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Un autre plaisir de la Lozère : la brocante du samedi matin

Publié le 10 septembre 2009 par Francisbf

Un autre plaisir de la Lozère : la brocante du samedi matin

crédit photo : Sylvain Nodin

J'ai un aveu à vous faire.

J'ai beau être parisien, aimer ma capitale, ses cinémas, ses grandes enseignes culturelles, ses boutiques de BD ouvertes jusqu'à minuit, son métro et sa richesse olfactive, mes origines sont provinciales.

Lozériennes, plus précisément. Ce qui implique une chose : les vacances en Lozère.

Et j'aime ça. J'aime batifoler dans les ruisseaux à truites, sortir de la voiture pour écarter les vaches de la route, pêcher les têtards, traquer la girolle et médire du voisinage.

Mais plus que ça, j'aime les brocantes du coin.

Parce que ça n'a rien à voir avec l'entrepôt du bout de la N20, tenu par un antiquaire et bourré de meubles dorurés d'époques de rois dont je n'ai jamais entendu parler et qui ont nécessité chacun l'éradication d'un gros bosquet en Asie du Sud-Est, et de sofas où l'on peut imaginer que se sont vautrées un nombre infini de courtisanes lascives à la peau blanche comme la neige et aux lèvres rouges comme le sang, le tout avec des prix comprenant plus de zéros que mon compte en banque.

La brocante de village, c'est un assortiment foutraque de stands tenus par des professionnels du coin, venus avec leur camionnette et leur petit chapiteau de protection, et de gamins assis sur le rebord de la fontaine qui vendent sur un tapis trois bouquins de Martine, un Club des cinq, des cassettes vidéos de films Disney inconnus et des peluches poussiéreuses.

Ca a beau ne remplir que deux rues et une placette, on peut facilement s'y perdre. Enfin, perdre les gens avec qui on y est allé (sauf s'il pleut, là on se retrouve au bistrot).

Parce que c'est facile de s'immerger totalement dans la contemplation d'une collection hideuse de dauphins en porcelaine irisée, d'un assortiment d'outils rouillés à l'usage incertain (c'est fou la quantité des trucs qui ont été inventés avec un manche en bois et un bout de fer tordu au bout), dans le feuilletage d'une caisse remplie de Paris Match des années 60 ou de Brigade des Moeurs.

Facile de s'embourber dans une conversation avec un vieux vendeur à l'accent du terroir sur l'usage d'un couteau de vigneron ou d'un pressoir à raisin, surtout quand on est accompagné par des mômes curieux et insatiables.

Alors on se perd, on tourne en rond, on va renifler le stand du vendeur d'aligot, on va se faire peur en regardant un jeune type au crâne rasé malingre en treillis qui explique qu'il a toujours été « fasciné par les choses de l'armée » au moustachu qui vend des surplus américains, vieilles godasses, casquettes kaki, gourdes cabossées et autre veste de chasseurs alpins, on s'agenouille pour vérifier si il y a bien une épée planquée dans le corps des cannes, on farfouille dans des boîtes où se mélangent des paquets de fusibles, des vieilles pièces, des pin's, des briquets publicitaires, des boutons, des clés et des porte-clés, on feuillette les albums de cartes téléphoniques et les boîtes à chaussures remplies de cartes postales coquines sous plastique, on demande le prix des faucilles pour offrir au mariage du couple d'amis communistes le mois prochain, on ouvre grand la bouche, et on repose délicatement en disant « je vais réfléchir » sans regarder le vendeur dans les yeux.

On va un peu plus loin, on observe les tables couvertes de voitures Majorette, on retombe sur les gens qu'on avait perdus en train d'acheter une cloche pour vache, on demande « mais à quoi ça va te servir ? », et généralement, l'autre ne sait pas quoi répondre.

C'est ça qui est beau : on n'achète que des trucs inutiles. Un ange en fonte à fixer à la porte, parce que peut-être un jour on le fixera à une porte et qu'il est pas cher. Des pellicules Super-8, parce que peut-être un jour on trouvera une caméra Super-8 à la brocante et que c'est pas cher. Des figurines Action Man parce que quand on appuie sur le bouton dans le dos, il donne des grands coups avec sa jambe et qu'elles sont pas chères. Une peluche qui parle et une tête à coiffer, parce que ça fera des cadeaux rigolos et que c'est pas cher. Des fois, une BD parce qu'on la cherche depuis longtemps et qu'elle est pas chère.

Puis on retourne chez soi, et on montre ses achats à tout le monde, tout le monde se moque parce qu'on a dépensé de l'argent pour des trucs qui servent à rien et qu'on oubliera en partant, et on se fâche, on râle, on va bouder aux toilettes, puis on redescend mettre la table parce qu'on est vingt ce midi et qu'il y a de la soupe au pistou comme la faisait Margot, et les vacances finissent, et on oublie complètement ce qu'on avait acheté avant de le retrouver l'année suivante.

Et c'est bien.


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