Magazine Humeur

Développement et vitalité de l'Eglise (4)

Publié le 31 octobre 2009 par Hermas

Il ne faut pas, sous prétexte d’éviter les excès de la stagnation, c'est-à-dire la pétrification du conservatisme (1) verser dans l’extrême opposé, bien plus dangereux, qui est celui du modernisme, lequel conduit au suicide sous prétexte de revivification. Les modernistes, qui prétendent savoir plus qu’il ne convient, sans « sapere ad sobrietatem », se dissipent en leurs pensées, se laissent séduire par des philosophies vaines et fausses, fondées, non sur le Christ, mais sur des apparences humaines et les maximes du monde. Ils prétendent mieux comprendre que l’Eglise le message de lumière et d’amour qu’elle est chargée de porter et d’annoncer à tous les hommes. Se croyant capables d’expurger par une critique acérée les anciens éléments profanes qui ont pu s’infiltrer dans la doctrine catholique, ils se laissent en réalité envahir, et sans résistance aucune, par les erreurs modernes. Ils sont ainsi conduits du rationalisme au panthéisme et à l’athéisme, ou, pour le moins, à ce naturalisme déprimant et asphyxiant qui, sous prétexte d’assurer notre autonomie, sature aujourd’hui toute l’atmosphère scientifico-sociale (2).

Pour se prémunir de cette contagion et éviter radicalement les dégâts du modernisme, il n’est rien de plus à propos que de susciter, en soi et chez les autres, le vif sentiment de la foi. Il faut fomenter l’amour de la Tradition catholique et le respect de l’autorité établie par Jésus-Christ. Il faut purifier nos sens spirituels par la fidèle pratique des vertus chrétiennes, de manière à tout sentir avec notre sainte mère l’Eglise, sans jamais nous illusionner nous-mêmes. Ainsi purifiés, les yeux de nos cœurs ne tarderont pas à être éclairés par les dons très précieux d’intelligence et de sagesse, sans lesquels personne ne peut jouir de l’intimité du Père des lumières (3). Par ces dons, en revanche, nous pourrons d’une certaine manière – comme le dit saint Thomas – voir les réalités divines et sentir leur ineffable douceur, en goûtant et voyant comme est bon le Seigneur. Si nous restons toujours attentifs à conserver l’unité de l’Esprit par les liens de la paix, compte tenu de ce que nous ne formons qu’un seul corps (Eph. 4, 3-4), alors la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, prendra sous sa garde nos cœurs et nos pensées, dans le Christ Jésus (Phil. 4,7). Elle les gardera de la perversion des vices et des erreurs humaines, en excluant de nous le ferment contagieux de l’agnosticisme et du naturalisme, du criticisme rationaliste et de l’immanentisme panthéiste, qui produisent tant de ravages aujourd’hui.

Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons cesser de nous modeler sur le monde présent, et renouveler notre jugement afin de discerner le parfait bon plaisir de Dieu (Rom. 12,2). Si nous ne nous réformons pas de cette manière, avec cet Esprit qui crée et renouvelle toutes choses (Ps. 103,30), en nous bornant à détruire les éléments de mort et le corps de péché, alors nous nous affaiblirons toujours davantage (Ib. 29), de sorte que nous nous laisserons facilement envahir par la contagion naturaliste et séduire par le modernisme, lesquels prétendent apporter la rénovation et l’évolution alors qu’ils ne font que conduire à la mort et à la dissolution (4) [A suivre].

J.-G. ARINTERO

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NOTES

(1) Le P. Arintero utilise ici le mot « antiquismo », plus fort encore. On pourrait traduire aujourd'hui par "intégrisme".

(2) « C’est une loi historique qu’après une hérésie radicale et franche, survient toujours une semi-hérésie dissimulée et moins radicale. Après l’arianisme, le semiarianisme ; après le pélagianisme, le semipélagianisme ; après le calvinisme, le jansénisme ; toutes doctrines défendues par des gens qui prétendent être toujours catholiques, et réconcilier l’erreur et l’orthodoxie (…). Le même phénomène se produit aujourd’hui. La grande hérésie moderne est le rationalisme et le naturalisme : celle-ci est rejetée (…) ; mais on lui concède quelque chose et, à forces d’atténuations, on élimine pratiquement le surnaturel » (cf. Baudrillart, in Rev pr. d’Apol., 15 nov. 1907, p. 234- traduit de l’esp.). Telle est la tendance moderniste – ajoute Arintero en cette note – laquelle, en se donnant pour sage, blasphème.

« Il est meilleur et plus utile d’être ignorant et de savoir peu de choses, et d’être proche de Dieu par la charité, que de croire que l’on sait beaucoup et d’apporter la preuve que l’on blasphème contre Dieu même » (s. Irénée, Adv. Hær., II, 21, 1, PG, 7, 800).

(3) « Dieu n’aime que celui qui demeure dans la sagesse » (Sag.7,28). « Là où font défaut les dons d’intelligence, de science et de sagesse, il y a nécessairement obscurcissement du sens, aveuglement de l’entendement, ignorance et sottise, toutes choses qui empêchent tout progrès dans la connaissance des dogmes » (cf. Lepicier, o.s.m., De stabilitate et progressu dogmatis, 2ème édit. 1910, p. 232).

(4) « Le modernisme est une erreur qui, en apparence, n’attaque pas la religion chrétienne mais qui, en réalité, la détruit tout entière, en minant les bases mêmes de l’édifice religieux. Il paraît la maintenir telle qu’elle est : il parle de l’Eglise avec son triple pouvoir (doctrinal, disciplinaire et liturgique), de la révélation, du surnaturel, des miracles, des dogmes, des sacrements et des rites ; mais, en réalité, il conserve les mots et supprime les choses, en leur donnant un sens nouveau différent du sens traditionnel. C’est un concept inédit du christianisme qui, sous des apparences trompeuses, implique la négation complète du surnaturel » (cf. Baylac, Rev. Pr. D’Apolog., 1er juillet 1908, p. 481 – traduit de l’espagnol). Le modernisme, comme l’a très bien dit la Civiltà Cattolica, « n’est qu’une forme, mitigée de phrases chrétiennes, du naturalisme qui infecte toute la vie moderne ».


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