Magazine Journal intime

Aujourd'hui, j'ai compris Raffarin (1)

Publié le 17 décembre 2009 par Francisbf

Au Sénégal, en fait, c'est comme en France. Des fois, on a des journées de merde. Par exemple, on passe trois quarts d'heure pour aller au boulot dans un taxi pourri avec un chauffeur qui fait la tronche, on passe une journée collée le nez sur des sites foireux qui mettent des liens qui n'existent pas, et on comprend même pas ce qu'ils font de toute façon, et on se crève les yeux sur des tableaux de données de contenus stomacaux de poissons mal fichues (putain, « ver », c'est les annélides et les vers parasites ? Juste les annélides ? Qu'est-ce que des vers parasites fichent dans des contenus stomacaux alors qu'ils sont pas là pour nourrir le poisson, d'abord ? Et pourquoi il y a pas de case « isopode » sur ce tableau ? Je la rajoute ou pas ? Et oeufs de copépode, ça va dans « copépode » ou « autres »  ? D'ailleurs, comment il a fait pour reconnaître des oeufs de copépode ?). Puis au milieu, on va manger un plat qui sent bizarre et qui goûte pas très bon, assis seul à un coin de table dans une cantine totalement wolophone, et puis à pas d'heure on rentre dans un taxi pourri qui vous bousille le dos au milieu des embouteillages, fait des marches arrières sur l'autoroute, passe par des coins glauques, et au final, on se dit que le seul point positif de la journée, c'est qu'on a pas eu de problème de tourista, puis on se rend compte qu'on n'arrive toujours pas à faire popo après 48h, et qu'on est rempli de caca stagnant dans ses boyaux, et on prend un coca pour oublier, et il fait roter et des relents nauséabonds du repas de midi remontent dans le nez. Puis on va se coucher et on lit jusqu'à trop tard et on est réveillé à 5h30 par l'appel à la prière et on arrive pas à se rendormir jusqu'à l'heure de se lever qui est de toute façon trop tôt.

Puis il y a des journées qui commencent certes tôt, mais débutent dans l'amphi tout neuf tout beau de l'école doctorale de science de la vie et de la santé et de l'environnement, où vous avez accès à internet, bouclez en un quart d'heure votre tableau de contenus stomacaux sur lequel vous vous étiez arraché les yeux la veille, passez quelques heures paisibles à écouter une conférence sur la future plate-forme multiservices de l'école avec la carte à puce qui vous fera prévenir par SMS des absences de profs, suivie de présentations de leurs travaux par des thésards, sur des thèmes assez variés pour ne pas ennuyer (depuis « les nématodes phytoparasites dans la brousse » jusqu'à « la contamination par le VIH et l'herpes des sécrétions génitales chez les travailleuses du sexe avec des photos dégoûtantes », avec des appels rigolos à « nos frères esclaves peuls » qui se sont enfin sortis les doigts du cul et mis aux cultures de plantes, puis vous allez manger des brochettes pas dégueus au resto de la fac (celui trop cher pour les étudiants), puis vous rentrez bosser à la maison sur votre ordinateur qui pète moins les yeux que celui du bureau, vous prenez plaisir à harceler votre patron de questions cons mais qui nécessitent ab-so-lu-ment son approbation parce que vous voulez pas foutre la merde dans ses bases de données, le tout en musique parce que ça adoucit les moeurs, puis finalement vous sortez prendre un pot.

Et c'est là qu'arrive le plus beau moment de la journée : celui où vous passez un coup de fil à votre petite soeur.

-Allô petite soeur ? Oui, je t'appelais juste pour te dire que je buvais un jus de baobab en T-shirt au bord de la mer, en regardant un pélican se lisser les plumes et en mangeant des tapas sans un seul moustique autour, ça va toi ?

-Je t'emberde, boi je suis balade, il fait -10 dehors et je squatte chez une cobine barce que Tifrère m'a virée pour laisser la blace à za cobine !

C'est si bon que vous en remettez une couche en appelant votre grande soeur :

-Allô grande soeur ? Oui, je t'appelais juste pour te dire que je buvais un jus de baobab en T-shirt au bord de la mer, en regardant un pélican se lisser les plumes et en mangeant des tapas sans un seul moustique autour, ça va toi ?

-Ben ça va mieux, on est en train de sortir d'un embouteillage entre Paris et Clermont-Ferrand à cause de la neige et on est pas morts quand j'ai perdu le contrôle sur l'autoroute parce que ça glissait trop et dans quelques heures on est de retour à la maison où le chauffage marche toujours pas.

-OK, ben bisous à vous et oubliez pas de prendre soin de ma malle qui encombre votre entrée depuis deux semaines, hein !

Ca rattrape toutes les journées pourries, une journée comme ça. Et ça fait envisager le lendemain avec optimisme.

Youpi !

(1) : Mais si : "The yes needs the no to win, against the no !" ça s'applique tout à fait à cette note, je trouve.

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