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20 septembre 1971/Mort de Georges Séféris

Publié le 20 septembre 2009 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours


     Le 20 septembre 1971 meurt à Athènes le poète grec Georges Séféris.

     Né à Smyrne le 29 février 1900, de son vrai nom Giorgios Stylianou Seferiades, prix Nobel de littérature en 1963, ambassadeur à Londres de 1957 à 1962, Georges Séféris est considéré comme l’un des plus grands représentants de la poésie contemporaine. Ses Essais, traduits en français sous le titre Essais : Hellénisme et création réunissent l’ensemble de ses conférences et publications sur la création poétique. Le poème La Citerne, publié en 1932, sera suivi d’un silence de trois années. Avec Mythologie, recueil publié en 1935, s’ouvre une nouvelle voie, consacrée à la « Nouvelle Poésie » en Grèce.

     Au cours des années itinérantes en Méditerranée, Georges Séféris, marqué par le drame qui se joue dans l’île de Chypre, poursuit l’écriture du Journal de bord, entrepris dès les années 1940-1945 (I et II). Le troisième tome paraît en 1955. Après les Trois poèmes secrets, publiés en 1966, Georges Séféris, en rupture de ban avec le régime dictatorial en place, se refuse à publier d’autres œuvres. Sur les Aspalathes est son ultime poème, composé quelques semaines avant sa mort. Il est daté du 23 août 1971.


SUR LES ASPALATHES *

Il faisait beau à Sounion
ce jour de l'Annonciation
De nouveau le printemps.
De rares feuilles vertes
autour des pierres couleur de rouille,
la terre rouge et les genêts épineux,
leurs grandes aiguilles et leurs fleurs jaunes.
Au loin les colonnes du Temple
cordes d'une harpe, elles résonnent encore...
Tranquillité.
Qu'est-ce donc qui m'a rappelé cet Ardiée de la légende ?
Un mot dans Platon, je crois,
Égaré dans les creusets de l'esprit :
le nom du buisson jaune n'a pas changé depuis ces temps-là.
Ce soir j'ai retrouvé :
"Mains et pieds,
ils l'enchaînèrent, nous dit-il, le jetèrent à terre
et l'écorchèrent. Ils le tirèrent de côté
le long du chemin et le cardant sur les genêts épineux
le précipitèrent dans le Tartare : une loque."


Georges Séféris, in Jacques Lacarrière, L’Été grec, Plon, Collection Pocket, 1975, page 396.


* Les aspalathes sont des genêts épineux. Ce poème, écrit sous le régime fasciste des colonels, est une claire allusion au sort que le poète espère pour les nouveaux tyrans de la Grèce. Il a été inspiré par un passage de Platon, La République 616a.


LORAND GASPAR, traduit par Georges Séféris

Extraits de Le Quatrième État de la matière

Ἰδoύ τά χέρια
Βάλε τα σ'ἓνα σύντομο τράνταγμα τοῦ ορμοῦ σου
μέ μιά γλάστρα βασιλικό
καί τό διάστημα πού σκάβουν τά πουλιά,
ὅταν αὐγή στά νοτισμένα σώματα μας
τά δάχτυλα κρατοῦν ακομη μυρωδιά ρίγανης.

Στό στόμα μου τά λόγια πεθαίνουν ἀπ΄τό κρύο
Στίς μεγάλες χάμαρες τῆς φωνῆς μου τίς άκατοίκητες
Тό ψαφαρό ξανθό τών λόφων
Κανείς δέν ξέρει
Τή μοίρα τῶν χρωμάτῶν ὃταν λείπουν τά μάτια.

̉Ὃλα σταματουν
ἔρημος Δεκέμβρης
βαριά τά μπράτσα.
Τό φῶς πάνω στά χερια μας άπόζητά τόν έαμυτό του
Καί ξαφνιχά τά πάντα εῖναι φτερό
Пετάει χανείς άνάστροφα σάν τό χιόνι.

Κρατῶ τή ζωή μου ὠσαν
ἓνα χομμάτι ψωμί
Πολύ δυνατά
Τά έκατό γραμμαρια τοῦ αἰχμαλωτου
Συγνά τόσο πεινῶ
Пού μόλις ἓνα ψύχουλο άπομένει
Кαί τά πράγματα χρωματίζουναι
Ἀπό φόβους έξαίσιους.

Traduit du grec par Georges Séféris


Voici des mains
Pose-les dans une brève secousse de ton corps
avec un pot de basilic
et l’espace fouillé des oiseaux,
quand l’aube sur nos corps mouillés
les doigts sentent encore l’origan.

Dans ma bouche les mots crèvent de froid
Dans les grandes chambres inhabitées de ma voix
Le blond friable des collines
Personne ne sait
Le destin des couleurs en l’absence des yeux.

Tout s’arrête
décembre désert
les bras lourds.
La lumière se cherche sur nos mains
Et soudain tout est plume
On s’envole comme une neige à l’envers.

Je tiens ma vie comme
Un morceau de pain
Très fort
Les cent grammes du prisonnier de guerre
Et souvent j’ai si faim
Qu’à peine il en reste
Et les choses se colorent
De peurs merveilleuses.

Lorand Gaspar, Le quatrième état de la matière (extraits), in Lorand Gaspar, Le Temps qu’il fait, Cahier seize, 2004, pp. 72-73.


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