J’aimerais bien qu’on ne fasse pas l’amour ce soir

Je la revoyais régulièrement. Qu’importe qu’elle soit officiellement avec un homme ou pas. Notre histoire passée nous avait laissé deux certitudes : nous n’étions pas fait pour être ensemble, mais nous avions une vraie affinité sexuelle. Généralement convenus au dernier moment, nos rendez-vous se passaient souvent chez moi, autour d’un plateau-sushi. Puis, très vite, comme attirés par des aimants, nous nous enlacions avec ardeur.

Cette fois-ci, elle avait même décidé de dormir chez moi, à condition que je passe la chercher. C’est un effort acceptable pour une nuit de sensualité. Nous avons pris le temps de regarder un DVD, de manger nos sushi, sereins, comme calmés par la promesse de la nuit. Au moment de se coucher, nous nous étions à peine embrassés. Tout juste avait-elle laissé glisser un doigt sur mon avant bras comme un signe discret d’envie.

Quand nous nous sommes retrouvés quasi-nus sous ma couette, je me suis retourné vers elle pour plonger dans cet océan de sensation qui me tendait les bras. Et elle a lâché platement : « J’aimerai bien qu’on ne fasse pas l’amour ce soir ».

J’ai plaisanté pour masquer mon étonnement. Elle était sérieuse pourtant : elle ne voulait pas faire l’amour avec moi.

Les femmes ont toujours de très bonnes raisons de ne pas faire l’amour : la migraine, la contrariété, le fait qu’on ne se connaisse pas assez, le doute, la colère, l’ennui… Mais je n’en vois qu’une de réellement recevable : le manque d’attirance. Pour quelqu’un avec qui on a convenu de se voir uniquement pour combler une attirance insatiable, c’est ennuyeux.

Je me suis allongé sur le dos en soupirant. J’ai réfléchi à son point de vue, à son univers de femme qui lui dictait une envie de tendresse simple et peut-être à son égo qui eut été flatté si j’avais accepté ses conditions. Et puis je me suis retourné vers elle, et je lui ai lancé : « Alors on ne va plus se voir ».
Visiblement contrariée elle m’a demandé pourquoi. J’ai réfléchi longtemps à la réponse en silence : parce qu’on se voit pour faire l’amour ? parce que si l’on est plus attirés l’un par l’autre il n’y a aucun intérêt ?  parce que si tu proposes une nuit chez moi et que tu ne veux pas de moi, tu te moques de moi ? Parce que je peux accepter d’être frustré par une fille avec laquelle j’ai envie de construire quelque chose mais pas par un plan couette ? Et j’ai opté pour une réponse plus simple : « Parce que je n’en vois pas l’intérêt ».

Ce qui a bien sûr immédiatement tourné autour de « Alors il n’y a vraiment que le sexe » et bla bla bla. Fatigué, je me suis retourné et j’ai dormi, finalement libéré d’avoir pris cette décision.

Car fuir la frustration est sans aucun doute quelque chose qui me fait du bien.

Je ne t’ai pas dit ? J’ai décidé d’être heureux…