Magazine Journal intime

Rapports humains...

Publié le 14 septembre 2009 par Araucaria
"La politesse profondément humaine de quelques gardiens qui ne tutoyaient jamais les détenus, ne les insultaient pas, les appelaient  "Monsieur", sans ironie ni affectation."
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"Un policier passait les menottes et les entraves à un détenu avant de l'emmener en audience au tribunal. Le détenu lui demanda pourquoi il lui mettait menottes et entraves. Le policier répondit que c'était lui qui décidait, qu'il faisait ce qu'il voulait, et que s'il avait envie de le mettre à poil il pouvait le faire. Il termina en demandant : "Compris?" Le détenu lui dit qu'il avait compris. Il ajouta qu'il demandait cela gentiment, sans penser à mal. Il essaya de plaisanter aussi. Le policier ne répondit plus rien. Cliquetis."
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"Ce maire d'une commune de vingt mille habitants, incarcéré pendant près d'un an et qui passait son temps en cellule à diriger les affaires de sa ville. Lorsqu'il se déplaçait sur les coursives, il avait toujours d'épais dossiers sous le bras. Sa seule concession à l'univers carcéral avait été de troquer le costume et la cravate pour un survêtement bleu turquoise. Son moral inattaquable. Sa prospérité cinquantenaire. Les brimades de bien des surveillants à son encontre lorsqu'il revenait de parloir et qu'ils le faisaient déshabiller entièrement et le soumettaient toujours à la fouille complète."
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"Je me souviens de ces deux surveillants accueillant un détenu qui revenait des assises, et qui, sonné par le verdict qui l'avait condamné à dix-huit ans d'emprisonnement, avançait comme un automate. Ils l'entouraient et lui parlaient avec une douceur dont peut-être l'équivalent est à chercher dans celle que l'on trouve chez une mère parlant à son fils qui pleure. Les deux gardiens murmuraient des mots simples, des mots de réconfort. Ils tutoyaient le détenu et leur tutoiement était alors la plus grande preuve de leur bonté."
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"Florent T., jeune juge d'instruction, que j'avais rencontré lors d'une soirée chez des amis, me désignant de sa flûte à champagne le bâtiment de la prison que l'on devinait au loin, dans la nuit, par-delà les toits de la ville, et me disant avec un sourire heureux, le sourire du métier bien fait : "Il y en a une paire qui dorment là-bas grâce à moi!"
Philippe Claudel - Le bruit des trousseaux - Le livre de poche n° 3 104

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