Magazine Journal intime

Ce qu’il reste

Publié le 26 février 2009 par Vanyvan

Article paru le 15 octobre 1999

Corbeil-Essonnes, au bar des gars d’IBM sur la nationale 7.

D’ordinaire, à l’heure du déjeuner, le Narval fourmille de salariés de la boîte d’informatique voisine. Là, pas un chat. Le 20 septembre, une des grèves en cours depuis le mois de mai a dégénéré et deux salariés ont été blessés. Le 1er octobre, le tribunal de grande instance de Nanterre a demandé la suspension de la mise en ouvre du plan social. On comprend dès lors la désertion des salariés d’IBM. Ils sont tous dans la boîte, réunis en assemblée générale. Dans un coin, Annie Sommer, fonctionnaire, sirote un café. La quarantaine, petite, brune, avec un front grave mais des yeux rieurs. Elle dit qu’elle est ” un électron libre de la gauche plurielle “.

Un pied côté PC par fidélité à ses amours de jeunesse, l’autre chez les Verts ou le PS au gré de ses convictions. Après deux décennies de militantisme dans la cellule de Corbeil, Annie ne veut plus s’engager ” par devoir “.

“Le militant, à force de regarder au loin, ne voit parfois plus très juste, il ne parle plus la même langue que les autres. ” Et elle ajoute : ” Le changement radical de la société, les gens ne sont pas prêts à l’entendre parce qu’ils ne sont pas capables de le comprendre. Oui, il faut cheminer avec eux, mais en partant d’où ils sont. ” Si elle n’envisage pas de renoncer à son ” idéal “, Annie se veut davantage pragmatique. ” La loi Aubry a le mérite d’exister, mais elle ne va pas assez loin “, lance-t-elle.

Dans la mairie où elle anime le journal interne, elle bataille pour les droits des employés. ” Quand je vois Michelin et IBM qui licencient en gros alors que, dans la fonction publique, on ne crée que des emplois-jeunes, ça me désole. Les postes hors statut, sous-rémunérés et à durée déterminée, ça suffit ! ” En pointillés, on devine aussi l’angoisse d’une mère dont les deux enfants, qu’elle élève seule, aborderont dans quelques années le marché du travail. ” Je gagne 8 000 francs par mois : si on ôte le loyer, ça fait moins du RMI pour nous trois. ”

Une raison pour aller manifester samedi ? ” Si je n’étais pas hospitalisée ce jour-là, je pense que j’y serai allée. Il faut réapprendre à politiser nos colères. ”


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