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Contes de l'ordi sacré : Gudule au centre de la terre 23

Publié le 11 décembre 2009 par Porky

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EPISODE 23 : Où la Femme Maigre révèle, à la stupéfaction générale, un admirable cerveau et dame le pion à Jo la Fine 

« La parole est à Maître Femme maigre pour la défense des deux accusés, vu que l'avocat de Gudule vient d'enfoncer complètement sa cliente », dit le Caribou Maléfique, encore mal remis de son fou rire. « Et moi ? grinça Jo la Fine en montant sur son bureau afin d'être vue du premier rang. On m'oublie ! La partie civile a un réquisitoire à prononcer ! » « La partie civile nous ennuie, répliqua Le caribou maléfique. Ses intérêts se confondent avec ceux du procureur et ce dernier ayant réquisitionné, nous n'allons pas nous taper un deuxième discours conforme au premier. J'ai dit. » « Je proteste et me déclare hautement indignée de ces basses manœuvres ! s'exclama Jo la Fine, outrée. Je veux faire un réquisitoire et demander des dommages et intérêts au nom du peuple du centre de la terre ! » « Etant donné que la partie civile n'est pas étrangère aux autres dommages subis par notre contrée, nous lui conseillons vivement de la mettre en sourdine et de ne pas nous énerver, dit le caribou maléfique. Sinon, elle pourrait bien finir en steak cuit à point » et quelques flammèches apparurent au bout de ses pattes. « Peuh, fit le caribou fou, méprisant. Feu d'allumette, et rien d'autre ! Ridicule !» « Toi, la ferme ! » ordonnèrent de conserve le caribou maléfique, le caribou magique, la future impératrice et l'assesseur. « Finalement, la partie civile se retire du procès, murmura Jo la Fine, convaincue par les arguments de la cour. Maître Magique a très bien exposé le problème. » « Je vois que la partie civile est raisonnable, admit le caribou maléfique. Maître Femme maigre, c'est à vous. »

La Femme Maigre se leva et s'éclaircit la voix. « Auguste Cour du Centre de la terre, commença-t-elle, moi, la Femme Maigre, dite la SFM, dite JB, dite La Planche à Pain, dite... » « Ca va, Maître, on connaît tous vos titres », coupa le caribou maléfique. « Ceux de toutes mes chansons ? dit la Femme Maigre, surprise. Cela m'étonnerait, Excellence, je feule depuis tellement longtemps qu'on en a oublié depuis belle lurette mes premiers disques. A moins qu'ils n'aient été remis sur le marché vu le mauvais goût ambiant qui est en train de se répandre dans le showbiz. » « Au fait, Maître, au fait ! »

« Le fait est simple, public révéré ! Et il est dans le chef d'accusation : incompétence et incapacité. Pourquoi mon client le caribou fou est-il incompétent dans son travail ? Pourquoi arrive-t-il même à faire grincer les dents des forces du mal ? Parce qu'il ne peut effectivement pas apprendre et appliquer les formules magiques à bon escient. Rappelez-vous ce qu'on a dit de lui : il est fou ! Donc, il ne peut raisonnablement faire ce que son statut lui demande. Quant à Gudule, vous avez dit vous-même que la sottise ne pouvait pas être retenue comme chef d'accusation. Or, comme elle est d'une incroyable stupidité, elle ne peut qu'approuver ce que lui dit son maître à penser, à savoir le caribou fou. Or, celui-ci étant justement fou, il lui donne des ordres délirants et elle fait ainsi n'importe quoi. Je reconnais qu'il existe un code du Mal et qu'on ne peut pas faire n'importe quoi avec des formules de magie noire. Je reconnais également que pour les apprentis sorciers de l'Institut de formation des maléfiques, Gudule et le caribou fou sont vraiment des exemples à ne pas suivre et que leur façon d'être et d'agir va à l'encontre de l'enseignement des Maîtres et qu'ils peuvent ainsi faire rater des vocations. Mais je le répète, l'explication se trouve dans les chefs d'accusation, abandonnés ou non, et si la cour est logique avec elle-même, elle fera preuve de clémence et rejettera purement et simplement les arguments de Maître Magique qui ne tiennent pas compte de la réalité des faits. »

Un long silence suivit cette déclaration. On regardait avec admiration la Femme Maigre et le Maléfique avait l'air bien embêté. « Son raisonnement se tient », chuchota Multimédia. « Peut-être pourrions-nous abandonner l'incompétence, dit Marsupilania en se penchant vers le Président. Cela nous permettrait de le coincer sur les pratiques illégales de la magie noire. » « Ca va ensemble, Marsu », objecta la future Impératrice. Le Maléfique, silencieux, se frottait pensivement le museau. Il fit signe à l'avocat général de les rejoindre. « Imprévu, non ? dit le Magique à voix basse. Le coup vient du côté où on ne l'attendait pas. Ecoutez la salle ! Elle a presque retourné le public ! »

Le Maléfique prit une profonde inspiration. « La cour vous a bien entendue, Maître, dit-il. Et pour la défense du Séide, qu'avez-vous à dire ? » « Ah, vos Excellences !... » Et la Femme maigre eut un très beau mouvement du bras, appuyé par un hochement de tête très significatif. « Nous nous trouvons dans le même cas de figure que le caribou fou. » « Je vous demande pardon, Maître Femme Maigre, mais le Séide n'est pas fou », dit le Maléfique. « Mais si, votre Excellence, dit doucement l'avocate. Il est fou d'amour. Et c'est une folie bien aussi grave que celle du jumeau de Maître Magique. C'est un sentiment si déraisonnable, si instinctif, si primaire, que celui qui l'éprouve ne peut que le subir, sans rien faire, sans rien dire. L'incompétence et la servilité du Séide ne viennent point d'un penchant naturel, mais de sa rencontre avec Gudule. Il est tombé amoureux fou d'elle et de là a abandonné, sans le vouloir, toute possibilité d'agir par lui-même. Vos Excellences, que tous ceux qui sont ici prennent la place du Séide, car nous sommes tous amoureux : moi de lui, vous d'elle, etc... Votre Excellence accepterait-elle de perdre son Impératrice au nom de la raison ou en vertu d'un règlement qui interdirait d'aimer qui on veut ou qui on peut ? Votre Excellence la répudierait-elle dès maintenant s'il le fallait ? Ne se mettrait-elle pas plutôt hors la loi ?... «  Maître, ne nous rejouez pas Bérénice, s'il vous plait, intervint Marsupilania, docte jusqu'au bout des ongles. On connaît son Racine. » « Mais je ne joue pas, Madame l'assesseur. Le Séide a été incompétent parce qu'il aime Gudule qui est incompétente. Il a été inconvenant dans la mesure où son amour lui a fait perdre toute dignité. Que vos Excellences admettent que l'amour peut rendre plus stupide et mou qu'une serpillière et vos Excellences admettront que l'échafaudage de l'accusation s'effondre. Maître Magique a demandé la relax pour le Séide. Je supplie la cour non seulement de suivre cette demande, mais de prononcer en outre un jugement de réhabilitation en faveur de mon client. Je vous remercie. »

Cette fois, ce fut l'ovation dans la salle. La Femme maigre vint saluer plusieurs fois, jeta quelques baisers au public, agita la main et retourna près du Masque de fer, complètement groggy. Comment pouvait-elle tenir des discours aussi sensés alors que c'était lui qui savait si bien argumenter et développer une pensée ? C'était à devenir ermite, vraiment.

(A suivre)

(Quelle plaidoirie palpitante ! La Femme maigre a retourné la situation en faveur des accusés. Quel va être le jugement de la cour ? Les délibérations dureront-elles longtemps ? La cour sera-t-elle sensible à de tels arguments ? Bref, Gudule et le caribou fou sauveront-ils leur peau -ou du moins, éviteront-ils Pluton l'Infernale Atrocité ? Nous le saurons quand retentira la sonnette indiquant la reprise de l'audience...)


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