bêtes curieuses, on ne nous a rien demandé, pas dévisagés, rien de tout cela, et nous n'avons rencontré aucune personne menaçante. Nous étions sur une avenue, je marchais derrière mon mari, venait à notre rencontre une vieille égyptienne, tout de noir vêtue, et en habit traditionnel...Elle a laissé échapper sa canne. Sans un mot, je me suis penchée, l'ai ramassée...Nos mains se sont touchées, nos regards ont plongés l'un dans l'autre et j'ai admiré ce vieux visage tout parcheminé. J'ai esquissé un sourire, et elle s'est confondue en remerciements invoquant sans doute Allah...Autre rencontre...Nous n'avions pas eu de dessert, et depuis la Grèce je rêvais de baklava...Nous sommes passés devant une pâtisserie...Mon mari a sorti deux billets pour acheter des gâteaux....alors le pâtissier a voulu nous remplir un grand carton...nous avons refusé...il a alors dit à sa fille (jeune adolescente) de remplir des sacs ...deux sacs!!! Nouveau refus de notre part...Le boutiquier a alors rendu un billet à mon mari qui l'a offert à la gamine...Grands remerciements là encore, et cette coupure sans doute très modeste (l'euro est 8 x supérieur à la livre égyptienne) a été embrassée par notre vendeuse... Il nous restait encore des billets...Nous avons alors fait une super affaire : mon mari a acheté deux "beaux" cadenas! Ca devient une tradition, nous en avions déjà rapporté un du Maroc...(serait-ce du fétichisme?)...Il nous restait de l'argent... arrêt dans  une sorte de quincaillerie...nous en sommes ressortis avec une mesure en cuivre étamé servant à préparer le café .Nous nous rapprochions du port, lorsque passant sur une avenue, nous avons entendu retransmis par hauts-parleurs dans toute la ville l'appel à la prière...Nous avons offert notre sacs de gâteaux aux enfants de l'aumonerie d'une église Copte-Orthodoxe qu'on nous a permis de visiter...
Le navire est reparti quelques heures plus tard pour deux jours complets en mer avant de mouiller à Civitavecchia.

La visite d'Alexandrie sur les pas de Nubis



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Araucaria 31 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine