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C.H.I.C.A.G.O (Spécial Une Fille)

Publié le 29 août 2009 par Didier T.
C.H.I.C.A.G.O (Spécial Une Fille)
C.H.I.C.A.G.O (Spécial Une Fille)
Le Boeing de United Airlines était sèchement chahuté par les vents contraires depuis quelques longues minutes nous avions commencé notre descente vers O’Hare l’aéroport de Chicago et j’étais impatient de découvrir comment avait été refait cet aéroport dont je gardais le souvenir d’un énorme bâtiment, vieux, sale, mal éclairé où les correspondances obligeaient à de longs parcours où la présence de nombreux escaliers interdisait d’utiliser les caddys à bagages.
En cette fin septembre, le vol est complet et l’on sent dans la cabine une tension certaine chez les habitués dès que l’avion est chahuté, se comportant comme un bouchon flottant sur ce torrent impétueux qu‘est le blizzard naissant à l‘approche de l‘hiver. Après moult sursauts, nous survolons le lac Michigan et approchons Chicago par le sud, face au vent. Trop tard pour s’émerveiller du ski line de cette ville magique. Quand l’avion roule enfin sur la piste, les applaudissements des voyageurs en disent long sur leur soulagement.. Je risque une blague en suggérant qu’avec Air France nous aurions fait le même voyage en évitant les routes de montagne… Le regard courroucé de mes voisins américains me conduisit à rectifier et excuser le pilote qui selon moi avait dû faire partie des anciens as de la RAF qui cassaient du bois à chaque atterrissage… Ambiance feutrée garantie lors du débarquement…
O’Hare était devenu un gigantesque aéroport, ultra moderne, lumineux et facile à utiliser. C’est en bout de piste que nous trouvions la voiture de location qui avait été réservée depuis la France, nous baissions la tête à chaque passage d’avion tellement ceux-ci rasaient l’espace où les véhicules étaient garés.
Direction, Chicago centre ville, notre hôtel était sur la fameuse Michigan avenue, à quelques mètres du célèbre immeuble du Chicago Tribune le long de la Chicago River. Cette rivière verte, dont le cours avait été artificiellement détourné afin d’en éliminer la pollution s‘enfonce dans les anciens quartiers industriels transformés depuis quelques années en quartier d‘affaires.
Nous étions venus pour participer au salon du tourisme d’affaires qui se déroulait au Mc Cormick Center sur le bord du lac et faisions partie de la délégation française dont tous les stands étaient regroupés en un seul lieu bien visible et très fréquenté.
Le soir de notre arrivée, dans la salle de billard de l’hôtel, je rencontrai mon copain directeur de l’office de Tourisme de Londres qui était à Chicago pour les mêmes motifs. Il me proposa une petite virée dans Chicago by night à partir de 22 heures en m’assurant qu’il connaissait la ville comme sa poche et me demandant de m‘habiller « cool ».. J’acceptais de le rejoindre dans le lobby et de l’accompagner dans ce qu’il appelait « un plongeon dans l’histoire de la ville ». Je croyais qu’il faisait allusion à son passé de maffieux qui marqua la cité des années durant à l’époque de la prohibition et ne jugeais pas utile d‘en tenir compte pour changer ma garde-robe.
En fait, le projet de mon petit camarade était tout autre. J’avais eu du mal à le reconnaître car ce dandy toujours élégamment vêtu, tiré à quatre épingles car représentant ce que l’Angleterre chérissait le plus, était tout de jean habillé et portait même une casquette de marin. Déguisé ainsi, il m’indiqua que, cette fois, nous ne nous déplacerions qu’en taxi, laissant nos véhicules de location au garage. Sur ce, il donna une adresse au chauffeur et je me laissais emmener vers une destination inconnue.
Nous avions laissé Sears et Hancock Towers depuis longtemps, et roulions vers l’est, traversant des banlieues mal éclairées quand le taxi quitta la grande rue et s’engagea dans une venelle peu accueillante. Nous étions arrivés à destination : un bar à musique anonyme, perdu au sein d’un quartier noir. Après négociation, il fut convenu que le chauffeur de taxi, un noir, reviendrait nous chercher dans deux heures.
Le bar à musique réunissait une vingtaine de tables devant une petite estrade qui, pour le moment, était vide; la salle elle-même étant quasiment déserte. Trop tard pour repartir, il nous faudrait attendre deux heures en espérant que le chauffeur de taxi tiendrait parole…
Tout à coup, une dizaine de consommateurs arrivèrent en même temps et s’installèrent dans un joyeux brouhaha, commandant des bières au serveur et finissant d’ingurgiter d’énormes big-mac sortis de sacs en papier gras. Manifestement, ils sortaient du même endroit et houspillaient le technicien qui, comme par hasard, venait d’arriver et commençait à vérifier les branchements sur la scène où une batterie accompagnée d‘un haut-parleur et d‘un micro sur pieds attendaient.
« Hey ! Morning everybody, welcome in C.H.I.C.A.G.O » lança vigoureusement un grand gaillard armé d’une guitare. Il séparait bien les lettres du nom de sa ville « si; hetch, aie ,si, hé, ji, ho » et entonna une chanson dont Chicago était le titre. C’était le début d’une longue soirée où la guitare de Magic Slim allait nous embarquer dans les souvenirs d’amours interdits, de filles en fleur et en pleurs, de coups distribués aveuglément, de longs silences d’où le blues exhalait son fétide parfum de mauvais souvenirs.
Ravitaillé par un barman aux petits soins, Magic nous invitait à partager ses doutes, ses peines mais aussi ses joies toutes simples d’aimer ou d’être aimé dans cette ville où rien ne rappelle les douces soirées chaudes du Sud profond, les plaines du Missipi, les champs de tabac de Caroline ou de coton de Georgie. Comme dans un train filant vers une destination inconnue, nous étions capturés par ces scénettes de la vie quotidienne racontées avec talent et rythmées par la voix grave et les accents furieux d’une guitare électrisant toute la salle.
Alors que Magic se servait un nouveau verre de bourbon, une grande fille noire aux allures d’athlète sur-vitaminée nous proposa des cassettes audio de Magic et s’étonnant de mon accent, monta sur la scène et demanda à l’assemblée réunie d’où ses membres étaient originaires. Tout le monde était américain et venait d’Etats différents, nous étions les seuls « étrangers » ! Alors la fille en question vint s’asseoir à côté de nous et après avoir partagé un gin soda nous invita à la suivre au moment même où Magic la remerciait publiquement d’être venue l’écouter et le soutenir. On comprit alors que cette inconnue était la fille de BB.King, cette Shirley qui disputait à Lucille sa célèbre guitare le titre de « daugther of the Blues« , et qu’elle devait aller se produire dans un autre bar.
Le taxi qui nous attendait nous emmena donc tous les trois vers un autre bistrot tout proche et là notre chanteuse nous présenta à l’assistance en disant qu’elle s’était trouvé des boy-friends venus d’Europe.
Combien de temps dura sa prestation ? Je ne saurais le dire. Sa voix forte nous berça un long moment et j’en oubliais la gêne que m’avait causé ma tenue en costume et nœud papillon qui cadrait mal avec la population rencontrée.
Trois heures du matin, une dizaine de boissons plus tard, la tête pleine de blues et Lady King sur les genoux, j’essayais de convaincre mon petit camarade de regagner nos pénates. Il éclata de rire car depuis longtemps le taxi était rentré et nous étions à la merci de notre nouvelle fiancée.
Quand dans sa voiture qui ressemblait à une épave, elle nous déposa devant le lobby du Palmer House, un des plus beaux hôtels de Chicago, elle nous regarda soudain silencieuse et nous dit que oui, nous pourrions dire en rentrant chez nous que nous avions effectivement bien visité la ville puisqu’on en avait fréquenté les extrêmes. Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu

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