Magazine Journal intime

Un moment de grâce

Publié le 30 octobre 2009 par Anaïs Valente

Ce matin, je suis en retard.  Passque j'ai cherché des papiers dans mon barda.  J'aime pas m'occuper des papiers.  Je suis bordélique même avec mes papiers.  Il est loin le temps où je rangeais pieusement mes extraits de compte dans des classeurs.  Pourtant, j'ai récemment installé une étagère rien que pour ça : mes papiers.  Avec des bacs tout blancs, ou presque, prêts à les accueillir.  Mais pour y accéder, à l'étagère, faudrait déjà que je range le bordel qui encombre le hall où elle se trouve, cette étagère.  Et pour le ranger, faudrait que j'aie plus mal au dos.  Bref, c'est un cercle vicieux.  Bref, je suis en retard.

Et je rate le premier bus.  Enfin le dernier des premiers.  Quatre bus à la même heure, ou presque.  Tous en avance.  Comme chaque jour.  Et moi en retard.  Je le rate.  Et me dirige vers un autre arrêt, pour un autre bus, qui engendrera inévitablement le fait que je rate ma correspondance, c'est ainsi.

Rien de grave, un peu de retard au bureau, on va pas en faire un fromage.

Le bus arrive, je m'y installe et dévore le dernier Janine  Boissard, toute mon enfance, toute mon adolescence, et j'aime beaucoup ce petit dernier, qui me replonge dans cette période de ma vie où tout semblait encore possible (phase nostalgie en ce moment).

J'arrive à la gare, surprise de la rapidité du trajet.  Pas assez rapide cependant, pour que ma correspondance soit encore là.  Tiens, si, elle est là.  Mais j'ai deux boulevards à traverser, deux feux qui ne sont pas synchronisés, donc c'est peine perdue.  Tiens, le premier est vert, je fonce.  Le second est rouge, j'attends.  Mon bus est là, mais je le sens sur le point de partir.  Je prendrai le suivant, dix minutes d'attente, je lirai Janine.

Il commence à faire clair, merci le changement d'heure (hier, quelqu'un m'a dit « vous êtes fatiguée, pourtant on dort une heure de plus en ce moment », si quelqu'un pouvait m'expliquer en quoi le changement d'heure fait dormir une heure de plus durant plusieurs jours, je me sentirais moins conne).

Le bus est toujours là.  Le feu est toujours rouge pour moi.  Le chauffeur fait, semble-t-il, un signe, genre « traversez voyons ».  Mais c'est rouge.  Et j'ai pas envie de me retrouver écrabouillée par un bus, transformée en crêpe sanguinolente sur la chaussée, au milieu de la foule qui ne va pas tarder à arriver, heure de pointe oblige.  Et puis j'ai sans doute mal vu, avec mes bésicles périmées et la vitre du bus dans laquelle se reflète l'aube naissante (oh, c'est beau cette expression non ?).

Je regarde tout de même le chauffeur, intriguée.  Et il me refait un signe qui, cette fois, signifie « vous venez dans ce bus non ? », et moi je fais oui de la tête.  Et il me refait encore signe de traverser, malgré le feu toujours rouge (ça a l'air de durer longtemps, ce feu rouge, vu le temps que je mets à vous raconter l'anecdote, mais ça ne prend que dix secondes à tout casser).  Alors je traverse, étonnée, ravie, intriguée.

Et je monte dans le bus, gratifiant le chauffeur d'un sourire étonné, d'un merci, d'un « c'est gentil ».  Puis je m'assois.

Et je n'en reviens pas d'une telle gentillesse.  Un petit geste qui compense, à lui seul, toutes ces fois où, tout-puissant comme Bruce, le chauffeur, ayant quitté l'arrêt de 20 centimètres mais stoppé par le feu rouge, refuse de me laisser monter, car il n'est plus vraiment à l'arrêt, soit me gratifiant d'un sourire narquois, soit m'ignorant totalement.  Un petit geste qui compense la violence de la conduite, qui projette les petits vieux et les petites vieilles (et moi aussi, pardi), contre les parois du bus.  Un petit geste qui compense beaucoup de choses et qui fait qu'une journée commence bien.

Et puis... il savait comment, ce chauffeur (pas brun ténébreux, mais mignon tout plein, faut l'avouer), que j'allais monter précisément dans SON bus ?  Bus que je prends chaque matin, mais tout de même...  comment comment comment ?  M'aurait-il remarquée, depuis des mois, attendant chaque semaine son horaire, dans l'espoir de faire MON bus et de me croiser, moi qui ignore tout de lui et qui entre chaque matin dans ce bus, murmurant un vague bonjour, montrant mon abonnement, cherchant une place où me vautrer pour continuer ma lecture ?

Rhaaaaaaaaaaaaaaaaa.

Dans peu de temps, lors de nos noces, nous raconterons à tous, coupe de champagne à la main, comment nous nous sommes rencontrés, lui et moi...

Bon, j'arrête de délirer, le travail m'attend.

Dernière chose : hier, j'ai cédé ma place à une petite vieille qui marchait vraiment difficilement, vu qu'elle avait mis des plombes à monter dans le bus, se tirant à la poignée comme un poids mort.  Elle m'a pas dit merci.  J'ai fulminé.  Passqu'un merci ça coûte rien et ça fait du bien.  Mais j'ai cédé ma place, BA du jour.

C'est donc vrai, alors, peut-être, qu'on récolte ce qu'on sème ?



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