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Maison d'arrêt...

Publié le 13 septembre 2009 par Araucaria
Continuons un peu avec Philippe Claudel :
"La prison était une maison d'arrêt : la maison d'arrêt est la prison la plus variée et la plus mouvante. Elle est très différente des centres de détention ou des maisons centrales dans lesquels les détenus savent à quoi s'en tenir puisqu'ils y viennent une fois leur condamnation prononcée. A la maison d'arrêt, les détenus restaient quelques jours ou quelques années. Les prévenus côtoyaient les condamnés. Certains y étaient incarcérés pour des vols de scooter, d'autres pour des triples meurtres. Beaucoup ne savaient pas combien de nuits ils dormiraient encore dans les cellules vétustes dont les carrelages et les murs s'écaillaient. Aucun ne pouvait circuler librement dans l'enceinte de l'établissement. Chaque geste devait au préalable être autorisé par un gardien. Chaque participation à une activité devait faire l'objet d'une demande écrite. L'administration n'avait pas l'obligation de motiver son refus éventuel. Par le fait, elle le motivait rarement."
(...)
"On ne devrait pas dire "gardien de prison" : les prisons ne sont pas à garder, ce ne sont pas elles que l'on garde. On devrait plutôt dire "gardien d'hommes", ce qui serait plus proche de la réalité. Gardien d'hommes, un drôle de métier."
(...)
"Alain D. et Romuald W. avaient vécu dans la même cellule pendant un peu moins de deux ans. Lorsqu'ils sortirent, ils quittèrent chacun leur compagne et continuèrent à vivre ensemble, dans un petit appartement du quartier Saint-Nicolas. Leur homosexualité de circonstance avait fini par se transformer en sexualité d'habitude ou bien en amour véritable."
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"Un mineur surnommé Gore-Tex - parce que "Moi, Prof, j'suis étanche!" - me dit qu'il allait bientôt partir pour le Burkina Faso, dans le cadre d'un programme de réinsertion par les vacances et les loisirs, et que là-bas, tous les jours, il irait à la mer : "La vie de Pacha, Prof!" Sa déception quand je lui montrai sur la mappemonde ce pays d'Afrique sans mer et sans plage. Géographie des rêves."
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"Passer sous le porche sur lequel on lisait : "Maison d'arrêt". Un drapeau tricolore s'y usait et s'y délavait. Franchir la première porte au-dessus de laquelle un oeil vidéo vous regardait. Décliner son identité. Donner ses papiers. Ouvrir son sac. Déposer dans un bac tous les objets métalliques que l'on portait sur soi : clefs, pièces de monnaie, montre, collier. Passer sous l'arc magnétique du détecteur. Lorsqu'il sonnait, recommencer, chercher ce qui pouvait bien provoquer son déclenchement. Les femmes avaient alors droit souvent à quelques plaisanteries : "Vous avez une culotte en fer?" "Ca doit être le stérilet!" Certaines en riaient.
La fille d'un des directeurs de la prison partait chaque matin à l'école, en franchissant toutes les portes, une à une, avec son gros sac sur le dos, ses douze ans, son air triste et ses joues pâles de petite fleur de serre. Clélia Conti."
(...)
Philippe Claudel - Le bruit des trousseaux - Le livre de poche n° 3 104

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