Magazine Journal intime

L'héroïque pourfendeuse de crottes

Publié le 28 octobre 2009 par Cochondingue
C'est derrière la porte la plus anodine que peut se cacher l'horreur la plus absolue. Au deuxième étage de l'agence, dans les toilettes des femmes, cachée dans les profondeurs sombres de la cuvette, repose une énorme... Merde, j'avais dit que je ne parlais pas de trucs scato sur mon blog... Mais c'est, je crois, un cas de force majeure.
J'ai toujours trouvé ridicule ces affiches de prévention expliquant comment se laver les mains. A la réflexion, maintenant que je suis enfermée seule face à mon pire cauchemar (ne dirait-on pas des flageolets qui flottent à la surface ?) je me dis qu'il faudrait aussi, à l'intention de certains, des notices d'information sur l'usage de la chasse d'eau. Parce que, bordel, est-ce que c'est si difficile de laisser l'endroit propre et de ne pas infliger au suivant, vision abjecte et odeur nauséabonde.
Il ne me reste qu'une chose à faire : fuir ! (acte nécessaire, si ce n'est vital)
Mais quelqu'un attend son tour à la porte et il pourrait m'accuser par la suite d'avoir une hygiène plus que douteuse.
Non, je ne serai pas le bouc émissaire de cette infamie ! Moi, je serai le héros méconnu, le chevalier blanc des toilettes, le nettoyeur de déjections, le pourfendeur de crottes. La chasse d'eau est mon amie et le balai à chiotte aussi (penser à inventer une chanson vantant mes exploits).

Après avoir évacué l'énorme étron de créature lovecraftienne, il restait une trace marron au fond de la cuvette (non, je ne vous épargnerai aucun détail). J'ai brandi mon balai, et j'ai frotté. Alors que l'eau limpide devenait de plus en plus marécageuse, j'astiquais sans relâche tirant encore et encore la chasse d'eau.
 
- Mais c'est quoi cette merde ? Pourquoi ça ne part pas ?
- Hum, hum ! (raclements de gorge derrière la porte, m'invitant à me magner de sortir).
- Ben oui ! J'ai presque fini ! Si vous croyez que c'est facile...
- On n'a pas le droit de monopoliser cet espace pour faire des mots croisés ou une sieste. Ça fait 20 minutes que j'attends.
- Et moi, 20 minutes que je nettoie ! Oh mon dieu ! C'est terrible !
- Quoi ?
- Le balai... Je ne m'en étais pas rendu compte avant de le prendre, mais il était tout souillé.
- Souillé ?
- Il avait les poils complètement englués d'excréments gluants, si vous préférez.
- Aaah ! C'est répugnant. Pourquoi me parlez-vous de la sorte !
- Le balai, c'était mon compagnon de voyage et d'infortune. Il est foutu maintenant. Je l'aurais bien achevé sur place, mais comment? Ca meurt difficilement ces bestiaux.
- Bon, vous en avez pour longtemps ?
- J'en ai pour le temps que je veux ! Il y a des toilettes au 1er. Je ne vous retiens pas !
- Je ne sais pas ce que vous fabriquez à l'intérieur, mais finalement je ne veux pas le savoir. Bonne continuation !
- Ouais, c'est ça, bon débarras. Je vais enfin pouvoir passer aux choses sérieuses, avant que ma vessie n'explose.
 
5 minutes plus tard, je suis ressortie avec la satisfaction du devoir accompli. Bien sûr, je laissais derrière moi mon ami de toujours, qui s'était sacrifié et avait péri dans un dernier acte de bravoure. Je ne l'oublierai jamais.
Je me suis rassise devant mon ordinateur, dans l'indifférence générale. Je suis le héros discret, le pourfendeur de crottes. Je suis le chevalier blanc des sanitaires, mais personne ne le sait.


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