Magazine Journal intime

Trop...

Publié le 14 janvier 2010 par Veronique_m
Trop c'est trop, je n'en peux plus ce soir. Dans le confort de mon salon, dans le luxe de ma vie vancouveroise, dans ma maison qui tient debout et m'offre l'eau -un peu trop d'ailleurs- et l'électricité, j'ai le toupet de dire que je n'en peux plus, et je peux me permettre d'arrêter, à tout moment, de regarder ce débordement d'images sur le web, à la télé, qui montrent que le pays qui a changé ma vie est au pire moment de son histoire, vit son plus grand désastre, comme si c'était nécessaire après tout le reste. Et je suis là, déchirée entre ma curiosité morbide, mon sentiment de culpabilité de ne rien pouvoir faire, l'inquiétude, la tristesse...
Je peux arrêter de regarder ces images, mais en même temps je n'y arrive pas. Je voudrais arrêter d'y penser, de lire des listes de noms de disparus sur Facebook et Twitter, mais je ne peux pas. Depuis la minute où j'ai vu, de loin, la carte d'Haïti sur l'écran de RDI mardi, j'ai commencé à m'enfoncer dans ce tourbillon, et d'autres images, des souvenirs, des noms, ont surgi de ma mémoire. Ma vie, mon ancienne vie, celle que j'ai quittée mais que j'idéalise encore parfois, tous les gens que j'ai aimés, avec qui j'ai travaillé, mon "ex-famille"... Où étaient-ils, avaient-ils réussi à se mettre à l'abri? Et tous les autres que je ne connais pas mais qui sont par terre, morts dans la rue, ceux qui sont blessés et ne peuvent même pas être soignés... Tous ces bâtiments écroulés -égoïstement je pense à tous les lieux de mon passé, ma maison qui n'existe plus, l'hôtel Montana qui n'est plus qu'une crêpe de béton où près de 200 personnes sont encore emprisonnées. J'ai la nausée. Trop, c'est trop.
Jusqu'à présent, au moins, les nouvelles que j'obtiens au compte-goutte sont rassurantes si on peut dire, mes plus proches sont sains et saufs. Mais je pense à la suite. Comment fait-on pour continuer après ça? Par où commencer? La foi en la vie, on la trouve où? Tout est à terre, des émeutes ont déjà commencé, des pillages aussi. Le manque d'eau, les épidémies, il y a tant d'autres risques maintenant. Peut-être que justement c'est parce que je suis loin que je vois les choses avec découragement, peut-être que quand on survit à un tel drame l'envie de vivre est d'autant plus forte. Je le souhaite. Je ne sais pas.
Une chance, beaucoup de gens ont la capacité de se plonger dans l'action, et d'aider, concrètement. Pour ceux qui comme moi n'ont pas de compétence particulière dans la gestion de désastre mais veulent faire quelque chose, il y a toujours la possibilité de faire un don à la Croix Rouge par exemple, ou à d'autres organismes. Le besoin est énorme. On a tous une capacité limitée à être touché par les horreurs qui arrivent sur terre chaque jour, il y en a tant et on se sent vite impuissant, et puis notre vie continue, avec ses obligations et ses moments de joie. Mais cette fois-ci, parce qu'Haïti pour moi c'est plus qu'un pays où le sort s'acharne, je ne veux pas reprendre le cours de ma vie normale comme si de rien n'était. Pas tout de suite.

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