Magazine Nouvelles

Des cailloux – partie 05

Publié le 05 octobre 2009 par Eleken

La fente noire que formait la porte entrouverte happait le regard de Lornbeck. Quelque chose commença à s’insinuer le long de sa colonne. Pas de la peur, mais plutôt un frisson de mécontentement.

Quelqu’un était venu avant lui. Et ce n’était certainement pas des membres de la police. Il était le seul en charge de l’enquête pour le moment et on avait juste interrogé les voisins hier au soir pour confirmer l’identité du libraire. Il savait qui cela devait être. Le tueur. Il était venu ici. Ce n’était pas un crime fortuit, il en avait la preuve devant lui. Celui qui avait tué le libraire le connaissait suffisamment pour savoir où il habitait et le libraire le connaissait suffisamment pour qu’il eu en sa possession quelque chose que voulait le tueur. Il restait à espérer à Lornbeck qu’il trouva quelque chose que l’autre n’avait pas trouvé.

Sur ses gardes mais d’un pas décidé, il monta les marches. Il ne fallait pas non plus négliger une autre option. Celle que le tueur soit encore dans la maison. Il y avait peu de chance que la maison fut forcée en plein jour, mais comme il n’y avait pas beaucoup de passant ici c’était une possibilité qu’il ne fallait surtout pas omettre au péril de sa vie. Lornbeck n’était pas, loin s’en faut, en état de se battre. Il hésita une seconde à partir pour revenir accompagné, mais cela le priverait peut-être d’une chance d’arrêter l’assassin. Et, dans son esprit d’analyste bien huilé, un court-circuit se produit l’empêchant de prendre la décision la plus sage. Il voulait cet individu, il le voulait pour lui. Il monta la dernière marche, poussa la porte du pied et s’engouffra dans la semi-obscurité de la maison.

Immédiatement à l’intérieur, il se saisit de son pistolet, un Remington un coup neuf qu’il s’est acheté il y a tout juste quelques semaines, un jour qui passait devant une armurerie. Il ne l’avait pas montré à ses collègues car cela n’aurait pas amélioré leur rapport qu’il se fut fourni un américain, quoiqu’il n’en éprouvât aucune honte. Il pensait du bien de ce fabricant dont il avait une carabine depuis de nombreuses années pour partir à la chasse aux oiseaux.

Ce qui le saisit immédiatement fut l’odeur de pourrissement qui se dégageait des murs. Le sol était jonché d’ordures. On aurait dit que cela faisait des années que personne n’habitait plus ici. Le libraire habitait pourtant ici. Le rapport d’un officier qui avait interrogeait les voisins la veille au soir affirmait qu’il sortait tout les matins de la maison pour allait au travail et rentrait tout les soirs ici même. Il s’était tellement attendu à une maison aussi rigoureusement entretenue que l’était sa boutique que Lornbeck restât pantois de longue seconde où il eut été facile de le saisir par derrière. La folie camouflée du libraire laissait libre court ici.

Le gros bonhomme se ressaisit tout aussi vite et avança dans le couloir. Il inspecta soigneusement le rez-de-chaussée qui se résumait à une cuisine vétuste et un petit salon contenant une cheminée. Le canapé poussiéreux indiquait qu’il n’avait pas était utilisé depuis très longtemps, probablement des années. Au-delà de l’ancienneté de la crasse, Lornbeck remarqua tout de suites les multiples traces issues du passage d’un intrus. Les livres de la bibliothèque étaient entassés pêle-mêle sur le sol, un secrétaire était renversé. Il scruta les contenus rependu mais ne distingua rien d’intéressant. Tout les papiers avaient été touchés, tourné, fouillé. S’il avait quelque chose à trouver ce n’était pas ici.

Lornbeck retourna dans le couloir et regarda les escaliers qui montaient à l’étage. Ce dernier était plongé dans l’obscurité. Il raffermit sa prise sur son pistolet et s’engagea dans les marches.

***

Asling couru dans les couloirs humides des égouts pendant quelques minutes. A chaque fois qu’il pensait rattraper le gamin, celui-ci entrait dans un nouveau boyau et il le perdait de vu. Asling commençait à sentir la rage de son sang d’irlandais monter dans ses veines. Le gamin ne répondait pas à ses appels et ce n’était pas sa faute s’il voulait se perdre dans ce dédale poisseux et obscur. La lumière n’arrivait presque plus ici bas. Quelques meurtrières apportaient de la lumière dans cet univers obscur et sans son excellente vue, il serait déjà tombé plusieurs fois.  Deux pensées s’affrontaient dans l’esprit d’Asling, l’une raisonnable, lui intimant de s’arrêter ici et une autre, plus profonde, l’honneur d’un McDigger, aller au bout de ce qu’il a entreprit.

Et puis autre chose. Il se trouvait stupide de continuait dans sa démarche. Il n’était pas responsable de se gamin. Mais malgré ce sentiment d’être un idiot, de se jeter dans la gueule du loup, il continuait à courir après ce gamin. Incapable de le rattraper, incapable de s’arrêter, Asling continuait de courir. Il ne voyait plus rien désormais, ni où il avançait, ni où il courrait. Il ne se rendit pas compte tout de suite qu’il n’était plus dans les égouts. L’écho de ses pas avait changé. Cela brisa la sorte d’emprise hypnotique qui le captivait. Ce sentiment de devoir continuait sa course. Il ralentit le pas. Se rendant enfin compte qu’il était complètement aveugle. Il n’y avait aucune lumière ici. Il s’arrêta, sa respiration s’emballa. Il n’osait se l’avouer, mais il avait peur. Terriblement peur. Il paniquait. Il était seul ici. Dans le noir. Une peur, tapie au creux de son enfance et de ses croyance le saisie à l’estomac. Il était dans un lieu de cauchemar. Un silence de tombeau régnait ici. Une main appuyée sur le roc il scruta la surface de ce monde qui l’emprisonnait. Il ne reconnaissait rien ici.

Après la peur et les premières minutes, il fut submergé par le remord. Il repensa à sa femme qu’il ne reverrait jamais et qui l’attendrait indéfiniment en Irlande. Elle ne voulait pas qu’il parte. Elle ne lui avait pas dit bien sûr, mais Asling le savait. Il le voyait dans les yeux de sa femme. Il l’avait vu clairement. « Ne part pas », « j’ai peur », « reviendras-tu ? ». Asling tomba à genoux. Il était un imbécile, qu’avait-il besoin de partir aussi loin. Il avait cherché l’argent plus facile que celui des champs. Il s’était donné comme prétexte de ramener de l’argent pour sa famille, pour son enfant à naître. Commencer une nouvelle vie moins miséreuse grâce à ce travail. Mais voilà, il était là, l’achèvement de son imbécile entêtement qui l’amenait à cette mort certaine. Il se remémora la veille de son départ. C’était un jour très triste. Gris, couleur du sang, couleur d’un amour qui ne veut pas s’avouer. Même s’il le camouflait, même s’il ne voulait pas le montrer à sa femme, il regrettait sa décision de partir. Mais sa fierté d’irlandais l’empêchait de changer d’avis. A moins que sa femme lui ait demandé bien sûr. Mais elle ne lui a pas demandé.
Quoique cela n’aurait probablement rien changé. Asling était malheureusement comme son père, un imbécile d’irlandais têtu. Alors il est parti. C’était le mieux pour eux deux se répétait-il pour se donner du courage. Pour le futur petit. Il se rappela, et dans le noir Asling se mit à pleurer, au souvenir des yeux de sa femme. De cette impression, son cœur qui se serre, écrasé par la douleur. Il avait su qu’il ne partirait plus jamais après son retour. Tout ceci caché par son visage hirsute d’irlandais. Un visage qui ne montrait rien. Un départ qui avait laissé une cicatrise dans son cœur. Il avait depuis ce jour à l’esprit de repartir le plus vite. Déjà, de trop nombreux mois étaient passés.

Cela faisait déjà un temps infini qu’il s’était arrêté dans les boyaux de la terre. Qu’il était tombé à genoux sur cette terre sèche et poussiéreuse qui n’appartenait pas aux égouts. Il avait abandonné. Il le comprit lorsqu’il distingua une lueur. Il avait abandonné, résigné à finir sa vie ici. Certainement qu’aucun autre homme n’aurait pu la voir, mais Asling avait a contrario de sa déficience pour les couleurs une aptitude dans la nuit qui dominait celle des autres. C’était d’une faiblesse diffuse et tremblante. La lueur d’une bougie, l’irlandais en acquis l’immédiate conviction. Quel était cette créature qui venait habiter ici, au plus profond du corps de la terre.

Asling se releva. Il laissa ses espoirs abandonnés sur le sol. Il faisait froid ici. Il avait froid.

Et il avait peur.

***

A l’étage, Lornbeck avait trouvé ce qui semblait être le bureau du libraire. Pas âme qui vive dans toute la maison mais un fouillis indescriptible gisait sur le sol. Au milieu de ce fouillis, des éclats de bois provenant d’un bureau en bois massif. Quand le tiroir avait finit par céder, son contenu s’était déversé par terre, au milieu des morceaux de bois et d’autres débris. Parmi les divers objets de son contenu, il y avait un cahier à reliure noir. Cela avait tout l’air d’un journal. Assez ancien à en voir la couleur des pages. Mais lorsqu’il l’ouvrit il comprit tout de suite qu’il avait trouvé ce qu’était venu chercher le tueur et aussi, qu’il arrivait trop tard. Un grand nombre de page à la fin du cahier avaient été arrachées sauvagement. La moitié de la couverture s’était déchirait le long de sa couture au passage. Quoiqu’il ait contenu, cette piste s’arrêtait là. Le début du cahier était un journal, peut-être intime, difficile à dire, cela donnait à la fois d’un livre de compte et du rapport quotidien. Cet homme était d’un ennui mortel s’il on esquivait qu’il fut un tueur récidiviste.

Lornbeck jura et cogna du poing sur le bureau, ce qui ne manqua pas de provoquer une longue douleur plaintive dans son estomac qui se diffusa jusque dans sa poitrine. Ce tueur quel qui fut avait une longueur d’avance évidente sur lui. Et il ne lui restait que trois jours déjà bien entamé par sa fouille matinale. L’autopsie ne lui avait rien appris de plausible, la maison non plus, il n’y avait rien d’autre ici que ce journal estropié. Il l’enfourna cependant dans son veston espérant que le tueur aura commis une erreur et, peut-être, omis une information intéressante. De là quelque chose titilla son esprit. Pourquoi n’avoir pas emporté le cahier dans son entier ? Voilà bien une question intéressante, mais comme savoir ce qu’il peut y avoir dans un esprit corrompu par le crime. Où bien c’était le libraire qui avait fait disparaître ces pages et l’assassin était venu vérifier ? Cela ne tenait presque pas plus debout. Si le journal était encore par terre en évidence c’était soit parce que celui qui le cherchait n’avait pas jugé utile de le faire complètement disparaitre, soit qu’il l’avait laissé là à bon escient. Auquel cas, les pages restantes apprendraient peut-être à Lornbeck des éléments intéressant sur la vie du libraire et le sort funeste de sa femme. Il se redressa, jeta un dernier coup d’œil sur la scène et sortit de la pièce sans se retourner.

***

Un peu plus tard, il redescendit les marches menant à la rue et tomba nez-à-nez avec  Alpeed. Lornbeck s’arrêta et interrogea le lieutenant du regard. Que faisait-il ici ?

« Je vous cherchais inspecteur, au commissariat ils m’ont dit que je vous trouverais sans doute ici
- Et bien vous m’avait trouvé, vous avez trouvé quelque chose d’intéressant prêt de la chaudière ? » demanda à brûle-pourpoint Lornbeck qui espérait là un revirement de situation et la découverte d’une nouvelle piste.

« Rien de plus que ce que vous aviez déjà découvert. Il s’agît bien de bouts d’os épart autour de la chaudière. Ce monstre devait brûler les corps dans la chaudière à l’insu de tous. Combien en a-t-il tué comme cela… »

Lornbeck l’interrompit de la main. Un monstre. Ce mot le choquait presque. Quelque chose clochait dans cette définition. Quelque chose qui’ n’avait pas grand-chose à voir avec le libraire. Qu’il fut un tueur ne faisait pas de doute aux yeux de Lornbeck, mais dans ses trippes, il sentait que l’assassin du libraire était la pièce maîtresse de tout ce puzzle. Pourquoi ? Il ne savait guère. Il se trompait peut-être, la piste d’un crime unique n’était pas encore à écarter, pourtant, au fin fond de son esprit logique une idée taraudé son esprit. Il ignorait laquelle exactement, mais il le sentait. Le tueur du libraire occupait une place importante sur l’échiquier de cette enquête. Et lui, simple cavalier blanc, affrontait une pièce inconnue et certainement plus puissante que lui.

Alpeed reprit la parole car il n’avait toujours pas pu fournir à Lornbeck la raison première de sa venue ici. « On a un nouveau cadavre sur les bras. »

Lornbeck baissa la main et écouta avec un intérêt renouvelé le discours d’Alpeed. Un nouveau crime impliquait peut-être une autre possibilité de piste… C’était aussi la confirmation de son intuition. Quelle pièce était l’assassin ? Au mieux c’était le fou, agissant rapidement, sournoisement mais enfermé dans ses propres défaillances… Au pire, c’était la reine, libre de ses actes, vive et capable de la plus grande fourberie, cachée par ses airs, ne devenant une féroce adversaire qu’à l’instant précédant son coup, le rendant mortel dans bien des cas.

« Hier, on avait trouvé le cadavre d’une autre femme dans le quartier de Saint-Paul, à quelques pas du Waterloo Bridge On n’a pas fait le rapprochement tout de suite à cause de l’éloignement géographique, mais il présente des similitudes importantes. La strangulation, une femme forte. Et on a trouvé ça à côté du corps. »

Lornbeck tandis la main pour saisir ce qu’Alpeed voulait lui donner. Un petit objet vint glisser au creux de sa paume. Saint-Paul pas très loin du square Saint-James et pas très loin non plus du marcher aux poissons de Lambeth. Lornbeck passait en revue les lieux à proximité, laissant son esprit le guider dans une direction plutôt qu’un autre. Il fallait que les deux crimes soient connectés, il sentait qu’il trouverait la solution grâce à cette connexion.

Quand il ouvrit enfin la main, il su qu’Alpeed avait vu juste, il su qu’il avait vu juste. Il s’agissait du même tueur.

Dans sa paume.

Un petit caillou noir.

— Eleken,
Et voilà le 5e chapitre après un peu de latence :p


Retour à La Une de Logo Paperblog

Dossiers Paperblog

Magazine