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23 novembre 1920/Naissance de Paul Celan

Publié le 23 novembre 2009 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours


   Le 23 novembre 1920 naît à Czernowitz, en Bucovine, Paul Pessach Antschel, connu sous le nom de Paul Celan.


Paul_celan

Source


   Après la déportation de ses parents, en juin 1942, au camp de Michailovka, en Ukraine, Paul Antschel est enrôlé dans un camp de travail forcé en Valachie. De retour à Czernowitz en 1944, Paul Antschel prend la fuite pour Bucarest. Paul Antschel y travaille comme lecteur et traducteur d'auteurs russes. Les premières publications de ses poèmes, sous le nom francisé de Paul Celan, datent de 1947. En décembre de la même année, Paul Celan rencontre à Vienne, où il séjourne pendant six mois, Ingeborg Bachmann. En 1948, à Paris, Celan s'inscrit à la Sorbonne pour y passer sa licence d'allemand et publie, dans la revue Plan, 17 poèmes. Il poursuit ses travaux de traduction avec des œuvres de Jean Cocteau et de Guillaume Apollinaire. Il traduit également les recueils de poèmes d'Yvan Goll (1891-1950).

   En 1952, Celan donne sa première lecture publique de poèmes, à Niendorf, en Allemagne. Le 23 décembre 1952, il épouse Gisèle de Lestrange, peintre et graveur. Le premier recueil de Paul Celan, Pavot et mémoire (Mohn und Gedächtnis) paraît la même année. Commence alors, dès octobre 1953, les premières campagnes de diffamation de Claire Goll, qui accuse Paul Celan d'avoir plagié les poèmes d'Yvan Goll, son mari. Le 22 octobre 1960, Paul Celan reçoit le prix Büchner à Darmstadt, en Allemagne, malgré les tentatives de Claire Goll d’empêcher cet événement.

   De 1955 à 1970, six recueils ont été publiés:

- De seuil en seuil (Von Schwelle zu Schwelle, 1955)
- Grille de parole (Sprachgitter,1959)
- La Rose de personne (Die Niemandsrose, 1963),
- Renverse du souffle (Atemwende, 1967),
- Soleil-filaments (Fadensonnen,1968),
- Péage noir (Schwarzmaut, 1969).

   Le 20 avril 1970, Paul Celan se donne la mort à Paris en se jetant dans la Seine. Son dernier poème, Rebleute, est daté du 13 avril.

SCHIBBOLETH (1)

Mitsamt meinen Steinen,
den großgeweinten
hinter den Gittern,

schleiften sie mich
in die Mitte des Marktes,
dorthin,
wo die Fahne sich aufrollt, der ich
keinerlei Eid schwor.

Flöte,
Doppelflöte der Nacht:
denke der dunklen
Zwillingsröte
in Wien und Madrid.

Setz deine Fahne auf Halbmast,
Erinnrung.
Auf Halbmast
für heute und immer.

Herz:
gib dich auch hier zu erkennen,
hier, in der Mitte des Marktes.
Ruf's, das Schibboleth, hinaus
in die Fremde der Heimat:
Februar (2). No pasarán.

Einhorn (3):
du weißt um die Steine,
du weißt um die Wasser,
komm,
ich führ dich hinweg
zu den Stimmen
von Estremadura (4).


SCHIBBOLETH

Avec toutes mes pierres,
grandies dans les pleurs
derrière les grilles,

ils m'ont traîné
jusqu'au milieu du marché,
jusqu'au lieu
où se déroule le drapeau auquel je n'ai
prêté aucune espèce de serment.

Flûte,
double-flûte de la nuit :
songe à la sombre
aurore jumelle
à Vienne et Madrid.

Mets à mi-hampe ton drapeau,
souvenir
à mi-hampe
pour aujourd'hui et à jamais.

Cœur :
là aussi fais-toi connaître,
là au milieu du marché.
Crie-le, le schibboleth, à toute force
dans l'étrangeté du pays:
février. No pasarán.

Licorne:
tu sais bien ce qu'il en est des pierres,
tu sais bien ce qu'il en est des eaux,
viens,
je t'emmène loin
chez les voix
de l'Estrémadure.

Paul Celan, De seuil en seuil in Choix de poèmes réunis par l’auteur (édition bilingue), Gallimard, Collection Poésie, 1998, pp. 112-113-114-115. Notes, p. 339. Traduction et présentation de Jean-Pierre Lefebvre.


1. Schibboleth : le titre de ce poème renvoie au mot de passe hébreu (Juges, XII, 6) qui permettait aux gens de Galaad de reconnaître ceux d'Éphraïm en fuite et de les exterminer... Par une tragique extension, le terme désigne aujourd'hui les mots de reconnaissance permettant l'entrée dans un groupe.
2. Allusion principalement aux événements de février 1934.
3. Licorne : animal fabuleux, symbole de force et de virginité. Son corps de cheval est surmonté d'une corne unique, blanche ou noire. Mais Einhorn est aussi le patronyme d'un ami de jeunesse de Paul Celan, Erich Einhorn (1920-1974), dont il partageait la sympathie pour les mouvements révolutionnaires des années 1930 (notamment ceux des ouvriers de Vienne et des républicains espagnols).
4. Estrémadure : province espagnole frontalière du Portugal, au sud-ouest de Madrid. De violents combats s'y sont déroulés pendant la guerre civile.



PAUL CELAN

Voir aussi:

- (sur Terres de femmes) Paul Celan/Lob der Ferne ;
- (sur Terres de femmes) Paul Celan/Lointains ;
- (sur Terres de femmes) Paul Celan/La main pleine d’heures ;
- (sur Terres de femmes) Paul Celan/Stimmen ;
- (sur Terres de femmes) Paul Celan/TANT D’ASTRES ;
- (sur Terres de femmes) 13 février/Paul Celan, Tout en un ;
- ( sur Terres de femmes) Correspondance Nelly Sachs/Paul Celan ;
- (sur YouTube) Paul Celan lisant lui-même son poème Todesfuge. Il est aussi possible d'effectuer cette écoute sur le site Lyrikline, où l'on retrouvera neuf autres poèmes enregistrés par Paul Celan.



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