Magazine Journal intime

Scènes d'une veille de Toussaint

Publié le 03 novembre 2009 par Anaïs Valente

En cette veille de Toussaint, le ciel est bleu et le soleil brille.  Je décide d'aller me balader sur le marché.  En chemin, je croise des dizaines de pomponnettes, des centaines de bruyères et des milliers de chrysanthèmes : clair et net, c'est la Toussaint.

J'ai toujours trouvé ça étrange, cette obligation de se recueillir un jour par an, de fleurir les tombes un jour par an.  Maintenant, je comprends mieux.  Ça n'empêche pas d'agir les autres jours, mais celui-là permet d'officialiser les choses. 

Sur le marché, j'achète de superbes orchidées, c'est pas de circonstance mais qu'importe.  Les conversations sont déprimantes à souhait : « la dispersion, c'est pas cool, on ne peut aller se recueillir nulle part » (je confirme, pas cool, même si de toute façon, aller se recueillir, pas mon truc, car pas besoin d'être face à une tombe pour y penser), « on prend les jaunes ou les mauves, chéri ? », « bon, récapitulons, ton père, ma mère, papy, la cousine Bertha, je n'oublie personne ? ça en fera quatre, ma bonne Dame ».  Sinistrose assurée.

Je rode comme une âme en peine sur ce marché surpeuplé où s'approcher des étals relève de l'exploit. 

Tiens, Monsieur Carabouilla, bien connu des Namurois, n'est pas là.

Je repère un stand de couettes, mais pas de jolie flanelle.  C'est pas aujourd'hui que je trouverai du bordeau à jolis motifs, y'a que des fleurs dont même une mère-grand de 102 ans ne voudrait point ou du gris du gris du gris.  J'ai déjà du gris.  Je veux du bordeau. 

Je continue mon chemin, au milieu des poussettes, des caddies, des couples et des familles.  Pas moyen d'avancer.

Alors j'observe.  Et je réalise avec horreur le nombre incroyable de personnes « à mobilité réduite », comme on dit : en chaise roulante ou armées de cannes, de béquilles.  Y'en a des tonnes.  Est-ce le marché qui les attire, ou est-ce moi qui suis plus observatrice que d'habitude ?  Aucune idée mais j'en reviens pas.

La foule est décidément trop dense, alors je décide de rentrer chez moi.

En chemin, je croise six jeunes femmes armées de violoncelles.  Au soleil, elles nous offrent un petit concert.  Joli.  Touchant.  J'en aurais presque la larme à l'œil.  J'ai un autre regard sur les musiciens dorénavant, j'observe les mains, j'écoute les notes, je réalise la difficulté.  Et je bave d'envie d'y arriver.

Je continue mon chemin, hèle un bus, et rentre chez moi avec mes orchidées et une folle envie de cuisiner.  Ça tombe bien, j'ai tout prévu pour une lasagne aux champignons.  Je vais me régaler, je vous le dis.

Je me régale, et puis je régale quelques enfants joliment déguisés, qui me chantent une petite ritournelle, de quelques bonbons et chocolats. 

Parfois, c'est cool, la veille de la Toussaint.

(photo Anne-France)

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