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Relire Flannery O'Connor

Publié le 01 novembre 2009 par Jlk

Vient de paraître: le volume des Oeuvres complètes de la géniale Flannery O'Connor, en collection Quarto, chez Gallimard, préfacé par Guy Goffette et rassemblant les romans, les nouvelles et la correspondance, notamment. Hissez le Haut Pavois ! J'y reviendrai tous les jours dont God est le copilote.


Un hors-d'oeuvre à 2 euros en attendant: Un heureux événement et La personne déplacée

On se

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rait d’abord tenté de fulminer, devant la présentation du petit livre tiré, dans la collection 2€, du plus fameux recueil de Flannery O’Connor, Les braves gens ne courent pas les rues (Folio No 1258), tant pour l’image ridicule de sa jaquette (une feuille de chou) que pour les propos très simplistes qu’on lit en quatrième de couverture (où il est dit que les personnages de Flannery « ont peur, peur d’eux-mêmes et des autres » et que la souffrance les « rend méchants »…), mais l’idée que la nouvelle éponyme et que ce vrai chef-d’œuvre que constitue La personne déplacée soient ainsi largement diffusées, et notamment à l’adresse d’un public jeune, fait oubl
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ier ce manque de tact et de pertinence.
La feuille de chou de la couverture renvoie au déchet que Ruby, la protagoniste d’Un heureux événement, se découvre collé au visage, un jour qu’elle rentre exténuée du supermarché, encore alourdie depuis quelque temps par un ventre rebondi qu’elle craint quelque temps le signe d’un cancer et dont une amie lui suggère (autre horreur à ses yeux) qu’il signifie peut-être un enfant à venir. Quelle peur là-dedans ? Plutôt le pendable égoïsme d’une femme engluée dans une existence terre à terre et mesquine…
Quant à La personne déplacée, c’est, non pas dans la banale peur d’autrui ou de soi-même que cette nouvelle nous plonge, mais c’est au bout du déni de charité, à l’extrémité du rejet de l’autre que nous conduit l’implacable confrontation de quelques fermiers blancs et leurs domestiques noirs du Sud profond (Flannery décrit la campagne de Géorgie, ses populations frustes et ses prédicateurs allumés, entre autres…) et d’un Polonais arrivant en ces lieux avec les siens après avoir échappé aux camps de la mort.
On a parlé de Flannery O’Connor comme d’une sorte de Bernanos au féminin, et c’est vrai qu’il y a de ça, à cela près que l’écriture de Flannery est d’une densité poétique et d’une violence, d’un humour et d’une acuité sans pareils. On peut lire ses histoires (réunies dans la collection Quarto, chez Gallimard) au « premier degré », comme de fantastiques morceaux d’observation des comportements humains, dans cette Amérique de la paysannerie pauvre en butte aux conflits de races et de classes, où les prêcheurs de tout acabit foisonnent. Par ailleurs, et bien plus en profondeur, sous les dehors les moins lénifiants qui soient (d’aucuns lui ont même reproché d’être cynique, ce qu’elle n’est pas du tout – mais il est vrai qu’elle ne s’en laisse pas conter…), c’est une véritable arène d’affrontement du Bien et du Mal que les histoires de cette féroce folle en Christ claudiquant (une horrible maladie l’a détruite encore jeune) au milieu de ses poules et de ses paons, plus souvent du côté des supposés coupables que des prétendus vertueux…

Flannery O'Connor. Un heureux événement, suivi de La personne déplacée. Folio2€, 132p.


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