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Prenez garde à la fermeture des portes.

Publié le 18 septembre 2009 par Sophielucide

La réunion avait duré moins d’une heure mais la Marte restait sur sa faim. Elle avait congédié un peu trop rapidement sa bande de loosers dégénérés comme elle aimait les appeler et, à présent, encore excitée par son propre laïus, elle n’avait pas le cœur à replonger dans ses fades dossiers. Elle se rendit donc dans le cagibi de Malo qui comprit immédiatement qu’il n’échapperait pas à ses sombres lubies.  Elle avait fermé la porte derrière elle, ce qui n’était pas dans ses habitudes, s’était approchée de son valet et lui avait délicatement retiré ses lunettes avant de s’emparer, telle une cannibale affamée de ses lèvres gercées.  Il s’était laissé faire, comme toujours. Le scénario de leurs fugaces ébats paraissait gravé dans le marbre.  Elle retroussait sa jupe, posait ses fesses molles sur le petit bureau bancal, dégrafait les trois premiers boutons de son chemisier et donnait le signal du départ : «  Au rapport, Malo ».

Il s’exécutait, elle exultait et c’était à peu près tout.
Dix minutes plus tard, elle le toisait en ajustant son tailleur, lui, baissait la tête, tel un enfant pris en flagrant délit de gourmandise et elle se retirait, laissant cette fois, la porte grande ouverte derrière elle.
Alors, toujours selon le même scénario immuable,  Malo secouait la tête, allait fermer la porte, retournait à son bureau, ouvrait le seul tiroir fermant à clé et sortait son petit carnet.  Il commença par relire ses dernières notes datant du trimestre dernier.

Rapport n°40 : aujourd’hui, N a accepté que j’effleure de mes mains son sein droit ; impression étrange de tenir pour la première fois cet « objet » insaisissable, qui semble se dérober de lui-même, qui s’échappe. Aréole presque invisible, légèrement rosé, impossible à goûter. Téton d’une rigidité qui m’a quelque peu affolé. Son sein droit est donc à son image, d’une dureté qui ne fait que cacher une mollesse inavouée. Néanmoins, je progresse et j’ai senti ce jour une faiblesse inédite adoucir les traits de son charmant visage lorsqu’elle a prononcé mon nom. Quand donc comprendra-t-elle qu’elle est faite pour moi ?

Malo sourit tristement avant de rédiger la suite de ce journal intime, sans s’apercevoir qu’il sortait machinalement sa langue, comme pour mieux se concentrer dans  la tâche qu’il se fixait de consigner dans les moindres détails l’avancée laborieuse d’une passion bégayante.

Rapport n°41 : encore le sein droit ! Une tape sur la main quand j’ai tenté d’atteindre son jumeau interdit. Elle va me rendre fou. Je la connais assez pour deviner son désir pourtant, dès son arrivée le matin. Aussi ai-je eu le temps cette fois de me préparer mentalement et je crois avoir été à la hauteur si j’en juge par son regard où j’ai lu un étonnement aussitôt réprimé. Elle a parlé aussi, encore une nouveauté dans nos jeux inédits.  « Malo, le clito » a-t-elle prononcé d‘une voix rauque avant de s’agripper de toutes ses forces à mes cheveux qu’elle a cependant caressés, j’en suis certain. Ce n’est pas une vue de l’esprit, ma maîtresse s’attache à moi, son esclave consentant. Je l’aime.

Il attendrait encore que les locaux se soient vidés de leurs occupants pour se rendre dans le bureau de la Marte, à la recherche du moindre objet parlant d’elle. Il étouffa un petit cri lorsqu’il aperçut son foulard beige profiler une ombre mouvante sur le mur. Elle avait encore oublié d’arrêter la clim, ce qu’il fit à sa place avant de s’emparer du petit carré de soie, qu’il ficha en pochette sur son veston élimé. Elle l’avait certainement laissé à son intention ce petit bout de soi, car cela faisait bien longtemps qu’elle ne s’émouvait plus des quelques rares objets disparaissant de son bureau. Quelle délicate attention ! «  Merci, ma chérie », murmura-t-il avant de disparaître.


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