Magazine Journal intime

Me aquerdo

Publié le 16 septembre 2009 par Lephauste

Tu vois, me dit-il, alors que je le rejoignais, par la pensée sur un bord de mer d'où son père s'était retiré depuis longtemps. Son père qui entre l'Athos et Fécamp avait tracé un sillage de couleurs jamais étreintes, malgré la pâleur étranglée de ses mains. Je crois qu'il n'y a plus de lointain. Je crois qu'en me retournant je n'en verrais pas plus que si je tentais de tordre la ligne d'horizon pour en faire jaillir le cri d'un quelconque demain. Tu vois, je ne me souviens de rien. Je crois qu'il n'y a pas plus loin à voir que ce que je porte encore, le poids de mes semelles dans le sable, la remontée d'écume qui en exsude dès que je presse un peu pour faire mine de m'en dégager. Il avait, sans le voir je le savais, ce sourire d'épine qu'on s'accroche au revers quand on va voir les filles, et que l'on prend pour rose, la balafre de leur prénom. Il avait la douceur du tranchant de son âge. L'âge exact où il est permis de ne plus se souvenir de toutes les fables dont on aimerait bien que vous les preniez pour le sel de la vie. Tu vois, me dit-il encore, j'ai trop pris la fadeur des souvenirs pour modèle de saison, j'ai trop aimer sans l'être. J'ai tant peins le dedans que je ne reconnais plus les contours du monde, qu'il n'y a plus une ligne que je puisse tracer sans me dire : Est-ce cela la frontière du palpable ? Est-ce au dehors de ça que se voit ma maison ? Faut-il que la toile dise une porte ? Faut-il que la porte soit une porte pour que la toile vive ? Faut-il à toutes fins désigner?

Je l'écoutais. Il y a une lumière ici, me disait-il. Et j'apprends à ne me souvenir de rien. Je suis au monde comme l'empreinte du soleil sur la vague. Je suis le vent qu'aborde la falaise. Je suis l'étreinte roulant à l'étrave de mon age. Je suis, enfin, sans que quiconque puisse venir et me dire : J'ai fait ce que tu es.

(Pour Guillaume Auger)


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