Magazine Journal intime

J'ai testé « cesse de te regarder le nombril durant quelques heures »

Publié le 28 décembre 2009 par Anaïs Valente

Quand j'étais gosse, j'adorais Noël, fête de famille par excellence : la crèche et ses véritables santons de Provence, le sapin décoré de boules kitsch et multicolores même qu'on n'en fait plus des pareilles actuellement et c'est tant mieux, le repas festif durant lequel je ne mangeais rien car étant gosse j'étais une chieuse de première (ça a bien changé niveau bouffe, ça n'a pas changé niveau chieuse, dommage, l'inverse eût été préférable), l'ambiance, les cadeaux et parfois la messe de minuit.

Maintenant, j'aime plus Noël, fête de famille par excellence.  Passque, même si famille doit être entendu au sens large, pour moi Noël, c'est la fête de « sa » famille, savoir son mari et ses enfants, inclus dans le package, sans oublier le chien, le chat, le canari et le poisson rouge.  Sans famille donc, j'aime plus Noël.

L'an dernier déjà, j'avais décidé de me rentre utile à Noël, plutôt que de regarder mon nombril durant tout le réveillon en me lamentant sur ma petite vie sordide sans mari sans enfants sans chien sans chat (quoique) sans canari et sans poisson rouge.  J'avais donc contacté les Restos du Cœur.  Deux fois.  Zont jamais répondu.  Confirmation fut faite : les Restos du cœur, c'est nul, zont pas de cœur.

Cette année donc, j'ai abandonné les Restos du Cœur qui répondent pas et se foutent totalement des propositions de bénévolat, et j'ai trouvé autre chose à faire : Noël pour tous.  Ça dit ce que ça dit, le but est d'offrir un Noël digne de ce nom à tous ceux qui n'en ont pas les moyens, tant qu'à faire.   

Résumé de ces deux jours noëllesques pas comme les autres.

16h.  Je dois m'habiller.  Cornélien.  Ne pas avoir l'air « débraillée ».  Mais ne pas avoir l'air « guindée ».  Ne pas cailler.  Mais ne pas être frigorifiée.  Galère de galère, pire que pour un réveillon « classique ».

17h.  La soirée commence tôt, avec un briefing pour tout le monde :

- explication du déroulement de la soirée,

- apprentissage de la chanson d'accueil à chanter aux 230 invités attendus, qui me fout la larme à l'œil, ça commence bien (et puis rhaaaaaaaaa faut chanter ? on m'avait pas dit que fallait chanter ! veux pas chanter moi !),

- découverte du menu - apéritif et zak, mousse de saumon et son toast aux tomates séchées, potage au potiron et lait de coco, civet de biche, poire et purée de chais plus quoi, chicons je pense, assiette de desserts, lasagnes pour les mioches-  ça y est je bave j'ai faim très très faim (et je pense à ce que j'ai apporté comme en-cas, une tartine à la confiote de fraise... pour un réveillon de Noël, c'est ça être bénévole ma bonne dame, réduction absolue de calories au programme, réveillon le moins cher du monde, aussi),

- répartition des tâches : nous avons opté pour la plonge et l'animation enfants - sacrebleu, pourquoi l'animation enfants, je sais pas animer moi, et puis j'aime pas les enfants moi, et puis je veux rentrer chez moi, moi, et réveillonner seule avec mes cuisses de grenouille à l'ail en pleurant sur ma triste vie de PDF (pas d'amoureux fixe),

- et au boulot...

18h.  La salle est joliment décorée, avec sapin, nappes vertes et tout le tralala.  Y'a même un genre de DJ prêt à lancer des CD de Noël, et une housse rectangulaire qui me fait l'effet de contenir un piano, enfin un synthé ou quelque chose du genre.  Etonnamment, quand je vois un piano, maintenant, je ne me sens plus, même si je suis incapable de réellement jouer quelque chose.  C'est comme une attraction, comme un coup de foudre permanent, une envie de toucher, de caresser (j'ai ça aussi quand je suis amoureuse, tiens, en y songeant bien).

18h15. Les premiers invités arrivent, bien en avance, mais c'était prévu, et ça nous permet de lancer réellement la fête.  Nous sommes censées nous occuper de la vaisselle, mais y'a un lave-vaisselle, et les premiers temps, y'a nin de vaisselle, donc les tâches sont diverses et variées.  Pour ma part, je déambule entre les tables, une bouteille de Coca dans une main, une de Fanta dans l'autre, et je sers tout qui a soif.  Dans mon enthousiasme délirant, je forcerais bien chacun à boire, boire et boire encore, mais je ne peux.  J'aime ça, tiens, servir à boire.  Faire un sourire, remplir le verre d'un enfant, malgré, parfois, l'absence d'un merci, d'un simple regard parfois, malgré les réflexions un peu brusques, parfois.  Un merci, un sourire, un regard... compensent tout.  Je suis dans mon élément.

19h45.  Le moment fatidique du chant a sonné, et je me rapproche du grand drap rouge qui reprend les paroles apprises peu de temps auparavant.  Mon enthousiasme est tel que je fais fi de ma voix de fausset, et j'entonne ce chant de bienvenue qui me met, encore une fois, la larme à l'œil.  Dingue comme Noël peut m'émouvoir.

20h.  J'ai faim.  Je sais qu'il y aura des restes et que je pourrai manger, mais bon, chuis pas là pour ça, me dis-je en engloutissant une olive et un bout de pizza brûlant, que je laisse tomber sur la pince à linge ornée de mon prénom et de paillettes.

20h05. Le service des plats commence et, via une chaîne humaine, la distribution se fait sans encombre.  Une expérience rigolote de travail à la chaîne, immédiatement suivie du début de l'animation enfants.  Dans l'intervalle, je tente d'engloutir une petite mousse de saumon et un Coca light, mais le devoir m'appelle, les enfants n'attendent pas.

20h30. Le principe est simple : plusieurs stands proposent divers jeux, permettant aux enfants de miser des jetons et d'en gagner (ou perdre).  Grâce à leurs jetons, ils peuvent ensuite se rendre au « magasin » pour choisir des cadeaux.  Je tiens le stand du « parcours électrique », là oùsque les mômes doivent faire passer un anneau de métal d'un bout à l'autre du parcours, le long d'un fil de fer métallique, sans le toucher, car chaque contact fait s'allumer une ampoule.  Le parcours est difficile et, après avoir raflé les jetons de deux enfants, je décide de changer la règle en « tout le monde gagne ».  Après tout, c'est Noël hein !  Je m'amuse à voir venir et revenir les mêmes enfants, qui ont bien compris que chez Anaïs, c'est du tout cuit.  Et au fil des visites, ils rient, me parlent et se confient à moi, me livrent qui un secret, qui une réflexion sur sa tenue vestimentaire, qui une recherche de jetons pour faire un cadeau à autrui.  Une complicité inattendue, je l'avoue.  Et j'adore j'adhère.

21h30. On me propose de la soupe et de la biche, mais, étonnamment, je n'ai pas faim du tout.  J'accepte juste un verre de Coca light.  Au loin, dans la salle voisine, j'entends une chorale chanter et le piano jouer (l'envie me prend d'aller jeter un œil, mais je ne peux quitter mon poste, sacrebleu, petit regret, gros regret).

22h30.  Le gong de fin retentit.  Les sourires et la joie des enfants hyper gâtés, sacs à dos remplis de trésors, fait plaisir à voir.  Et comme c'est Noël pour tous, j'ai aussi mon petit cadeau, un chtit nounours tout doux porte-clés.  Petit souvenir d'une soirée pas comme les autres.

22h45.  Petit détour par la cuisine afin de proposer de l'aide pour la vaisselle.  Mais le lave-vaisselle travaille bien seul.  Alors je mange une toute petite mignardise « bombe au chocolat », arrosée d'un autre verre de Coca light.

23h. Destination le coin cadeau, afin de préparer plus de 200 sacs remplis de cadeaux pour les invités : une tasse décorée à la main par des enfants et remplies de douceurs, des olives, des mousses au chocolat, des bonbons, de la feta, des mini produits de soins, des biscuits... Ouvrir 200 sacs, les remplir de 200 pots d'olives, 200 tasses, 200 pot de fêta, 200 sachets de bonbons, 200 kit beauté, puis les disposer en rang d'oignon en attendant qu'ils soient remis aux invités, tout cela dans la bonne humeur générale et les rires, ça fait quand même mal au dos, je vous le dis, ma Bonne Dame.  Mais imaginer la joie de ceux qui les recevra, ça compense largement (mon dos ne sera pas d'accord le lendemain matin, mais qu'importe).

Minuit.  La fête est finie, direction messe de minuit.  Quelques beaux chants (Douce nuit, Il est né le divin enfant, mais pas Peuple fidèle, pourtant repris au « programme », snif, un sermon soporifique à souhait je l'avoue (les messes, c'est vraiment pas mon truc), une flopée de curés (on dit prêtre, mais moi j'aime bien « curé »), dont l'un beau comme ... un Dieu (c'est trop injuste), et un âne tout beau dénommé Zorro (les ânes, c'est vraiment mon truc), gris comme dans la chanson (y'a bien une chanson intitulée « le petit âne gris », non ?). 

1h.  Après un vin chaud pas chaud et pas bon non plus, retour au bercail pour une bonne nuit de sommeil.

Résumé de mon frugal repas de Noël, le plus frugal depuis ma naissance, faut bien le reconnaître : trois olives vertes, deux confettis de pizza, un mini roulé de jambon, un autre de saumon, quelques bouchées de mousse de saumon avalées en quatrième vitesse et une mignardise au chocolat.   

2h.  Je meurs de faim, dans mon lit, et me mets à fantasmer sur le civet de biche, la soupe au potiron et les mousses au chocolat.  Trop taaaaaaaaaaaaaaard.  Je m'endors, le ventre toujours vide, qui crie son désespoir, en vain.

Le lendemain.

15h.  A peine arrivée, un balai me tombe dans les mains.  Balayer le jour de Noël, sacrilège.  Moi qui hais le ménage, je suis servie.  Mais c'est ça le bénévolat, nettoyer, astiquer, balayer...  Suit le rangement des centaines d'assiettes, verres, bols...  C'est à cet instant précis que je réalise à quel point l'entreprise « Noël pour tous », nécessite des heures de travail : récolter les dons, trouver les bénévoles, arranger la salle pour qu'elle soit accueillante, dresser les tables, préparer plus de 200 repas de qualité, rendre la soirée agréable et conviviale, et enfin, tout ranger le lendemain, rapporter la vaisselle prêtée, apporter les restes aux cochons (rien ne se perd).  Chapeau les organisateurs !

17h.  Une fois le travail fini, orgie de chips (j'avais jamais vu des sacs de 50 litres remplis de chips, là j'ai vu) et de mousse au chocolat (sans moi, le resto nous attend), puis nous quittons les lieux avec la promesse de revenir l'an prochain.  Je me sens pousser des ailes de dame patronnesse, en toute confidence.

18h.  Petit tour sur le marché de Noël namurois, puis un repas, un vrai, au Pizza Hut, seul resto ouvert en ce soir férié.  Suivi d'un second repas, foie gras et tarte, arrosé, enfin, d'un verre de vin. 

2h.  Au dodo.

Satisfaite.  Heureuse de cette fête de Noël sous le signe de la solidarité.  Heureuse d'avoir pensé à autre chose qu'à moi durant quelques heures.  Heureuse d'avoir vu cette maman et son fils, ces familles, cette dame seule... tous un peu moins seuls.  Heureuse d'avoir fait la connaissance d'un groupe de bénévoles motivés et enjoués.  Heureuse.

Ça s'appelle Noël pour tous.  Et ce fut également Noël pour moi.

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