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Comment on dévalorise une marque: le cas Kronenbourg

Publié le 21 novembre 2009 par Michelgutsatz

Les ventes des Brasseries Kronenbourg ont chuté de 893 millions d'euros en 2004 à 829 millions en 2008. La marque a perdu des parts de marché dans les grandes surfaces au profit de son concurrent Heineken, qui lui dispute la première place.

Comment expliquer ce recul historique d'une marque emblématique? La réponse est à trouver du côté d'erreurs stratégiques importantes qui ont affecté l'identité de la marque. Pour bien comprendre la situation il faut partir d'un triple constat.

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Tout d'abord des racines de la marque: Kronenbourg a ses racines dans les bars, dans les "troquets", dans des lieux populaires et de convivialité. Rappelons-nous une campagne des années 1980 "Faites mousser les bons moments", suivie de celle des années 90 avec les serveurs "Kro".

Kronenbourg est une bière populaire mais partagée par toutes les couches de la population.

Ensuite un double constat économique concernant le marché de la bière:

  • Une baisse tendancielle de la consommation
  • L'apparition de MDD sur un marché dominé jusqu'alors par les marques nationales

Face à cette situation deux erreurs ont été commises, toutes deux portant sur le packaging:

  1. Le choix de changer la couleur dominante du packaging: le pack Kronenbourg, dans l'esprit du consommateur, est rouge. Un responsable marketing a pensé que le rouge était une couleur préemptée par les marques Premiers Prix (comme Top Budget chez Intermarché par exemple) et que, face à la menace des MDD, il importait de "monter en gamme". Le pack Kronenbourg est donc devenu gris (une couleur perçue comme plus qualitative) avec des touches de rouge (pour ne pas perdre le consommateur).
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    Gros-gros

    Kronenbourg abandonne son code couleur pour se premiumniser: le consommateur ne s'y retrouve pas...
  2. La forme de la bouteille: la bouteille de Kronenbourg est fine et élancée. Toute la différence sur le marché est dans cette forme (installée en 1997) - qui donne à Kronenbourg une certaine élégance. Or ce même responsable marketing (!) a pensé que l'époque était au développement durable et qu'il fallait donc alléger le poids de la bouteille (ce qui permettait du même coup de baisser les couts de matière première et de transport..). La bouteille Kronenbourg est donc devenue plus courte, plus "pataude".... exactement comme les bouteilles de certaines MDD.
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Ainsi d'un côté on tente de premiumniser Kronenbourg en reniant ses racines populaires, de l'autre on la rapproche d'une MDD. Mouvement contradictoire qui va accentuer la désaffection des consommateurs, perturbés de plus par une politique de promotions quasi-permanentes (toujours pour contrer les MDD).

Je tire de cet exemple deux enseignements essentiels pour les marques:

  1. Le packaging est un élément essentiel de l'identité et de l'image d'une marque - aux yeux des consommateurs. Or trop souvent la responsabilité du packaging est déléguée à des chefs de produit qui n'ont pas toujours la culture nécessaire: ce sujet devrait être de la responsabilité du responsable de marque (bien sur c'est moins sexy que la pub...).
  2. Pour lutter contre les MDD il ne faut pas faire n'importe quoi: il faut retrouver les racines de la marque et les moderniser. Il faut miser sur la marque et sa force: « Le marché ne se découpe pas en bières de luxe, spéciales ou de spécialités, mais en marques. Si la Kronenbourg va bien, alors les luxe vont bien. Si 1 664 et Heineken vont bien, les spéciales vont bien » dit Thomas Amstutz, PDG de Kronenbourg. La nouvelle direction de Kronenbourg va dans le bon sens puisque le rouge est de nouveau de mise et la bouteille élancée va faire son retour....

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