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De mon balcon à votre salon (souvenirs d’une jeune grand-mère)

Publié le 22 septembre 2009 par La Plume Rousse
Depuis 10 ans, j’habite en appartement sur la rue Sainte-Marie, à Cowansville. En fait, je pourrais presque dire que j’habite dans la rue, tant mon balcon en est près. Au début, j’avoue que cette proximité avec les automobilistes et les passants m’indisposait. Pour moi, qui arrivais de la campagne — peut-être pas la vraie campagne avec les vaches et les moutons, mais du moins, celle où les maisons ne sont pas collées les unes sur les autres —, c’était un choc. Dans mon ancienne rue, il n’y avait que trois maisons. Lorsqu’on entendait une auto, on était presque certains d’avoir de la visite, à moins qu’il ne s’agisse de curieux qui montaient dans la rue « juste pour voir la nouvelle maison ». Pour mes enfants, le passage du camion à ordures représentait un événement; le chauffeur, au fait de la situation, annonçait son arrivée à grands coups de klaxon pour le plus grand bonheur des enfants qui accouraient à la fenêtre afin de saluer le gentil camionneur.
Je déjeunais parfois dehors en pyjama avec, pour seule compagnie, les geais bleus et les gros becs. Plusieurs jours pouvaient s’écouler sans que je rencontre d’autres humains que les membres de ma famille ou mes voisins. Avec le temps, bien sûr, les choses ont changé quelque peu. Mes enfants ont grandi, amenant avec eux la cohorte d’amis qui entrent et qui sortent à tout moment. Le téléphone sonnait bien plus souvent que je ne l’aurais souhaité, et l’heure des repas me tenait bien occupée.
La décision d’ouvrir une garderie à la maison est arrivée tout bonnement dans ma vie lorsqu’une voisine m’en a fait la demande. Cette activité a fait partie de mon quotidien durant cinq belles années. Pendant cette période de ma vie, disons que « La parole était d’argent et que le silence était absent! » On ne peut imaginer à quel point tout ce petit monde emplissait l’air de bruits divers. Il faut préciser que certains de mes petits protégés restaient parfois à coucher quelques jours, en semaine et même le week-end. Pour moi, qui avais souvent rêvé d’adopter des enfants, c’était dans l’ordre des choses. Mes enfants partageaient généreusement leurs jouets et leurs parents avec les petits et les grands invités qui vivaient avec nous, comme l’auraient fait, je suppose, les aînés d’une famille nombreuse : en protestant parfois, mais en abdiquant souvent devant les plus petits. Je reconnais aujourd’hui avec beaucoup de bonheur les belles qualités de cœur que mes enfants ont développées au cours de leur enfance. Ils ont appris à partager, à s’entraider, à s’aimer. Lorsque je les vois travailler ou sortir ensemble à présent qu’ils ont tous franchi la vingtaine, je me sens très heureuse. N’est-ce pas l’un des plus beaux cadeaux que l’on puisse faire à des enfants que de leur apprendre à tisser des liens entre eux et à les maintenir? N’est-ce pas réconfortant de savoir qu’on fait partie d’un clan dont les membres peuvent compter les uns sur les autres?
De mon côté, je me suis doucement habituée à ma vie de citadine, en découvrant les côtés agréables de mon quartier, un jour à la fois. À présent, quand je m’assois sur le balcon, il n’est pas rare qu’un voisin me salue. Je reconnais souvent les gens de loin simplement en observant leur démarche (il paraît que celle-ci est unique à chaque personne). Plusieurs oiseaux fréquentent mes mangeoires et me réveillent en sifflant joyeusement dès quatre heures du matin. Deux fois par jour, les cloches de l’Église Sainte-Thérèse me rappellent gentiment de remercier le ciel pour tout ce que j’ai. Le reste du temps, je m’applique à oublier ce que je n’ai pas. J’essaie de savourer chaque moment qui passe, seule, ou en compagnie de ceux que j’aime, puisque ce moment ne reviendra pas. Serais-je devenue sage? Non, sûrement pas. Je suis encore beaucoup trop jeune pour ça…

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